Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 25 mars 2016 par lequel le ministre de la culture et de la communication a refusé de lui délivrer le certificat d'exportation, prévu à l'article L. 111-2 du code du patrimoine, pour le tableau " Judith et Holopherne ", attribué au Caravage, dont l'indivision C...est propriétaire, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux qu'il a formé contre cet arrêté, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1616786 du 3 juillet 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 août 2017 et 4 avril 2018, M.C..., représenté par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 3 juillet 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 mars 2016 par lequel le ministre de la culture et de la communication a refusé de lui délivrer le certificat d'exportation prévu à l'article L. 111-2 du code du patrimoine, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée a été rendue au terme d'une procédure méconnaissant le principe du contradictoire et les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors qu'il n'a pas été préalablement mis à même de présenter ses observations ;
- c'est à tort que le tribunal a jugé que le requérant n'avait pas, dans les circonstances de l'espèce, été privé d'une garantie.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 mars 2018, le ministre de la culture conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du patrimoine,
- le code des relations entre le public et l'administration,
- le décret n° 2014-1305 du 23 octobre 2014,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Labetoulle,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- et les observations de Me D...pour M.C....
1. Considérant que, par un arrêté en date du 25 mars 2016, le ministre de la culture et de la communication a refusé de délivrer le certificat d'exportation, prévu à l'article L. 111-2 du code du patrimoine, pour le tableau " Judith et Holopherne ", attribué au Caravage, dont l'indivision C...est propriétaire ; que, par un courrier du 8 juillet 2016, M. A...C..., représentant l'indivisionC..., a formé, sans succès, un recours gracieux contre cette décision ; que M. C... a alors saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 mars 2016, ainsi que de la décision implicite rejetant son recours gracieux dirigé contre cet arrêté ; que le tribunal a rejeté cette demande par un jugement du 3 juillet 2017, dont M. C...interjette appel ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-2 du code du patrimoine : " L'exportation temporaire ou définitive hors du territoire douanier des biens culturels, autres que les trésors nationaux, qui présentent un intérêt historique, artistique ou archéologique et entrent dans l'une des catégories définies par décret en Conseil d'Etat est subordonnée à l'obtention d'un certificat délivré par l'autorité administrative " ; qu'aux termes de l'article R. 111-4 du même code : " La demande du certificat mentionné à l'article L. 111-2 est adressée au ministre chargé de la culture par le propriétaire du bien ou son mandataire " ; qu'aux termes de l'article R. 111-6 de ce code : " Le ministre chargé de la culture délivre ou refuse le certificat dans un délai de quatre mois à compter de la réception de la demande accompagnée de tous les renseignements et pièces justificatives (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 111-12 du même code: " Le refus de délivrer le certificat fait l'objet d'un arrêté du ministre chargé de la culture. Un extrait de cet arrêté et l'avis de la commission consultative des trésors nationaux sont publiés simultanément au Journal officiel de la République française. La décision de refus est notifiée au propriétaire du bien, même si la demande a été déposée par un mandataire, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Dans le cas où le ministre ne dispose pas de l'identité et de l'adresse du propriétaire, il en fait la demande au mandataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; le délai prévu à l'article R. 111-6 est suspendu à compter de la date de réception par le mandataire de la lettre du ministre jusqu'à la production de ces renseignements(...) " ; qu'en application du décret du 23 octobre 2014 susvisé, le délai à l'expiration duquel naît une décision implicite d'acceptation est, en matière de demandes de certificat d'exportation, de quatre mois ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions mentionnées ci-dessus de l'article R. 111-6 du code du patrimoine que, à l'exception du cas où seul le mandataire est connu de l'administration et où celle-ci doit obtenir de lui l'identité et l'adresse du propriétaire, ce qui a pour effet de suspendre le délai prévu par ces dispositions, le propriétaire qui a demandé à bénéficier d'un certificat d'exportation doit connaître dans un délai de quatre mois le sort réservé à sa demande ; que l'autorisation doit être regardée comme accordée lorsque l'intéressé n'a pas reçu notification de la décision à l'expiration de ce délai ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., mandataire désigné par l'indivisionC..., a déposé une demande de certificat d'exportation pour l'oeuvre " Judith et Holopherne ", auprès des services du ministre de la culture et de la communication, le 26 novembre 2015 et a reçu un accusé de réception de sa demande le jour même ; que l'arrêté du 25 mars 2016 n'a été notifié à M. A...C...que par courrier du 6 mai 2016 reçu le 12 mai suivant, soit après l'expiration du délai de quatre mois prévu à l'article R. 111-6 du code du patrimoine ; que la lettre en date du 25 mars 2016 par laquelle le ministre de la culture a demandé au mandataire l'identité et l'adresse des propriétaires, postée le 31 mars et reçue le 7 avril, soit postérieurement au 26 mars 2016, n'a pu suspendre le délai de quatre mois à l'expiration duquel est née une décision implicite d'acceptation ; que, par suite, et comme l'a, à juste titre, jugé le tribunal administratif, la demande du requérant avait bien fait l'objet d'une décision implicite d'acceptation ; qu'ainsi, par la décision explicite de refus notifiée le 12 mai 2016, le ministre de la culture a retiré cette décision implicite d'acceptation, qui avait créé des droits au profit de son bénéficiaire ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. " ;
6. Considérant qu'il n'est pas contesté que la décision implicite qui autorisait l'exportation d'un tableau attribué au Caravage, présentant un intérêt artistique majeur, était illégale et pouvait donc être retirée dans le délai de quatre mois suivant son intervention ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. " ; qu'en vertu de l'article L. 211-2 de ce code, doivent être motivées les décisions qui retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ;
8. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la décision attaquée, qui retire une décision créatrice de droits, devait, avant son intervention, être soumise au respect d'une procédure contradictoire ; que le respect de la procédure prévue par les dispositions précitées de l'article L.121-1 constitue une garantie pour le titulaire d'un certificat d'exportation d'un bien culturel que l'autorité administrative envisage de retirer ;
9. Considérant, toutefois, qu'un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ;
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le mandataire des propriétaires du tableau a eu, le 24 février 2016, un entretien avec le directeur général des patrimoines du ministère de la culture, qui l'a informé de l'intérêt du tableau pour les collections publiques françaises, de ce que celui-ci pourrait être acquis par les collections nationales, de ce que la commission consultative des trésors nationaux avait émis un avis défavorable à la délivrance du certificat sollicité, et de ce qu'une procédure de refus de certificat était enclenchée ; que, par un courriel du 9 mars 2016, le mandataire des consorts C...a évoqué cette perspective et a fait état d'un accord de principe des propriétaires pour retirer leur demande en vue de permettre l'achat éventuel du tableau par une institution publique dans un délai d'un an, à l'expiration duquel l'autorisation sollicitée serait accordée ; que, par un courriel daté du lendemain, le directeur des patrimoines a confirmé qu'il proposait au ministre d'opposer un refus à la demande de certificat d'exportation compte tenu de l'importance de l'oeuvre ; qu'ainsi, le mandataire des propriétaires a été informé en temps utile de ce qu'un refus de certificat d'exportation allait lui être opposé et de ses motifs ; que, dans ces conditions, le mandataire, ainsi que les propriétaires, qui n'avaient au demeurant pas souhaité avoir de relations directes avec l'administration, ont été mis à même de présenter toutes observations s'ils le souhaitaient, ce qu'ils ont d'ailleurs fait en envisageant de retirer leur demande si le tableau était acquis par une institution publique française ; qu'ils n'ont dès lors pas effectivement été privés d'une garantie ; qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier que l'absence formelle de la procédure contradictoire prévue par les dispositions précitées de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration n'a pas eu d'incidence sur le sens de la décision du ministre ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 mars 2016 par lequel le ministre de la culture et de la communication a retiré sa décision implicite lui accordant un certificat d'exportation, ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux ; que sa requête doit dès lors être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et à la ministre de la culture.
Délibéré après l'audience du 12 juin 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 juin 2018.
Le rapporteur,
M-I. LABETOULLELe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de la culture en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA02775