Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Etablissements Rabot et Compagnie a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la réduction en droits et pénalités de l'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'année 2011, de l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières mis à sa charge au titre des années 2011, 2012 et 2013 et de la contribution sociale additionnelle à l'impôt sur les sociétés (CSA) à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011.
Par un jugement n° 1600105 du 3 novembre 2016, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire, un mémoire ampliatif et un mémoire en réplique enregistrés les 1er février et 5 juillet 2017 et le 28 juin 2018, la société Etablissements Rabot et Compagnie, représentée par MeC..., demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 1600105 du 3 novembre 2016 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de l'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'année 2011, de l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières mis à sa charge au titre de l'année 2011, 2012 et 2013 et de la CSA à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011, en tant que ces droits et pénalités ont été mis à sa charge au titre de la réintégration dans ses résultats imposables de ses frais de siège ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le remboursement des frais exposés ainsi que la somme de 500 000 XPF en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la charge de la preuve du caractère anormal des frais de siège exposés appartient à l'administration fiscale ;
- cette preuve n'est pas apportée ;
- lesdits frais de siège correspondaient bien à la rémunération des services généraux qui lui ont été réellement rendus par ses maisons mères successives (SCIE, SCIE distributions) et dont elle avait besoin pour fonctionner normalement ;
- il en est de même des frais facturés par la société CCG après la cession du groupe Lavoix, notamment au titre du déménagement de la société requérante ;
- l'instruction de la DGFIP BOI-IS-CHAMP-60-10-20120912 publiée au BOFIP le
12 septembre 2012 admet expressément la répartition forfaitaire des frais de siège entre les sociétés mères et filles ;
- la majoration pour mauvaise foi de 40 % prévue par les dispositions de l'article 1054-2° du code des impôts est dépourvue de base légale, dès lors qu'il ne peut raisonnablement être soutenu par le service qu'une société qui, pendant une si longue période, a versé des frais de siège de l'ordre de 1 % de son chiffre d'affaires à la société du groupe qui assumait tous les services communs à toutes les sociétés de ce groupe, aurait été de mauvaise foi.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 avril et 26 juin 2018, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, représenté par la SCP Potier de la Varde - Buk Lament - Robillot conclut au rejet de la requête et que soit mis à la charge de la SAS Etablissements Rabot et Compagnie la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les conclusions dirigées contre l'impôt sur les sociétés établi au titre des exercices 2012 et 2013 sont irrecevables et qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par ordonnance du 11 juin 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 28 juin 2018.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;
- le code des impôts de la Nouvelle-Calédonie ;
- le code de justice administrative dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., substituant MeC..., représentant la société Etablissements Rabot et Compagnie, et de MeB..., représentant le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
1. Considérant que la société Etablissements Rabot et Compagnie a pour activité l'achat, la vente en gros, demi-gros de tous produits, denrées et objets de toutes provenances ; qu'elle relève appel du jugement n° 1600105 du 3 novembre 2016 du Tribunal administratif de
Nouvelle-Calédonie en tant qu'il a rejeté sa demande en décharge, en droits et pénalités, de l'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'année 2011, de l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières mis à sa charge au titre des années 2011, 2012 et 2013 et de la contribution sociale additionnelle à l'impôt sur les sociétés (CSA) à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011, procédant de la réintégration dans ses résultats imposables de ses frais de siège ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. Considérant que l'administration a réintégré dans les résultats imposables de la requérante les dépenses à caractère administratif, comptable, commercial et juridique, comptabilisées en charges d'honoraires, qui avaient été facturées à l'intéressée par des sociétés du groupe Lavoix auquel elle appartient, soit par la société SCIE pour l'exercice clos en 2011, puis par la société CCG (Compagnie Calédonienne de Gestion) au titre des exercices clos en 2012 et 2013 ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 21 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges à condition : (...) - de correspondre à une charge effective et d'être appuyée de justifications suffisantes (...) " ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;
4. Considérant qu'en se bornant à produire une convention de prestations de services signée le 7 janvier 2013 avec la CCG qui a une activité de fourniture de prestations administratives, convention qui prévoit la fourniture à la société Etablissements Rabot et Compagnie d'un support administratif ainsi que d'une assistance dans les domaines comptables juridiques et financiers, et à faire valoir qu'une société ayant une activité comme la sienne a nécessairement besoin de services pour assurer sa gestion et déterminer ses orientations stratégiques, et en l'absence de tout élément portant sur la réalité et la nature des prestations effectivement fournies tant par la société SCIE que par la société CCG, la société Etablissements Rabot et Compagnie ne produit aucun élément suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'elle en a retirée ; qu'aucune pièce n'est produite permettant à la Cour d'identifier la réalité des services généraux qui auraient été fournis par les sociétés SCIE et CCG ni des services particuliers qui auraient été rendus à la requérante à l'occasion de son déménagement ; que la circonstance que la rémunération de ces " frais de siège " atteindrait un montant raisonnable au regard des sommes habituellement facturées à ce titre ne saurait être valablement invoquée, dès lors qu'ainsi qu'il vient d'être dit, aucun élément ne permet de constater la réalité des prestations rendues à ce titre ; qu'il en est de même de la circonstance tirée de ce que le président de la société requérante ne serait pas rémunéré par elle mais par la société CCG, aucun élément n'étant fourni permettant à la Cour d'apprécier le montant des sommes refacturées à ce titre et l'importance des prestations correspondantes ; qu'ainsi, et alors même que les charges résultant de la répartition forfaitaire des frais de siège entre les sociétés mères et filles seraient en principe déductibles, la société requérante ne saurait demander la déduction de sommes qui doivent être regardées comme dépourvues de toute contrepartie ; que c'est par suite à bon droit que l'administration a remis en cause la déduction desdites charges du montant de ses bénéfices, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 21 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie ;
Sur les pénalités :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 1054 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie : " Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1053 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti : 1°. de l'intérêt de retard visé à l'article Lp. 1052 ; toutefois, son décompte est arrêté au dernier jour du mois de la notification de redressement ; 2°. et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 % s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droit au sens de l'article 971. " ; que la société Etablissements Rabot et Compagnie a déduit de son bénéfice net, pendant une longue période, des frais de siège dont elle ne pouvait ignorer qu'ils étaient exposés sans contrepartie ; que l'administration est donc fondée à soutenir que la mauvaise foi de la société requérante, qui ne saurait, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, se borner à faire valoir la modération de ces frais et la " réalité d'une société intégrée dans un groupe ", est établie ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions de la requête, que la société Etablissements Rabot et Compagnie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle Calédonie a rejeté sa demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Nouvelle-Calédonie, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande la société Etablissements Rabot et Compagnie au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Etablissements Rabot et Compagnie le versement de la somme que demande la Nouvelle-Calédonie au titre des frais de même nature ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Etablissements Rabot et Compagnie est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Etablissements Rabot et Compagnie et au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Appèche, président,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme Jimenez, premier conseiller,
Lu en audience publique le 10 octobre 2018.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLe président assesseur,
En application de l'article R. 222-26 du code
de justice administrative
S. APPECHE
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
7
2
N° 17PA00413