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05/11/2019 | FRANCE | N°17PA21969

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 05 novembre 2019, 17PA21969


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au Tribunal administratif de la Martinique, d'une part, d'annuler la décision du 1er avril 2015 par laquelle le préfet de la Martinique a refusé de lui verser la somme de 15 849,41 euros, en sus de celle de 49 195 euros dont il l'avait indemnisée au titre de la reconstitution de sa carrière du 7 juin 2008 au 6 mai 2010, et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser cette somme, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir, ainsi que celles de 41 740

,60 euros et 13 201 euros, au titre de l'indemnisation des préjudices patr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au Tribunal administratif de la Martinique, d'une part, d'annuler la décision du 1er avril 2015 par laquelle le préfet de la Martinique a refusé de lui verser la somme de 15 849,41 euros, en sus de celle de 49 195 euros dont il l'avait indemnisée au titre de la reconstitution de sa carrière du 7 juin 2008 au 6 mai 2010, et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser cette somme, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir, ainsi que celles de 41 740,60 euros et 13 201 euros, au titre de l'indemnisation des préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux qu'elle soutenait avoir subis en conséquence de l'illégalité de l'arrêté du 26 juin 2007 par lequel le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales lui avait infligé la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de vingt-quatre mois, dont vingt-trois avec sursis.

Par un jugement n° 1500353 du 21 février 2017, le Tribunal administratif de la Martinique a fait droit aux conclusions indemnitaires de Mme B... à concurrence d'une somme de 4 792 euros, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais de justice et rejeté le surplus des conclusions de sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juin 2017 au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux, dont le jugement a été attribué à la Cour administrative de Paris par ordonnance n° 428220 du 1er mars 2019 du président de la section du contentieux de Conseil d'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1500353 du 21 février 2017 du Tribunal administratif de la Martinique, en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à ses conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser le reliquat d'indemnité qu'elle réclamait en première instance au titre de sa reconstitution de carrière, assorti des intérêts au taux légal à compter de la date d'introduction de sa requête ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 41 740,60 euros et 13 201 euros, en réparation respectivement des préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux subis du fait de l'illégalité de la sanction disciplinaire que lui a infligée le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales le 26 juin 2007 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le préfet de la Martinique a reconstitué sa carrière sans avoir motivé sa position ;

- l'indemnité de 49 195 euros qui lui a été versée pour réparer le préjudice financier né de son éviction illégale du service est insuffisante, au regard notamment des éléments de chiffrage produits en première instance, dont les premiers juges n'ont pas tenu compte ;

- l'administration aurait dû l'indemniser des préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux subis en conséquence de son éviction illégale du service.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 avril 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- à titre principal, la requête de Mme B..., tardive au regard des exigences posées par les dispositions combinées des articles R. 421-7, R. 751-3, R. 811-2 et R. 811-5 du code de justice administrative, est irrecevable ;

- à titre subsidiaire, aucun des moyens soulevés par Mme B... n'est fondé.

Vu :

- le jugement n° 0700799 du Tribunal administratif de Fort-de-France du 7 juin 2010 ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 2005-1228 du 29 septembre 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.

Une note en délibéré, enregistrée le 25 octobre 2019, a été présentée pour Mme B... par Me D....

Considérant ce qui suit :

1. Par deux arrêtés distincts des 26 juin 2007 et 21 avril 2008, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a infligé à Mme B..., alors adjointe administrative de 1ère classe de la police nationale affectée à la direction départementale de la sécurité publique de Fort-de-France, deux sanctions disciplinaires, la première portant exclusion temporaire de fonctions d'une durée de vingt-quatre mois, dont vingt-trois avec sursis, la seconde portant abaissement d'échelon. Si le premier arrêté a été annulé par le jugement n° 0700799 définitif du Tribunal administratif de Fort-de-France en date du 7 juin 2010, par lequel il a été enjoint au ministre de réintégrer Mme B... à la date de son éviction illégale du service, la légalité du second a été définitivement confirmée par un jugement du même tribunal, lu le 30 septembre 2010. En exécution du premier jugement, le préfet de la Martinique, par arrêté du 19 novembre 2010, a réintégré Mme B... dans ses fonctions au 9ème échelon de son grade, avec une ancienneté conservée d'un an, huit mois et quatre jours, à compter du 7 juin 2008, et lui a versé une indemnité de 49 195 euros destinée à réparer le préjudice financier subi pendant sa période d'éviction. Par lettre du 1er avril 2015, le préfet de Martinique a rejeté la demande de Mme B... tendant à ce qu'une somme de 17 995,19 euros lui soit versée en sus de cette indemnité. Par un jugement du 21 février 2017, le Tribunal administratif de la Martinique a condamné l'Etat à verser à Mme B... la somme de 4 792 euros, en réparation des troubles dans ses conditions d'existence nés de l'illégalité de son exclusion temporaire de fonctions, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais de justice et rejeté le surplus des conclusions de sa requête. Mme B... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à ses conclusions tendant, d'une part, à ce qu'un reliquat de 15 849,41 euros lui soit versé au titre de sa reconstitution de carrière, et, d'autre part, à ce que l'Etat répare ses préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux, à concurrence respectivement de 41 740,60 et 13 201 euros.

Sur la reconstitution de carrière :

2. En premier lieu, si Mme B... soutient que le préfet de la Martinique a insuffisamment motivé la reconstitution administrative de sa carrière, un tel moyen, comme l'ont relevé les premiers juges, est inopérant dans un litige de plein contentieux.

3. En second lieu, le préfet de la Martinique a réintégré Mme B... dans sa carrière à compter du 7 juin 2008, date de prise d'effet de l'exclusion temporaire de fonctions annulée par le jugement n° 0700799 du Tribunal administratif de Fort-de-France évoqué au point 1, au 9ème échelon de son grade, pour tenir compte de la sanction définitivement infligée par le ministre de l'intérieur par arrêté du 21 avril 2008, en retenant une ancienneté conservée à cette date, non contestée, d'un an, huit mois et quatre jours, laquelle a permis à Mme B... d'atteindre le 10ème échelon de son grade le 3 octobre 2010. Le moyen tiré de ce que le jugement du 7 juin 2010 n'aurait pas été correctement exécuté doit donc être écarté.

Sur les conclusions indemnitaires :

4. En premier lieu, en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité des personnes publiques, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre, y compris au titre de la perte des rémunérations auxquelles il aurait pu prétendre s'il était resté en fonctions. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte, outre la nature et la gravité des illégalités affectant la mesure d'éviction et, le cas échéant, les fautes commises par l'intéressé, la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont celui-ci avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations professionnelles que l'agent a pu se procurer au cours de la période d'éviction.

5. Pour réparer le préjudice né de l'éviction illégale du service de Mme B... du 7 juin 2008 au 6 mai 2010, le préfet de la Martinique lui a versé une indemnité de 49 195 euros. Il ne résulte pas de l'instruction, au vu des pièces produites par les deux parties à l'instance et des éléments de chiffrage de Mme B..., que cette somme ne correspondrait pas aux rémunérations et indemnités qui auraient dû lui être versées en tenant compte, sur la période en cause, d'une part, de son abaissement d'échelon infligé par l'arrêté ministériel du 21 avril 2008, et, d'autre part, d'une ancienneté conservée d'un an, huit mois et quatre jours au 9ème échelon de son grade, non contestée. Mme B..., qui ne justifie pas qu'elle aurait été privée d'une partie de ses droits sociaux, n'est donc pas fondée à soutenir qu'aurait dû lui être versée en sus une somme de 15 849,41 euros au titre de sa reconstitution de carrière.

6. En deuxième lieu, si Mme B... soutient que l'indemnité de 49 195 euros qui lui a été versée en 2010 a artificiellement majoré ses revenus imposables de ladite année, ce qui est à l'origine d'un litige avec l'administration fiscale, le préjudice allégué est sans lien direct avec la faute commise par son employeur à raison de l'illégalité de la sanction disciplinaire du 26 juin 2007. Il en va de même, à le supposer établi, du préjudice esthétique dont Mme B... se prévaut, ainsi que des frais de santé qu'elle prétend avoir supportés.

7. En troisième lieu, il ressort du jugement n° 0700799 du Tribunal administratif de Fort-de-France du 7 juin 2010 que la sanction d'exclusion temporaire de fonctions illégalement infligée à Mme B... n'a été annulée qu'en raison de son caractère disproportionné, pas des faits l'ayant motivée, définitivement regardés comme susceptibles de justifier l'infliction d'une sanction disciplinaire. Mme B... n'est donc pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient dû condamner l'Etat à l'indemniser d'un éventuel préjudice né de l'atteinte à sa réputation.

8. En dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que la somme de 4 792 euros mise à la charge de l'Etat par les premiers juges ne constituerait pas une juste réparation des troubles subis par Mme B... dans ses conditions d'existence à raison de l'illégalité de son exclusion temporaire de fonctions.

9. ll résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur, que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de la Martinique a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Martinique.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme A..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 novembre 2019.

Le rapporteur,

C. A...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGISLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA21969


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA21969
Date de la décision : 05/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Traitement.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Effets des annulations - Reconstitution de carrière.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Christelle ORIOL
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : KEITA-CAPITOLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-11-05;17pa21969 ?
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