Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E...D...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 février 2018 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination duquel il pourrait être reconduit et a pris à son encontre une décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de 12 mois.
Par un jugement n° 1802550 du 20 février 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 16 mars 2018, M. D...B..., représenté par Me A... C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1802550 du 20 février 2018 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 février 2018 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à lui verser sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard du dépôt d'une demande de titre de séjour en cours d'instruction ;
- il ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français car il avait droit à un titre de séjour sur le fondement de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien ;
- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;
- cette décision porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 septembre 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Legeai a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D...B..., ressortissant algérien né en janvier 1970 et entré en France en 2001 selon ses déclarations, a été interpellé le 15 février 2018 par les services de police à l'occasion d'un contrôle d'identité. Par arrêté du 16 février 2018, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. D...B...relève régulièrement appel du jugement du 20 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 16 février 2018.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise les textes en application desquels il a été pris, notamment l'article L. 511-1 I 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et les considérations de fait qui le fondent, notamment la circonstance que M. D... B... s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour par une décision du préfet de l'Essonne du 21 juin 2016, et que, depuis cette date, il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français. Dès lors, l'arrêté contesté comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. La circonstance que le préfet de police n'ait pas mentionné tous les éléments factuels de la situation personnelle de l'intéressé, et notamment le fait qu'il avait à nouveau déposé le 1er décembre 2017 une demande de titre de séjour en cours d'instruction, n'est pas de nature à entacher d'insuffisance de motivation ledit arrêté. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) ".
4. Il est constant que M. D... B... s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour par un arrêté du préfet de l'Essonne du 21 juin 2016 et que le recours qu'il avait déposé contre cette décision a été rejeté par le tribunal administratif de Versailles le 21 mai 2017. S'il soutient, en produisant sa convocation à la préfecture de police, avoir à nouveau, le 1er décembre 2017, déposé une demande de certificat de résidence temporaire, encore en cours d'instruction à la date d'édiction de l'arrêté contesté, le seul dépôt d'une demande de titre de séjour ne peut faire obstacle à ce que l'autorité administrative décide d'obliger un étranger à quitter le territoire français qui, étant en situation irrégulière à la date de cette demande, se trouve, notamment, dans le cas mentionné au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet a pu obliger M. D... B... à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'en prenant une telle décision le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de l'intéressé.
5. En troisième lieu, l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 stipule : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1. Au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ". M. D...B...soutient qu'il résidait en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué. Toutefois, les justificatifs présentés au titre des années 2008, 2009 et 2010 sont insuffisamment nombreux et diversifiés pour établir le caractère continu de sa résidence en France sur cette période. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié doit être écarté.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français pendant 12 mois :
6. Le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 27 de la loi du 7 mars 2016, en vigueur depuis le 1er novembre 2016, dispose : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ". Il résulte de ces dispositions que lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.
7. L'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui constituent le fondement de l'interdiction de retour de douze mois. Il mentionne notamment la durée alléguée de la présence en France de l'intéressé, la circonstance qu'il s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement et l'absence " de liens suffisamment anciens, forts et caractérisés avec la France, étant constaté qu'il se déclare marié, deux enfants majeurs qui ne sont pas en France ". En l'absence de menace pour l'ordre public, le préfet de police n'avait pas à préciser expressément ne pas retenir un tel motif. Dans ces conditions, la motivation de l'arrêté contesté atteste de ce que le préfet de police a pris en compte, au vu de la situation de l'intéressé, l'ensemble des critères prévus par la loi. Les moyens tirés d'un défaut d'examen particulier de la situation du requérant et d'une insuffisante motivation doivent être écartés.
8. En second lieu, M. D...B...soutient que la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, dès lors qu'il vit en France depuis plus de dix ans et qu'une demande de titre de séjour était en cours d'instruction auprès des services de la préfecture de police. Toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, l'intéressé n'établit pas résider en France depuis plus de dix ans et ne justifie pas de la réalité et de la stabilité de ses liens personnels et familiaux, ou de son insertion professionnelle, en France, alors qu'il s'est déjà soustrait par deux fois à des obligations de quitter le territoire français. Dès lors, eu égard au but en vue duquel cette mesure a été prise, le préfet de police a pu lui interdire de retourner sur le territoire français pendant une durée de douze mois sans porter une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale protégée notamment par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de police du 16 février 2018. Sa requête d'appel, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce que l'Etat, qui n'est pas partie perdante, prenne en charge les frais de procédure sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peut qu'être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D...B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 11 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- M. Legeai, premier conseiller,
- Mme Nguyên Duy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 octobre 2018.
Le rapporteur,
A. LEGEAI La présidente,
S. PELLISSIER Le greffier,
A. LOUNISLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA00891