Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la réduction des cotisations primitives d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012, 2013 et 2014.
Par un jugement n° 1609368 du 12 décembre 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 12 février 2018, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1609368 du Tribunal administratif de Paris en date du 12 décembre 2017 ;
2°) de prononcer la réduction des cotisations primitives d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012, 2013 et 2014, à hauteur des sommes respectives de 11 310 euros, 7 930 euros et 5 795 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 750 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé, dès lors que les premiers juges n'ont pas expliqué en quoi la majoration de 25 % appliquée de plein droit aux bénéfices réalisés par un contribuable n'ayant pas adhéré à un organisme agréé ne constituerait pas une atteinte à la liberté de ne pas adhérer à une association, garantie par l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la majoration automatique des bénéfices non commerciaux de 1,25 en application du 7 de l'article 158 du code général des impôts est incompatible avec le droit de propriété tel qu'il est garanti par les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; l'ingérence dans le droit de propriété prévue par le 7 de l'article 158 du code général des impôts n'est pas justifiée par un motif d'intérêt général, un motif financier, tenant notamment à la lutte contre l'évasion fiscale, ne constituant pas un tel motif ; l'objectif poursuivi est trop général et la mesure mise en oeuvre pour l'atteindre porte une atteinte disproportionnée au droit de propriété ; elle fait peser une charge excessive sur les contribuables, dont le taux marginal d'imposition peut mécaniquement être augmenté d'une ou de plusieurs tranches, et qui sont imposés sur des sommes qui bénéficiaient légalement d'un droit à déduction au titre des frais professionnels ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal la majoration de 25 % n'est pas comparable à l'abattement de 20 % dont bénéficiaient les adhérents d'un organisme agréé en vertu de la législation antérieure à la loi de finances pour 2006 ;
- elle porte atteinte à la liberté d'association garantie par l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'elle pénalise l'absence d'adhésion à une association agréée et contraint le contribuable à s'affilier à une telle association ;
- le tribunal n'a pas recherché si les buts d'intérêt général poursuivis par le législateur présentaient un rapport avec les buts mentionnés au paragraphe 2 de l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il n'a pas recherché si l'atteinte portée par ce dispositif au droit de ne pas s'affilier à une association était nécessaire dans une société démocratique ; les organismes agréés étant une spécificité française, le dispositif fiscal litigieux ne peut pas être regardé comme nécessaire dans une société démocratique ;
- la loi de finances pour 2006, qui a remplacé le " bonus " de 20 % accordé aux adhérents des organismes de gestion agréés par un " malus " de 25 % infligé aux non adhérents, conduit à infliger aux non-adhérents une sanction, qui, à supposer même qu'elle ait une visée incitative, est assimilable à une accusation en matière pénale ; elle porte atteinte au droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle est appliquée automatiquement, du seul fait de l'absence d'adhésion à un organisme agréé, sans appréciation de la situation du contribuable par le juge, qui ne peut apprécier le bien-fondé de la majoration ;
- elle institue une présomption de sous-déclaration des revenus, voire de fraude fiscale, dès lors que la sanction s'applique automatiquement et sans contrôle d'un juge, en méconnaissance de la présomption d'innocence garantie par le 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle introduit une discrimination contraire aux stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard de la liberté d'association, du droit à un procès équitable et de la présomption d'innocence entre, d'une part, les contribuables visés au 7 de l'article 158 du code général des impôts dont les revenus déclarés font l'objet d'une majoration pour le calcul de l'impôt sur le revenu et, d'autre part, tous les autres contribuables qui sont imposés sur leurs revenus déclarés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions de la requête concernant les impositions établies au titre de l'année 2012 sont irrecevables ;
- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et le premier Protocole additionnel à cette convention ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., qui exerce la profession d'avocat, a, par une réclamation en date du 22 décembre 2015, vainement sollicité la restitution d'une fraction des cotisations primitives d'impôt sur le revenu qu'il avait acquittées au titre des années 2012, 2013 et 2014 en contestant l'application faite par l'administration, aux bénéfices non commerciaux qu'il avait déclarés à raison de son activité, de la majoration de 25 % prévue par les dispositions du 7 de l'article 158 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 10 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 portant loi de finances pour 2009, lorsque le contribuable n'a pas adhéré à une association agréée définie aux articles 1649 quater F et suivants du même code. Il fait appel du jugement en date du 12 décembre 2017, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la réduction de ces impositions.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. En relevant que les dispositions du 7 de l'article 158 du code général des impôts visaient seulement à encourager l'adhésion de certaines catégories de contribuables à des organismes de gestion agréés, et qu'elles n'avaient ni pour objet, ni pour effet de les contraindre à adhérer à une association, les premiers juges ont, contrairement à ce que soutient le requérant, suffisamment exposé les raisons pour lesquelles ils ont considéré que la majoration de 25 % prévue par ces dispositions ne portait pas atteinte à la liberté de ne pas adhérer à une association, garantie par l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. A l'appui de ses conclusions tendant à la réduction des cotisations d'impôt en litige, M. B... conteste la majoration de 25 % appliquée, pour le calcul de ces cotisations, à ses bénéfices non commerciaux, en application des dispositions du 7 de l'article 158 du code général des impôts, en faisant valoir que cette disposition législative méconnaît les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Aux termes du 7 de l'article 158 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 10 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 portant loi de finances pour 2009 : " Le montant des revenus et charges énumérés ci-après, retenu pour le calcul de l'impôt selon les modalités prévues à l'article 197, est multiplié par 1,25. Ces dispositions s'appliquent : 1° Aux titulaires de revenus passibles de l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices non commerciaux ou des bénéfices agricoles, réalisés par des contribuables soumis à un régime réel d'imposition : 1 a) Qui ne sont pas adhérents d'un centre de gestion ou association agréés définis aux articles 1649 quater C à 1649 quater H, à l'exclusion des membres d'un groupement ou d'une société mentionnés aux articles 8 à 8 quinquies et des conjoints exploitants agricoles de fonds séparés ou associés d'une même société ou groupement adhérant à 1'un de ces organismes (...) ".
6. Dans le cadre d'une réforme globale de l'impôt sur le revenu applicable à compter du 1er janvier 2006, le législateur a supprimé l'abattement de 20 % dont bénéficiaient les traitements, salaires, pensions et rentes viagères en application du a) du 5 de l'article 158 du code général des impôts, ainsi que les revenus professionnels des adhérents d'un centre de gestion ou d'une association agréés en application du 4 bis du même article et a compensé cette suppression par une réduction équivalente des taux du barème de l'impôt sur le revenu. La modification du barème ayant concerné tous les contribuables, le législateur a, afin de maintenir l'exclusion, qui prévalait sous l'empire du régime antérieur, du bénéfice, pour certains revenus, de l'abattement de 20 %, décidé, par une mesure arithmétiquement équivalente, de majorer de 25 % ces revenus, l'évolution de la charge fiscale entre l'impôt dû au titre de l'année 2005 et celui dû au titre de l'année 2006 n'étant, à revenu constant, due qu'à la réduction de six à quatre du nombre de tranches.
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
7. Aux termes de cet article : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour (...) assurer le paiement des impôts (...) ".
8. Les centres de gestion ou association agréés mentionnés au 7 de l'article 158 du code général des impôts ont été institués pour procurer à leurs adhérents une assistance technique en matière de tenue de comptabilité et favoriser une meilleure connaissance des revenus non salariaux, afin de mettre en oeuvre l'objectif constitutionnel de lutte contre l'évasion fiscale. Le législateur, tenant compte de la spécificité du régime juridique des adhérents à un organisme de gestion agréé, a en contrepartie encouragé sur le plan fiscal l'adhésion à un tel organisme. Ainsi, le traitement fiscal plus favorable appliqué aux adhérents des centres de gestion et associations agréés, qui ne supportent pas la majoration de 25 % appliquée en vertu des dispositions précitées du code général des impôts aux contribuables qui ne sont pas adhérents, est justifié par la volonté du législateur d'encourager l'adhésion à ces organismes, dont l'existence contribue à l'amélioration des conditions d'établissement et de recouvrement de l'impôt et à la mise en oeuvre de l'objectif d'intérêt général de lutte contre l'évasion fiscale. Par suite, les dispositions du 7 de l'article 158 du code général des impôts, qui sont destinées à inciter les contribuables concernés à adhérer à un organisme de gestion agréé sans porter à leurs biens une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif d'intérêt général poursuivi, ne sont pas contraires aux stipulations précitées de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
9. Aux termes de ces stipulations : " 1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association, y compris le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts. 1 2. L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. Le présent article n'interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l'exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l'administration de l'État. ".
10. Ainsi qu'il a déjà été dit au point 8, les dispositions précitées du 7 de l'article 158 du code général des impôts visent seulement à encourager l'adhésion de certaines catégories de contribuables à des organismes de gestion agréés. Elles n'ont ni pour objet, ni pour effet de contraindre ceux-ci à adhérer à une association. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'elles portent atteinte à la liberté d'association garantie par les stipulations de l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 paragraphe 1 et paragraphe 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de 1'homme et des libertés fondamentales :
11. Aux termes de ces stipulations : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...). / 2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ".
12. La majoration de 25 % prévue par le 7 de l'article 158 du code général des impôts ne résulte ni d'une accusation en matière pénale, ni d'une contestation portant sur des droits et obligations de caractère civil. Elle n'institue ni une incrimination, ni une peine, ni une sanction. Par suite, M. B... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 paragraphe 1 et paragraphe 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de 1'homme et des libertés fondamentales :
13. Aux termes de ces stipulations : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ".
14. Une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens de l'article 14 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi.
15. Le requérant soutient que les dispositions précitées du 7 de l'article 158 du code général des impôts introduisent une discrimination contraire aux stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard de la liberté d'association, du droit à un procès équitable et de la présomption d'innocence garantis respectivement par les articles 11 et 6 de cette convention. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit aux points 11 et 13, que ces dispositions ne portent pas atteinte à la liberté d'association protégée par les stipulations de l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que la majoration de 25 % qu'elles instituent ne constitue pas une accusation en matière pénale ou une contestation portant sur des droits et obligations de caractère civil au sens de l'article 6 de cette convention. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 14 de la même convention ne peut qu'être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'action et des comptes publics que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (Service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme C..., président assesseur,
- Mme Lescaut, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 17 octobre 2019.
Le rapporteur,
V. C...Le président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA00502