Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du
12 décembre 2017 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1805908/5-3 du 6 juillet 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 décembre 2018, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°1805908/5-3 du 6 juillet 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2017 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me B..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- sa requête a été introduite dans le délai d'un mois suivant la notification à son conseil le 27 novembre 2018 de la décision du 6 novembre 2018 lui accordant le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dès lors que le défaut de prise en charge de sa maladie est de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il ne peut avoir accès à la prise en charge médicale nécessaire en Algérie ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du 6 novembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... D..., ressortissant algérien né le 30 juillet 1969, déclare être entré en France le 14 mars 2012. Il a sollicité le 9 décembre 2016 auprès des services de la préfecture de police la délivrance d'un certificat de résidence à raison de son état de santé sur le fondement des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par arrêté en date du
12 décembre 2017, le préfet de police a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. D... fait appel du jugement du 6 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance ou le renouvellement d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui se prévaut de ces stipulations de vérifier que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays d'origine. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
3. Il ressort de l'arrêté contesté que le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis émis le 22 octobre 2017 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) indiquant que l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas toutefois entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'état de santé de l'intéressé peut lui permettre de voyager sans risque vers le pays d'origine. D'une part, M. D... fait valoir que contrairement à ce qu'a estimé le préfet de police, l'absence de traitement entraînerait sur sa santé des conséquences d'une exceptionnelle gravité et produit, à l'appui de son allégation, des certificats médicaux, datés des 15 octobre 2016, 30 septembre 2016 et 3 avril 2018, ce dernier étant postérieur à l'arrêté attaqué, ainsi que des ordonnances attestant qu'il présente un état anxio-dépressif compliqué d'un éthylisme nécessitant un traitement médicamenteux, des soins et un suivi psychiatrique continu. Toutefois, ces documents ne se prononcent pas sur les conséquences sur son état de santé d'un éventuel défaut de prise en charge médicale. Si l'intéressé se prévaut également d'un précédent avis émis par le médecin chef du service médical de la préfecture de police en date du 17 janvier 2017 ayant estimé que le défaut de prise en charge médicale était susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et de l'absence d'amélioration de son état de santé depuis cet avis, ces circonstances ne sont pas davantage de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le collège des médecins de l'OFII et par le préfet de police. D'autre part, si M. D... conteste la disponibilité du traitement qu'il suit en Algérie en se fondant sur des articles de presse, des travaux universitaires et un rapport de l'organisation mondiale de la santé de 2013 faisant état des difficultés générales dans la prise en charge des patients atteints de troubles psychiatriques en Algérie, le préfet de police produit une liste des établissements hospitaliers spécialisés en psychiatrie en Algérie. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Dans ces conditions, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police a méconnu les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
4. Les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales ". En ce qui concerne les ressortissants algériens, les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles ils peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés. Dès lors que ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, M. D... ne peut utilement invoquer les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui de sa demande de délivrance d'un titre de séjour.
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. M. D..., qui invoque sa résidence en France depuis le 12 mars 2012, ne produit des documents attestant de sa présence qu'à partir de l'année 2016. Si le requérant se prévaut d'une relation avec une ressortissante étrangère en situation régulière, ses allégations ne sont assorties d'aucune précision sur la réalité et la durée de celle-ci, ni corroborées par aucune pièce du dossier. En dépit de la présence en France d'une de ses soeurs de nationalité française, le requérant n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de quarante-deux ans et où résident encore ses parents, son frère et ses huit autres soeurs. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris. Par suite, l'arrêté du 12 décembre 2017 n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 21 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme C..., président de chambre,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 novembre 2019.
Le rapporteur,
A-S A...Le président,
M. C...Le greffier,
S. GASPARLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA04056