Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C...B...ont demandé au Tribunal administratif de Paris :
1°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012 ainsi que des pénalités correspondantes ;
2°) d'annuler le point 60 de l'instruction BOI-RSA-GER-20-20120912 et le point 210 de l'instruction BOI-RSA-BASE-20-20-20120912.
Par un jugement n° 1704851/2-1 du 20 février 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ces demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 19 avril 2018, M. et MmeB..., représentés par
MeA..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 20 février 2018 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il fait référence au débat contradictoire antérieur à la proposition de rectification pour justifier de la régularité de celle-ci, et en ce qu'il ignore la circonstance que ledit document n'explicitait pas le lien entre la référence à la valeur locative réelle et l'article 62 du code général des impôts ;
- le tribunal administratif a dénaturé leurs écritures et commis une erreur de droit en estimant que la proposition de rectification était suffisamment motivée, dans la mesure où ce document n'explicitait pas en quoi la référence à l'article 62 du code général des impôts justifiait du recours à la valeur locative réelle ;
- il a procédé à une substitution de motifs sans inviter les parties à présenter leurs observations ; il a attribué à tort à l'administration le raisonnement juridique qu'il a utilisé ;
- le tribunal devait surseoir à statuer dans l'attente de la décision du Conseil d'Etat sur la conformité à la Constitution des commentaires administratifs publiés au point 60 du BOI-RSA-GER-20-20120912 ou au point 30 du BOI-RSA-BASE-20-20-20120912 ou au 1er alinéa du point 210 du BOI-RSA-BASE-20-20-201209124 ;
- le tribunal a créé un risque de contradiction avec une décision à intervenir d'une juridiction supérieure et a ainsi insuffisamment motivé sa décision.
Le président de la 2ème chambre de la Cour a, en application des dispositions de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, dispensé la présente requête d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.
1. Considérant qu'à la suite de la vérification de comptabilité de la SARL Centaurod, dont M. B...est le gérant majoritaire, l'administration a remis en cause la valeur de l'avantage en nature représenté par la mise à disposition au bénéfice de l'intéressé de locaux à usage d'habitation, tel que déclaré par lui, et a en conséquence, notifié à l'intéressé ainsi qu'à son épouse des rehaussements de leur revenu imposable au titre des années 2011 et 2012 ; que, par la présente requête, M. et Mme B...relèvent appel du jugement du Tribunal administratif de Paris du 20 février 2018 en tant qu'il a refusé de prononcer la décharge de ces impositions ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, que les premiers juges ont, sans dénaturer les écritures des requérants, régulièrement statué sur le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification en estimant que les indications figurant dans ce document, selon lesquelles " l'avantage consenti aux dirigeants sous forme de logement est toujours évalué d'après la valeur locative réelle " et " la doctrine administrative qui admet un mode d'évaluation forfaitaire de certains avantages en nature consentis aux dirigeants (...) n'est pas applicable aux dirigeants dont les rémunérations relèvent de l'article 62 du code général des impôts ", étaient suffisamment explicites pour permettre aux requérants d'engager un débat contradictoire avec l'administration et de présenter utilement leurs observations ; que, contrairement à ce qui est soutenu, les premiers juges n'ont nullement fait dépendre la régularité de la proposition de rectification du contenu du débat contradictoire intervenu antérieurement à celle-ci, mais ont estimé que ce document ouvrait la possibilité d'un tel débat dans le cadre de la procédure de redressement contradictoire ; qu'aucune irrégularité ne peut par suite être constatée à cet égard ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que les premiers juges, qui ont détaillé les motifs de droit pour lesquels le mode d'évaluation forfaitaire de certains avantages en nature consentis aux dirigeants n'était pas applicable aux dirigeants dont les rémunérations relèvent de l'article 62 du code général des impôts, n'ont pas substitué de nouveaux motifs au motif, rappelé au point 2. du jugement, retenu par l'administration pour justifier des rehaussements en cause, alors même qu'ils auraient repris dans leur raisonnement certains éléments qui leur avaient été fournis par le contribuable lui-même ; que le moyen tiré de ce que le tribunal a procédé à une substitution de motifs sans inviter les parties à présenter leurs observations ne peut par suite qu'être écarté ;
4. Considérant, en troisième lieu, que les premiers juges ont régulièrement pu statuer sur le bien-fondé des impositions sur le fondement de la loi fiscale, sans attendre la décision du Conseil d'Etat relative à la constitutionnalité ou à la légalité de la doctrine administrative qui était opposée au contribuable ; que contrairement à ce qui est soutenu, le fait de ne pas avoir sursis à statuer ne saurait être regardé comme un défaut de motivation ; que contrairement à ce qui est également soutenu, les premiers juges n'ont commis aucune irrégularité en statuant sur le bien-fondé de l'imposition, alors même qu'à la date où le jugement était rendu, le risque de contradiction avec la position juridique qui pouvait être retenue par une juridiction supérieure n'aurait pas été écarté ;
5. Considérant, enfin, que les erreurs de droit, de fait, ainsi que les contradictions de motifs dont serait entaché le jugement attaqué sont sans influence sur sa régularité ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
6. Considérant que la proposition de rectification du 29 juillet 2014 adressée à
M. et Mme B...indiquait que les rectifications litigieuses résultaient d'une remise en cause de l'évaluation forfaitaire faite par M. B...de l'avantage en nature consenti en sa faveur par la SARL Centaurod et consistant en la mise à disposition de locaux à usage d'habitation, en précisant notamment que " l'avantage consenti aux dirigeants sous forme de logement est toujours évalué d'après la valeur locative réelle " et que " la doctrine administrative qui admet un mode d'évaluation forfaitaire de certains avantages en nature consentis aux dirigeants (...) n'est pas applicable aux dirigeants dont les rémunérations relèvent de l'article 62 du code général des impôts " ; que ces indications étaient suffisamment claires et précises pour permettre aux requérants d'engager un débat contradictoire avec l'administration dans le cadre de la procédure de redressement contradictoire et de présenter utilement leurs observations ; que le moyen tiré du défaut de motivation de la proposition de rectification susmentionnée doit ainsi être écarté ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
7. Considérant qu'aux termes de l'article 62 du code général des impôts : " Les traitements, remboursements forfaitaires de frais et toutes autres rémunérations sont soumis à l'impôt sur le revenu au nom de leurs bénéficiaires s'ils sont admis en déduction des bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés par application de l'article 211, même si les résultats de l'exercice social sont déficitaires, lorsqu'ils sont alloués : Aux gérants majoritaires des sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes (...). / Le montant imposable des rémunérations visées au premier alinéa est déterminé, après déduction des cotisations et primes mentionnées à l'article 154 bis, selon les règles prévues en matière de traitements et salaires " ; qu'aux termes de l'article 82 du même code, applicable aux contribuables relevant de la catégorie des traitements et salaires : " Pour la détermination des bases d'imposition, il est tenu compte du montant net des traitements, indemnités et émoluments, salaires, pensions et rentes viagères, ainsi que de tous les avantages en argent ou en nature accordés aux intéressés en sus des traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères proprement dits (...) / Le montant des rémunérations allouées sous la forme d'avantages en nature est évalué selon les règles établies pour le calcul des cotisations de sécurité sociale en application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale : " Pour le calcul des cotisations de sécurité sociale dues pour les périodes au titre desquelles les revenus d'activité sont attribués, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment (...) les avantages en nature (...) " ; que l'article R. 242-1 du même code renvoie à des arrêtés interministériels la détermination de la valeur représentative des avantages en nature pour le calcul des cotisations de sécurité sociale ; qu'aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale : " Sous réserve des dispositions de l'article 5 ci-dessous, pour les travailleurs salariés et assimilés auxquels l'employeur fournit le logement, l'estimation de l'avantage en nature est évaluée forfaitairement " ; qu'aux termes de l'article 5 de ce même arrêté : " S'agissant des personnes relevant des 11°, 12° et 23° de l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale, les avantages nourriture et logement sont déterminés d'après la valeur réelle " ; qu'enfin, l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale prévoit que sont affiliés obligatoirement aux assurances sociales du régime général " 11° Les gérants de sociétés à responsabilité limitée et de sociétés d'exercice libéral à responsabilité limitée à condition que lesdits gérants ne possèdent pas ensemble plus de la moitié du capital social
(...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que les avantages en nature consentis à leurs gérants minoritaires par les sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes, lesquels sont soumis à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires, sont pris en compte pour leur montant réel et non selon un montant déterminé forfaitairement et qu'il en va de même, du fait du renvoi opéré par l'article 62 du code général des impôts aux règles applicables aux traitements et salaires, pour les avantages en nature consentis aux gérants majoritaires ; que M. et Mme B...ne sont par suite pas fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a estimé pour leur montant réel les avantages en nature qui leur avaient été consentis ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 26 septembre 2018.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
P. LIMMOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01324