Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... A..., agissant en son nom propre et en qualité de tutrice des enfants Alexis et FlorianA..., a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner l'Etat à verser la somme de 30 000 euros à chacun des deux enfants en réparation de leur préjudice résultant du décès de leur mère. Dans le cadre de cette instance, le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions a demandé à être subrogé dans les droits des enfants et à être remboursé par l'Etat de la somme de 122 473,39 euros.
Par un jugement n° 1505449 du 8 décembre 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de Mme F...A...et celle du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 12 février 2018, le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI), représenté par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement en ce qu'il a rejeté ses prétentions ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 122 473,39 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 2 août 2017 ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'administration a engagé la responsabilité de l'Etat en raison du lien entre la faute personnelle de M. A... et le service car la faute a été commise avec son arme de service, et en raison de la faute consistant à ne l'avoir pas désarmé alors qu'elle avait été alertée sur les risques.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2018, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Heers,
- les conclusions de Mme Jayer, rapporteur public,
- et les observations de Me B...pour le FGTI.
Considérant ce qui suit :
1. Le 22 septembre 2011, M. C... A..., brigadier-chef au sein de l'unité mobile d'intervention et de protection de la préfecture de police de Paris, a assassiné son épouse, Mme E... G...-A..., avec son arme de service avant de la retourner contre lui et de mettre fin à ses jours. Par décision du 23 février 2015, la Commission d'indemnisation des victimes d'infraction a alloué 20 000 euros à chacun des deux enfants de Mme G...-A... au titre de leur préjudice moral et respectivement 38 935 euros et 43 538,39 euros pour Alexis et Florian au titre de leur préjudice économique. Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) a procédé au règlement des indemnités allouées pour un total de 122 473,39 euros. Mme F...A..., en sa qualité de tutrice des enfants du couple décédé, a demandé au tribunal administratif de condamner l'Etat à indemniser les deux enfants des préjudices subis du fait du décès de leur mère. Le FGTI a alors demandé au tribunal administratif, dans le cadre de cette instance, d'être subrogé dans les droits des enfants de Mme E... A...en application de l'article 706-11 du code de procédure pénale et de condamner l'Etat au remboursement du montant des indemnités versées aux enfants, soit la somme de 122 473,39 euros. Le Tribunal administratif de Melun a rejeté les conclusions de Mme F... A...et s'il a admis que le FGTI était subrogé dans les droits des enfants de Mme E...G...-A..., il a rejeté ses conclusions tendant au remboursement du montant des indemnités versées. Le FGTI relève appel de ce jugement en ce qu'il a rejeté ses conclusions.
2. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. A... n'était pas en service lorsqu'il a tiré sur son épouse, que son acte était intentionnel et reposait sur des mobiles totalement étrangers à son activité professionnelle. Dès lors, la seule circonstance que l'acte ait été commis avec son arme de service ne saurait caractériser un lien avec celui-ci ni, par conséquent, engager la responsabilité de l'administration à ce titre.
3. En second lieu, le FGTI soutient également que l'administration a commis une faute en ne désarmant pas l'intéressé alors qu'elle était informée de sa fragilité psychologique. Il affirme que M. A... avait indiqué à sa hiérarchie qu'il avait été victime de violences conjugales, qu'il avait alors demandé une mutation pour cette raison, que des certificats médicaux et des témoignages d'une assistante sociale attestent des fragilités de l'intéressé et enfin que la soeur de M. A... était intervenue auprès du supérieur hiérarchique de celui-ci un mois avant les faits pour l'avertir du danger pour la situation familiale et avait sollicité par conséquent son désarmement. Toutefois, il résulte de l'instruction que les demandes de mutation et les communications que M. A... a formulées à sa hiérarchie ne faisaient état d'aucune fragilité psychologique. Si le 20 octobre 2010, il avait informé sa hiérarchie qu'il avait porté plainte contre sa femme pour violences conjugales et si, le 4 novembre suivant, il avait demandé une mutation motivée par sa situation familiale, il indiquait également " poursuivre la procédure de divorce en se tenant à distance de son épouse ", ce qui ne laissait aucunement présager les faits qu'il commettrait un an plus tard. De plus, aucun certificat médical ni attestation d'une assistante sociale ne font état de difficultés personnelles ni de fragilités psychologiques de l'agent. Enfin, à supposer établi que la soeur de M. A... ait effectivement prévenu par téléphone son supérieur du danger pour la situation familiale et demandé son désarmement, cette circonstance, en l'absence de tout autre élément faisant craindre que M. A... puisse commettre un acte criminel, et alors que son évaluation annuelle établie un mois avant les faits ne relevait aucune défaillance dans le jugement et la maîtrise de soi, ne suffit pas à établir l'existence d'un lien de causalité direct avec le meurtre de son épouse par M. A....
4. Il résulte de ce qui précède que le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et, en tout état de cause, celles présentées sur le fondement de l'article R. 761-1 du même code, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 15 février 2019 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- Mme Julliard, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller,
Lu en audience publique le 8 mars 2019.
Le président-rapporteur,
M. HEERSL'assesseure la plus ancienne,
M. JULLIARDLe greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA00495