Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Home et Co Gestion a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2012 et 2013.
Par un jugement n° 1505649 du 23 novembre 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 23 janvier 2018, la société Home et Co Gestion, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Melun n° 1505649 en date du 23 novembre 2017 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) d'ordonner le remboursement des sommes versées, assorties des intérêts moratoires ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des frais exposés en première instance et en appel, une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les loyers exposés au cours des exercices clos en 2012 et 2013 constituent des charges déductibles ; les sommes réintégrées par l'administration ne correspondent pas aux montants des loyers remis en cause ;
- les frais de déplacement remis en cause correspondent aux frais kilométriques exposés par M. et MmeA..., qui résident à 27 kilomètres de leur lieu de travail et aux déplacements réalisés dans le cadre de leur activité d'agents immobiliers ; à titre subsidiaire, la moitié des frais déclarés doit être admis en déduction ;
- s'agissant des frais de réception, elle a produit pour chaque dépense une facture ou un justificatif ; ces dépenses représentent moins de 1 % du chiffre d'affaires ; pour l'exercice 2012, les indemnités kilométriques ont été réintégrées deux fois et une somme de 1 677,32 euros a été réintégrée par erreur ; pour l'exercice 2013, les indemnités kilométriques d'un montant de 20 907 euros ont été réintégrées deux fois et une somme de 2 357,65 euros a été réintégrée par erreur ;
- s'agissant des frais bancaires pour impayés, ils sont justifiés par la production de pièces comptables et des factures de la banque ; ses difficultés financières étaient réelles comme en atteste son placement en redressement judiciaire en 2014 ;
- les intérêts d'emprunt étaient déductibles du résultat imposable.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête de la société Home et Co Gestion.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Doré,
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Home et Co Gestion, dont M. A...est le gérant, a pour activité la location immobilière. Elle a fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel l'administration a, par voie de taxation d'office pour l'exercice clos le 31 décembre 2012 et selon la procédure de rectification contradictoire pour l'exercice clos le 31 décembre 2013, mis à sa charge des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés assorties, s'agissant des droits notifiés au titre de l'exercice 2012, des intérêts de retard et de la majoration de 40 % prévue par les dispositions du b) du 1 de l'article 1728 du code général des impôts. A l'appui de ses réclamations contentieuses, la société Home et Co Gestion a produit des liasses fiscales pour les exercices clos les 31 décembre 2012 et 2013. L'administration a, par une décision du 20 mai 2015, partiellement fait droit à ces réclamations mais a refusé d'admettre en déduction différentes charges comptabilisées par la société Home et Co Gestion pour un montant total de 95 214 euros pour l'exercice clos en 2012 et de 81 869 euros pour l'exercice clos en 2013. La société fait appel du jugement du 23 novembre 2017, par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande de décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés restant à sa charge au titre des exercices clos les 31 décembre 2012 et 2013.
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
2. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ".
3. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable de justifier tant du montant des charges qu'il entend, en application du I de l'article 39 du code général des impôts précité, déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du même code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
En ce qui concerne les loyers :
4. L'administration a, dans sa décision du 20 mai 2015, refusé d'admettre la déduction en charge des sommes de 15 569,14 euros et de 22 103 euros au titre respectivement des exercices clos en 2012 et 2013, correspondant au montant de loyers comptabilisés au compte 61320000 pour des locaux situés 22 place du marché et 77 avenue de Ganay à Milly-la-Forêt, au seul motif que la société requérante n'avait remis aucun justificatif de ses écritures comptables mentionnant " avenue de Ganay sans précision ". La société Home et Co produit toutefois, pour la période de janvier 2012 à décembre 2013, des quittances de loyer établies par l'agence Guy Didier (Era immobilier), qui sont de nature à justifier du principe et du montant des charges dont la déduction a été refusée par l'administration. Dans ces conditions, alors que le service ne conteste ni le caractère déductible des sommes se rattachant au local situé 22 place du marché, ni l'existence d'un lien entre les loyers exposés pour le local situé 77 avenue de Ganay et l'activité de l'entreprise, il y a lieu d'admettre la déduction en charges des sommes de 15 569,14 euros au titre de l'exercice clos en 2012 et de 22 103 euros au titre de l'exercice clos en 2013.
En ce qui concerne les frais de déplacement :
S'agissant de l'application de la loi fiscale :
5. L'administration a refusé la déduction du bénéfice imposable de la société Home et Co Gestion de frais de déplacement de M. et Mme A...évalués forfaitairement et comptabilisés pour un montant de 30 111 euros au titre de l'exercice clos en 2012 et de 20 907 euros au titre de l'exercice clos en 2013.
6. La société requérante fait valoir que ces frais correspondent au remboursement de frais de déplacement exposés par M. et MmeA..., qui résidaient à plus de 27 kilomètres de leur lieu de travail et que l'activité d'agent immobilier nécessite de nombreux déplacements. Toutefois, elle se borne à produire une facture d'achat d'un véhicule automobile par Mme A... en date du 11 août 2010, un certificat d'immatriculation datant du 10 juillet 2012 pour un véhicule appartenant à Mme A... et deux factures d'entretien pour ce véhicule libellées au nom de M. et MmeA..., qui ne permettent pas à eux seuls de justifier de la réalité des déplacements professionnels allégués, notamment pour Mme A..., dont il n'est pas établi qu'elle exerçait des fonctions au sein de la société Home et Co Gestion, et ainsi du caractère déductible des dépenses en litige. Par suite, c'est à bon droit que le service a refusé de les prendre en compte pour la détermination du montant des bénéfices imposables de la société Home et Co Gestion.
S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :
7. La société requérante ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du barème forfaitaire qui a été publié par l'administration sous la référence BOI BAREME-000001-20130522 et qui concerne l'évaluation des frais de déplacement relatifs à l'utilisation d'un véhicule par les bénéficiaires de traitements et salaires, ce barème ne s'appliquant pas à la détermination des bénéfices industriels et commerciaux.
En ce qui concerne les frais de réception :
8. Il résulte de l'instruction que l'administration a refusé d'admettre en déduction des résultats de la société requérante au titre des exercices clos en 2012 et 2013 les sommes respectives de 34 374,10 euros et de 26 941 euros, correspondant à des frais de réception.
9. La société Home et Co Gestion fait valoir que ces charges, qui représentent 1 % de son chiffre d'affaires, correspondent à des dépenses de restauration exposées le midi en semaine et à des factures d'achat de capsules de café à l'usage de la clientèle. Mais, d'une part, elle se borne à produire des tickets de caisse et des factures qui ne mentionnent pas le nom de la ou des personnes bénéficiaires des prestations de restauration. D'autre part, il ressort des mentions des factures d'achat de café qu'elle a également versées au dossier, que les livraisons sont intervenues au siège de la société, fixé au domicile de M. et Mme A...et non dans les locaux ouverts au public de l'agence immobilière. La société requérante n'apporte ainsi pas la preuve qui lui incombe que les dépenses dont elle se prévaut ont été engagées pour les besoins de son activité.
10. En revanche, il résulte de l'instruction que l'administration a inclus à tort, dans les frais de réception non admis en déduction les dépenses de déplacement mentionnées au point 5. La société Home et Co Gestion est, dès lors, fondée à demander que les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre des exercices clos en 2012 et 2013 soient réduites respectivement de 31 788,32 euros et de 23 264,65 euros.
En ce qui concerne les frais bancaires et les échéances de prêt :
11. Si la société Home et Co Gestion produit des factures émises par la société Crédit du Nord justifiant de frais liés au fonctionnement de son compte bancaire et des avis d'échéance pour des remboursements d'emprunt, elle n'apporte pas la preuve qui lui incombe dès lors que les impositions en litige ont été établies selon la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, que les dépenses à l'origine de ces frais et l'emprunt souscrit sont en lien avec son activité. L'administration était par suite fondée à refuser la déduction des charges correspondantes.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Home et Co Gestion est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a refusé de prononcer la réduction de ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre des exercices clos les 31 janvier 2012 et 2013 à hauteur, respectivement, des sommes de 47 357,46 euros et 45 367,65 euros, et la décharge des impositions et pénalités correspondantes.
Sur les conclusions tendant au remboursement des sommes versées et au versement d'intérêts moratoires :
13. Aux termes de l'article L. 208 du livre de procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable (...) ". Il résulte de ces dispositions que le présent arrêt accordant la réduction des impositions en litige, le remboursement des sommes correspondantes est de droit. En l'absence de litige né et actuel opposant la société requérante au comptable concernant le versement des intérêts moratoires, les conclusions tendant au versement par l'administration de ces intérêts sont prématurées et doivent être rejetées comme irrecevables.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés par la société Home et Co Gestion.
DÉCIDE :
Article 1er : Les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés assignées à la société Home et Co Gestion au titre des exercices clos les 31 janvier 2012 et 2013 sont réduites, respectivement, des sommes de 47 357,46 euros et 45 367,65 euros.
Article 2 : La société Home et Co Gestion est déchargée des cotisations d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes, correspondant à la réduction des bases d'imposition prononcée à l'article 1er.
Article 3 : Le jugement n° 1505649 du Tribunal administratif de Melun en date du 23 novembre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à la société Home et Co Gestion une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Home et Co Gestion est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée unipersonnelle Home et Co Gestion et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (Pôle fiscal parisien 1).
Délibéré après l'audience du 7 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Poupineau, président,
- Mme Lescaut, premier conseiller,
- M. Doré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 mars 2019.
Le rapporteur,
F. DORÉLe président,
V. POUPINEAU
Le greffier,
N. ADOUANE
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA00257