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12/10/2018 | FRANCE | N°18PA00058

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 12 octobre 2018, 18PA00058


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 22 juin 2017 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de renvoi.

Par un jugement n° 1712043 du 15 décembre 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 janvier 2018 et un mémoire enreg

istré le 2 août 2018, M. A..., représenté par Me Le Gloan, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 22 juin 2017 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de renvoi.

Par un jugement n° 1712043 du 15 décembre 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 janvier 2018 et un mémoire enregistré le 2 août 2018, M. A..., représenté par Me Le Gloan, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence temporaire mention " vie privée et familiale ", dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) d'enjoindre au préfet de police, à titre accessoire, de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer en l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

5°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- les premiers juges ont commis des erreurs de fait ;

- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le refus de titre de séjour et la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale, de même que la décision fixant le pays de destination, du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Heers,

- et les observations de Me Le Gloan, avocat de M. A....

Une note en délibéré, enregistrée le 21 septembre 2018, a été présentée par Me Le Gloan, pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant algérien né le 30 juin 1967, est entré en France sous couvert d'un visa de court séjour le 29 décembre 1992. Il relève appel du jugement du 15 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 juin 2017 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un certificat de résidence sur le fondement des stipulations du point 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de renvoi.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments du requérant mais seulement à ses moyens, a suffisamment motivé son jugement en retenant, sans viser dans ses motifs toutes les pièces produites qui ne démontraient pas, selon lui, une présence effective sur le territoire français, que M. A... ne pouvait être regardé comme justifiant de dix ans de présence habituelle en France à la date de l'arrêté contesté. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.

4. Par ailleurs, si le requérant soutient que les premiers juges ont commis des erreurs de fait dans des conditions susceptibles d'affecter la validité de la motivation du jugement dont le contrôle est opéré par l'effet dévolutif de l'appel, ces erreurs éventuelles seraient seulement susceptibles d'affecter le bien-fondé du jugement et resteraient sans incidence sur sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. En premier lieu, en vertu des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les mesures de police doivent être motivées et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

6. En l'espèce, l'arrêté contesté vise les textes dont il fait application, les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 et l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il comporte également des éléments relatifs à la situation personnelle et familiale du requérant, notamment la date où il déclare être entré en France, le fait qu'il ne démontre pas y vivre de manière habituelle depuis plus de dix ans, qu'il est célibataire, sans charge de famille en France et que ses parents et sa fratrie résident dans son pays d'origine. L'arrêté mentionne également que le requérant n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cet arrêté comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1. Au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a résidé en qualité d'étudiant (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ".

8. M. A... fait valoir qu'il résidait habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué. Cependant, il ne produit pour l'année 2012 que deux ordonnances médicales des 26 juillet et 17 août 2012 qui ne peuvent à elles seules établir que le requérant s'est maintenu en France de manière habituelle et continue au cours de cette année. S'il produit également, au titre de l'année 2012, l'accusé de réception d'une de ses requêtes devant la Cour administrative d'appel de Paris, un historique issu du logiciel " Sagace ", une lettre écrite à son avocat datée du 5 avril 2012 sans accusé de réception, un avis d'imposition sans déclaration de revenus et un courrier bancaire mentionnant un défaut de paiement, ces documents, eu égard à leur nature, sont dépourvus de force probante suffisante dès lors qu'ils n'impliquent pas la présence, même ponctuelle, de l'intéressé sur le territoire français. Pour l'année 2013, la production d'une fiche de circulation dans un hôpital le 4 juin 2013 et d'un document contractuel daté du 13 octobre 2013 ne peuvent à eux seuls établir que le requérant s'est maintenu en France de manière habituelle et continue au cours de cette année. Quant à la notification d'un arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris, la prise d'un rendez-vous médical, l'avis d'imposition sans déclaration de revenus et les factures d'un abonnement téléphonique, ces documents, eu égard à leur nature, sont dépourvus de force probante suffisante dès lors qu'ils n'impliquent pas la présence, même ponctuelle, de l'intéressé sur le territoire français, pour cette même année 2013. Il résulte de tous ces éléments que la présence de M. A... en France au moins pendant ces deux années 2012 et 2013 n'étant pas établie, le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ne saisissant pas la commission du titre de séjour du cas de M. A.... Pour les mêmes motifs, il n'a pas davantage méconnu les stipulations de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Les moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions et stipulations, soulevés à l'encontre du refus de titre de séjour, doivent donc être écartés.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : / (...) / 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Pour invoquer la méconnaissance de ces stipulations à l'encontre tant du refus de séjour que de l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, le requérant fait valoir qu'il est entré en France en 1992 à l'âge de vingt-cinq ans alors qu'il est à présent âgé de 51 ans, que " toute sa cellule personnelle " est en France, qu'il a toujours justifié d'un domicile en France et dispose de ressources suffisantes provenant de diverses activités professionnelles. Toutefois, il résulte du point 8 que M. A... n'établit pas l'ancienneté ni, surtout, la continuité de son séjour sur le territoire français. De plus, il ressort des pièces du dossier qu'il a conservé ses principales attaches en Algérie où vivent ses parents, ses huit frères et soeurs et où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans. Par ailleurs, il est célibataire, sans charge de famille en France et ne se prévaut d'aucune activité professionnelle régulière. Enfin, il n'établit pas l'existence d'attaches particulières en France. Dans ces conditions, le préfet n'a pas méconnu, par les décisions contestées, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien.

11. Enfin, il résulte des motifs qui précèdent que M. A... n'est pas fondé à invoquer par voie d'exception, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de celle fixant le pays de renvoi, l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera délivrée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- Mme Julliard, président-assesseur,

- M. Mantz, premier conseiller,

Lu en audience publique le 12 octobre 2018.

Le président-rapporteur,

M. HEERSL'assesseur le plus ancien,

M. JULLIARD

Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA00058


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00058
Date de la décision : 12/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité externe - Procédure.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité interne - Droit au respect de la vie privée et familiale.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Mireille HEERS
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : LE GLOAN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-10-12;18pa00058 ?
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