La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/07/2019 | FRANCE | N°18PA01834

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 11 juillet 2019, 18PA01834


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la réduction des cotisations primitives d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2012, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre de ces mêmes années ainsi que de la contribution sur les hauts revenus mise à sa charge au titre des années 2011 et 2012, ensemble les majorations y afférentes.

Par un jugement n° 1611532 d

u 2 mai 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la réduction des cotisations primitives d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2012, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre de ces mêmes années ainsi que de la contribution sur les hauts revenus mise à sa charge au titre des années 2011 et 2012, ensemble les majorations y afférentes.

Par un jugement n° 1611532 du 2 mai 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 mai 2018, MmeA..., représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1611532 du 2 mai 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la réduction des cotisations primitives d'impôt sur les revenus auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012 ;

3°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012 et des cotisations de contribution sur les hauts revenus mises à sa charge au titre des années 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes ;

4°) à titre subsidiaire, de saisir pour avis le Conseil d'Etat sur le fondement de l'article L. 113-1 du code de justice administrative ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les pensions alimentaires qu'elle a perçues de son ex-époux au titre de l'entretien et de l'éducation de ses trois enfants mineurs ne sont pas imposables, dès lors que s'ils résident avec elle, ils sont à la charge de leur père ; son quotient familial devrait en conséquence être réduit à une seule part ;

- le quotient familial doit être a minima partagé entre les parents, et les avantages en nature ne peuvent pas être compris dans son revenu imposable des années en litige ;

- elle est fondée à se prévaloir des énonciations de la doctrine publiée au BOI-IR-LIQ-10-10-10-10-20140507 et des commentaires administratifs de l'instruction administrative du 12 septembre 2012 publiée au BOI-RSA-PENS-10-30-2012091 ;

- les impositions mises à sa charge présentent un caractère confiscatoire et il est ainsi porté à son droit au respect de ses biens une atteinte disproportionnée, en méconnaissance des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les impositions méconnaissent l'obligation de prévisibilité posée par la Cour européenne des droits de l'homme et portent atteinte au principe du respect de la vie privée et familiale et au principe de non-discrimination prévus par les articles 8 et 14 de la convention et par les alinéas 1, 3, 10 et 11 du préambule à la Constitution du 27 octobre 1946 ; cette question de droit est nouvelle et présente une difficulté sérieuse ;

- sa situation financière ne lui permet pas de s'acquitter de l'impôt qui lui est réclamé.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 septembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lescaut,

- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public ;

- et les observations de MeC..., représentant MmeA....

Une note en délibéré enregistrée le 28 juin 2019 a été présentée pour Mme A...par Me C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...a fait l'objet d'un contrôle sur pièces à la suite duquel l'administration a réintégré dans ses revenus imposables des années 2010 à 2012 les dépenses supportées directement par M. D... au titre de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de leurs trois enfants mineurs, conformément à l'ordonnance de non-conciliation du juge aux affaires familiales près le Tribunal de grande instance de Paris en date du 3 avril 2009, ainsi qu'une évaluation de l'avantage accordé à Mme A... par la même ordonnance correspondant à la jouissance gratuite de la totalité du logement détenu en indivision avec M. D.... Mme A...a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des impositions et pénalités résultant de cette rectification, ainsi que la réduction des cotisations primitives d'impôt sur le revenu mises en recouvrement au titre des années 2010 à 2012 conformément à ses déclarations. Elle relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des compléments d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie à raison de ces rehaussements au titre des années 2010, 2011 et 2012.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...). / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont il est fait application / (...) Mention est également faite de la production d'une note en délibéré (...) ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il est régulièrement saisi à l'issue de l'audience d'une note en délibéré émanant de l'une des parties, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant de rendre sa décision ainsi que de la viser.

3. Il résulte de l'instruction que, postérieurement à l'audience publique du 11 avril 2018, Mme A...a adressé au Tribunal administratif de Paris une note en délibéré qui a été enregistrée au greffe le 12 avril 2018. Le jugement attaqué, dont les visas ne font pas mention de cette note en délibéré est, par suite, entaché pour ce motif d'une irrégularité. En conséquence, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen relatif à la régularité du jugement, Mme A...est fondée à en demander l'annulation.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... devant le Tribunal administratif de Paris.

Sur les conclusions à fins de décharge et de réduction :

5. En premier lieu, et d'une part, aux termes de l'article 193 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Sous réserve des dispositions de l'article 196 B, le revenu imposable est pour le calcul de l'impôt sur le revenu, divisé en un certain nombre de parts, fixé conformément à l'article 194, d'après la situation et les charges de famille du contribuable. (...) ". Aux termes de l'article 193 ter de ce code : " A défaut de dispositions spécifiques, les enfants ou les personnes à charge s'entendent de ceux dont le contribuable assume la charge d'entretien à titre exclusif ou principal, nonobstant le versement ou la perception d'une pension alimentaire pour l'entretien desdits enfants ". Aux termes de l'article 194 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) Lorsque les époux font l'objet d'une imposition séparée en application du 4 de l'article 6, chacun d'eux est considéré comme un célibataire ayant à sa charge les enfants dont il assume à titre principal l'entretien. Dans cette situation, ainsi qu'en cas de divorce, de rupture du pacte civil de solidarité ou de toute séparation de fait de parents non mariés, l'enfant est considéré, jusqu'à preuve du contraire, comme étant à la charge du parent chez lequel il réside à titre principal. (...) II. Pour l'imposition des contribuables célibataires ou divorcés qui vivent seuls, le nombre de parts prévu au I est augmenté de 0,5 lorsqu'ils supportent à titre exclusif ou principal la charge d'au moins un enfant. ". Aux termes de l'article 196 de ce même code : " Sont considérés comme étant à la charge du contribuable, que celle-ci soit exclusive, principale ou réputée également partagée entre les parents, à la condition de n'avoir pas de revenus distincts de ceux qui servent de base à l'imposition de ce dernier : 1° Ses enfants âgés de moins de 18 ans ou infirmes (...) ".

6. D'autre part, aux termes des dispositions combinées des article 79, 82 et 83 du code général des impôts les pensions alimentaires qui font l'objet des dispositions des articles 205 à 207 du code civil et qui sont versées en exécution d'une décision de justice rendue en application de l'article 293 du même code, doivent être comprises dans les bases de l'impôt sur le revenu dû par le bénéficiaire au titre de l'année au cours de laquelle celui-ci les a perçues. Par ailleurs, aux termes de l'article 156 du code général des impôts : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (...) sous déduction : (...) II. Des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories (...) : 2° (...) pensions alimentaires répondant aux conditions fixées par les articles 205 à 211 et 367 du code civil (...) ".

7. Mme A...a perçu en 2010, 2011 et 2012, en exécution d'une ordonnance de non-conciliation du 3 avril 2009, entérinée par le jugement de divorce du 28 septembre 2012, et fixant la résidence habituelle des enfants chez cette dernière, une pension alimentaire versée par son ex-époux au titre du devoir de secours fixée à 8 000 euros par mois, et une contribution mensuelle à l'entretien et à l'éducation de leurs trois enfants arrêtée à la somme de 2 000 euros par enfant, soit 6 000 euros par mois. Le juge aux affaires familiales lui a, en outre, attribué la jouissance gratuite de la part indivise de son ex-époux pour le logement qu'elle occupe avec ses enfants ainsi que la jouissance du mobilier du ménage, et a prévu que le père des enfants devait en outre régler, à titre de contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants, les frais de scolarité et d'activités extra-scolaires, ainsi que les salaires et cotisations afférents à la nourrice et à l'employé de maison au domicile de MmeA....

8. Il est constant que Mme A...a déclaré, au titre des années 2010 à 2012, avoir à sa charge ses trois enfants mineurs, dont la résidence avait été fixée à son domicile, ainsi qu'il a été dit au point 7 et qui doivent, dès lors, être présumés avoir été à la charge de Mme A.... Il appartient dès lors à la requérante d'établir qu'ainsi qu'elle le soutient, M. D... a supporté la charge principale de l'entretien de leurs enfants.

9. Toutefois, Mme A... n'établit pas qu'au cours des années en litige, M. D... a supporté la charge principale de l'entretien de leurs enfants en faisant valoir, d'une part, qu'il a pris en charge les salaires et cotisations sociales de la nourrice et de l'employé de maison, les frais de scolarité, des activités extra-scolaires et des cours de soutien scolaire des enfants, et, d'autre part, qu'il a mis à sa disposition et à celle de leurs enfants, sa part indivise sur l'appartement familial. Par suite, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le service a réintégré dans son revenu imposable des années 2010 à 2012 les pensions alimentaires réglées en nature par son ex-époux au titre de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de ses trois enfants mineurs.

10. Il résulte de ce qui a été dit au point 9 qu'il n'y a pas lieu de corriger à la baisse le quotient familial. Mme A...n'est par ailleurs, et pour les mêmes motifs, pas fondée à soutenir que le quotient familial doit être réparti entre elle et son ex-époux.

11. Enfin, les pensions alimentaires mentionnées au 2° du II de l'article 156 du code général des impôts sont déductibles du revenu de la personne qui les verse et imposables dans le revenu de la personne qui les reçoit. Il s'ensuit, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que la contribution mensuelle à l'entretien et à l'éducation de ses trois enfants arrêtée à la somme de 2 000 euros par enfant, doit être comprise dans son revenu imposable des trois années en litige.

12. Ni l'instruction administrative du 12 septembre 2012 publiée au BOI-RSA-PENS-10-30-2012091, ni les énonciations de la doctrine publiée au BOI-IR-LIQ-10-10-10-10-20140507 ne contiennent, en tout état de cause d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt et qui serait opposable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

13. En deuxième lieu, en dehors des cas et conditions où il est saisi sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, il n'appartient pas au juge de l'impôt de se prononcer sur un moyen tiré de la non conformité de la loi à une norme de valeur constitutionnelle. La requérante, qui n'a pas saisi la Cour d'une question prioritaire de constitutionnalité dans les formes et conditions prévues par les dispositions précitées de l'article R. 771-3 du code de justice, n'est ainsi pas recevable à soutenir que les impositions en litige ont été établies en violation de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et des alinéas 1, 3, 10 et 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 doivent être écartés.

14. En troisième lieu, et contrairement à ce que soutient Mme A..., les dispositions précitées du code général des impôts n'instaurent pas de discrimination envers les femmes contraire aux stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de l'article 1er du premier protocole additionnel à ladite convention en tant qu'elles rendent imposables à l'impôt sur le revenu les pensions alimentaires perçues par le parent qui a la charge effective des enfants mineurs, et en tant qu'elles permettent leur déduction par le parent qui en assure le versement.

15. En dernier lieu, le moyen tiré de ce que la situation financière de Mme A...ne lui permettrait pas de s'acquitter de l'impôt qui lui est réclamé est inopérant à l'appui de conclusions à fin de décharge des impositions en litige.

16. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de saisir le Conseil d'Etat pour avis, que Mme A...n'est pas fondée à demander la réduction des cotisations primitives d'impôt sur les revenus auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2012, et la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre de ces mêmes années, ainsi que des cotisations de contribution sur les hauts revenus mises à sa charge au titre des années 2011 et 2012. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1611532 du Tribunal administratif de Paris du 2 mai 2018 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Paris et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur général des finances publiques, direction nationale de vérification des situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Lescaut, premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juillet 2019.

Le rapporteur,

C. LESCAUTLe président,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

N. ADOUANE

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 18PA01834


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01834
Date de la décision : 11/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Enfants à charge et quotient familial.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Christine LESCAUT
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : LOSAPPIO

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-07-11;18pa01834 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award