Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Melun :
- d'annuler la décision du 20 janvier 2010 par laquelle le maire de Charenton-le-Pont a refusé d'attester la conformité des travaux qu'ils ont exécutés avec le permis de construire qui leur a été délivré le 30 juin 2008 ;
- d'annuler les décisions des 14 mars 2016 et 8 avril 2016 par lesquelles ce maire a refusé d'attester la conformité des travaux qu'ils ont exécutés avec le même permis de construire, ainsi que la décision portant rejet de leur recours gracieux contre ces deux décisions ;
- d'annuler la décision implicite née du silence gardé par le préfet du Val-de-Marne sur leur demande du 1er juin 2016 tendant à ce qu'il atteste de la conformité des travaux qu'ils ont exécutés avec le permis de construire qui leur a été délivré le 30 juin 2008 ;
- d'enjoindre au maire de Charenton-le Pont ou au préfet du Val-de-Marne de leur délivrer une attestation de conformité des travaux réalisés au permis de construire du 30 juin 2008.
Par un jugement n° 1608223 du 25 juin 2018, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision du maire de Charenton-le-Pont du 14 mars 2016, annulé la décision née du silence gardé par le préfet du Val-de-Marne sur la demande des époux A... du 1er juin 2016, enjoint au préfet du Val-de-Marne de délivrer à M. et Mme A..., sur le fondement des dispositions de l'article R. 462-10 du code de l'urbanisme et dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement, une attestation de conformité des travaux exécutés aux permis de construire du 30 juin 2008, mis à la charge de l'Etat et de la commune de Charenton-le-Pont une somme de 1 500 euros à verser solidairement à M. et Mme A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la Cour :
Par un recours enregistré le 13 septembre 2018, le ministre de la cohésion des territoires demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 2 à 4 du jugement n° 1608223 du 25 juin 2018 du tribunal administratif de Melun ;
2°) de rejeter les demandes de M. et Mme A... dirigées contre l'Etat.
Il soutient que :
- le jugement du tribunal administratif est insuffisamment motivé ;
- ce jugement est entaché d'une contradiction de motifs ;
- ce jugement est entaché d'une erreur de fait, le délai de trois mois prévu à l'article R. 462-6 du code de l'urbanisme n'ayant commencé à courir que le 22 octobre 2009 ;
- le préfet du Val-de-Marne n'a pas méconnu les dispositions de l'article R. 462-10 du code de l'urbanisme dès lors que la commune avait contesté la conformité des travaux dans un délai de trois mois suivant la demande ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en enjoignant au préfet de délivrer à M. et Mme A... une attestation de conformité des travaux alors que les dispositions de l'article R. 462-10 du code de l'urbanisme ne prévoient que la délivrance d'une attestation de non contestation de la conformité des travaux.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 janvier 2019, M. et Mme A..., représentés par Me D..., concluent à titre principal au non-lieu à statuer, à titre subsidiaire à ce que la Cour ordonne au ministre de joindre aux débats l'original de la déclaration d'achèvement des travaux et, en tout état de cause, demandent qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- par une décision du 5 juillet 2018 devenue définitive, le préfet du Val de Marne leur a délivré une attestation de conformité des travaux au permis de construire ; il n'y a plus lieu de statuer ;
- la production tardive d'une déclaration attestant de l'achèvement et de la conformité des travaux portant un cachet de la mairie du 22 octobre 2009 alors qu'il était question en première instance du 7 octobre 2009 n'est pas suffisante pour démontrer que le refus du 20 janvier 2010 n'était pas tardif.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., avocat de M. et Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 30 juin 2008, le maire de Charenton-le-Pont a délivré à M. et Mme A... un permis de construire à fin de réhabilitation et de surélévation de leur maison d'habitation sise 5 rue Guérin dans cette commune. En octobre 2009, ils ont déposé en mairie une déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux ainsi autorisés. Par décision du 20 janvier 2010, le maire de Charenton-le-Pont a contesté cette déclaration et les a mis en demeure de mettre les travaux en conformité avec le permis de construire, sur trois points, dans un délai de deux mois. Après avoir modifié leur construction sur deux points, les époux A... ont demandé par courriel du 6 mars 2016 la délivrance de l'attestation de non-contestation. Par courrier du 14 mars 2016, confirmé le 8 avril 2016, puis implicitement sur recours gracieux du 1er juin 2016, le maire de Charenton-le-Pont a refusé de délivrer cette attestation. Par un autre courrier du 1er juin 2016 également resté sans réponse, les époux A... ont saisi le préfet du Val-de-Marne sur le fondement des dispositions de l'article R. 462-10 du code de l'urbanisme, afin qu'il se substitue au maire pour attester de la non-contestation des travaux.
2. Par le jugement du 25 juin 2018 dont le ministre de la cohésion des territoires fait appel en tant qu'il concerne l'Etat, le tribunal administratif de Melun a constaté que M. et Mme A... étaient tardifs pour demander l'annulation de la décision du 20 janvier 2010 mais a annulé, au fond, la décision du maire de Charenton-le-Pont du 14 mars 2016 contestant la conformité des travaux au permis de construire du 30 juin 2008. Le tribunal a aussi annulé la décision née du silence gardé par le préfet du Val-de-Marne sur la demande des époux A... du 1er juin 2016, en considérant que le délai dont le maire disposait pour contester la déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux était expiré le 20 janvier 2010. Il a en conséquence enjoint au préfet du Val-de-Marne de délivrer à M. et Mme A..., sur le fondement des dispositions de l'article R. 462-10 du code de l'urbanisme, une " attestation de conformité des travaux " au permis de construire du 30 juin 2008 et mis à la charge solidaire de l'Etat et de la commune le versement à M. et Mme A... d'une somme de 1 500 euros.
Sur l'étendue du litige :
3. Lorsqu'une autorité administrative, en exécution d'un jugement qui, après avoir annulé une décision par laquelle cette autorité a refusé un document ou une autorisation, a assorti cette annulation d'une injonction, délivre ce document ou cette autorisation, cette délivrance ne saurait priver d'objet le litige relatif au refus initial de délivrance, qui se poursuit devant le juge de l'excès de pouvoir en appel puis, le cas échéant, en cassation.
4. Par courrier du 5 juillet 2018, le préfet du Val-de-Marne, se référant à l'injonction prononcée par le jugement du 25 juin 2018, a attesté " que les travaux effectués au 5 rue Guérin à Charenton-le-Pont sont conformes au permis de construire (...) délivré le 30 juin 2008 aux époux A... ". La délivrance de cette attestation, pour se conformer à l'injonction prononcée par le jugement du tribunal administratif de Melun dont le ministre fait appel par ailleurs, n'a pas pour effet de rendre sans objet le litige. Dans ces conditions, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir qu'il n'y a plus lieu à statuer.
Sur la régularité du jugement :
5. D'une part, et contrairement à ce qui est soutenu, le jugement expose de façon suffisamment détaillée, dans ses considérants 14 et 15, les motifs de droit et de fait pour lesquels il considère illégal le refus du préfet de délivrer l'attestation de non-contestation sollicitée. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit être écarté.
6. D'autre part, à supposer que les premiers juges aient commis l'erreur de fait ou les erreurs de droit et d'appréciation alléguées, de telles erreurs n'entachent pas la régularité du jugement mais seulement son bien-fondé, qu'il appartient au juge d'appel d'examiner dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.
Sur le bien-fondé :
7. L'article L. 462-1 du code de l'urbanisme dispose : " A l'achèvement des travaux de construction (...), une déclaration attestant cet achèvement et la conformité des travaux au permis délivré (...) est adressée à la mairie ". L'article L. 462-2 du même code dispose que l'autorité compétente dispose d'un délai fixé par décret en Conseil d'Etat pour procéder à un récolement des travaux et " lorsque ceux-ci ne sont pas conformes au permis délivré (...), mettre le maître de l'ouvrage en demeure de déposer un dossier modificatif ou de mettre les travaux en conformité ". L'article R. 462-6 du même code précise : " A compter de la date de réception en mairie de la déclaration d'achèvement, l'autorité compétente dispose d'un délai de trois mois pour contester la conformité des travaux au permis (...) ". Aux termes de l'article R. 462-9 du même code : " Lorsqu'elle estime que les travaux ne sont pas conformes à l'autorisation, l'autorité compétente pour délivrer le permis (...) met en demeure, dans le délai prévu à l'article R. 462-6, le maître de l'ouvrage de déposer un dossier modificatif ou de mettre les travaux en conformité avec l'autorisation accordée (...) ". Enfin, l'article R. 462-10 du même code dispose : " Lorsque aucune décision n'est intervenue dans le délai prévu à l'article R. 462-6, une attestation certifiant que la conformité des travaux avec le permis (...) n'a pas été contestée est délivrée sous quinzaine, par l'autorité compétente, au bénéficiaire du permis ou à ses ayants droit, sur simple requête de ceux-ci. / En cas de refus ou de silence de l'autorité compétente, cette attestation est fournie par le préfet, à la demande du bénéficiaire du permis ou de ses ayants droit ".
8. Il ressort de la date qui y est portée à la main, comme du tampon humide apposé sur le formulaire de déclaration, que la déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux, qui a été signée à Charenton par Mme A... le 12 octobre 2009 et à Paris par l'architecte le 14 octobre 2009, n'a été reçue en mairie de Charenton-le-Pont que le 22 octobre 2009, et non, comme l'a retenu le tribunal administratif, le 7 octobre 2009, qui est la date déclarée d'achèvement des travaux. Si M. et Mme A... contestent l'authenticité de cette pièce produite pour la première fois en appel, aucun élément du dossier n'est de nature à faire douter de la date de dépôt du 22 octobre 2009 qui y est mentionnée, la décision du maire du 20 janvier 2010 visant bien la " déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux réceptionnée en mairie le 22 octobre 2009 " et M. et Mme A... n'ayant jamais soutenu, avant leur recours gracieux du 1er juin 2016, que cette première décision d'opposition et de mise en demeure, à laquelle ils ont partiellement déféré avant de réitérer leur demande en 2016, était tardive. La décision d'opposition du 20 janvier 2010 a été notifiée aux époux A... le 21 janvier 2010, avant l'expiration du délai de trois mois prévu par les dispositions précitées de l'article R. 462-6 du code de l'urbanisme. Ainsi, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu, pour annuler la décision implicite par laquelle le préfet du Val de Marne a refusé de délivrer aux époux A... l'attestation de non-contestation prévue par l'article R. 462-10 du code de l'urbanisme, qu'aucune décision de contestation n'était intervenue en temps utile à la suite du dépôt en octobre 2009 de leur déclaration d'achèvement des travaux. Dès lors que la conformité des travaux avait été contestée par le maire dans le délai de trois mois prévu à l'article R. 462-6 du code de l'urbanisme, il n'appartenait pas au préfet de se substituer à celui-ci, sur le fondement de l'article R. 462-10 du même code, pour délivrer l'attestation de non-contestation demandée.
9. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme A... devant le tribunal administratif et devant la Cour.
10. Pour refuser à nouveau, le 14 mars 2016, de délivrer à M. et Mme A... un certificat attestant " la conformité de la construction au permis de construire ", le maire de Charenton-le-Pont a estimé que les travaux entrepris depuis 2010 avaient rendu la construction conforme au permis de construire sur deux des trois points alors retenus. Comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Melun non contesté sur ce point, c'est à tort qu'il a estimé que la circonstance que le troisième niveau ajouté à la construction ne s'alignait pas avec le bandeau du troisième niveau de l'immeuble mitoyen constituait une non-conformité, puisque cet alignement n'était pas prévu par les plans du permis de construire. Cependant, et alors qu'il ne ressort même pas des pièces du dossier que M. et Mme A... auraient, après avoir procédé à certains des travaux de mise en conformité demandés en 2010, déposé en mairie une nouvelle déclaration d'achèvement et de conformité des travaux, il n'appartenait pas au préfet, saisi sur le fondement de l'article R. 462-10 du code de l'urbanisme, de délivrer l'attestation prévue par ce texte, qui n'est due que lorsque la conformité n'est pas contestée dans le délai prévu.
11. Il résulte de ce qui précède que le ministre de la cohésion des territoires est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a annulé la décision implicite par laquelle le préfet du Val de Marne a refusé à M. et Mme A... l'attestation qu'ils demandaient sur le fondement de l'article R. 462-10 du code de l'urbanisme et lui a enjoint de délivrer, sur ce fondement, une " attestation de conformité ", alors que, compte tenu des motifs du jugement, celui-ci impliquait seulement que la commune délivre, en conséquence de l'annulation de la décision du 14 mars 2016, une attestation de non contestation de la conformité des travaux, dans l'état déclaré le 6 mars 2016, au permis de construire du 30 juin 2008. Les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif doivent dès lors être annulés.
12. Enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire, supporte les frais de procédure supportés par M. et Mme A.... L'article 4 du jugement du tribunal administratif doit être annulé en ce qu'il le condamne solidairement avec la commune.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement du 25 juin 2018 du tribunal administratif de Melun sont annulés, ainsi que l'article 4 en tant qu'il condamne l'Etat solidairement avec la commune de Charenton-le-Pont.
Article 2 : Les conclusions de première instance de M et Mme A..., en tant qu'elles sont dirigées contre l'Etat, et leur conclusions d'appel formées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié au ministre de la cohésion des territoires et à M. et Mme A.... Copie en sera adressée au préfet du Val de Marne et à la commune de Charenton-le-Pont.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme E..., présidente de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 octobre 2019.
Le rapporteur,
A. C...La présidente,
S. E...
La greffière,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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18PA03099