Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'ordonner une expertise médicale et de condamner l'Etat au paiement de la somme de 15 000 euros en réparation des préjudices résultant de l'absorption du Médiator.
Par un jugement n° 1605407 du 14 novembre 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme B....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 15 janvier 2018 et 25 avril 2019,
Mme F... B..., représentée par la société d'avocats Verdier et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 14 novembre 2017 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15 000 euros au titre de son préjudice d'anxiété ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'Etat ne peut s'exonérer de sa responsabilité en soutenant que le seul responsable est le laboratoire Servier ;
- l'Etat a failli dans sa mission de police du médicament ;
- cette carence est constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité ;
- l'existence d'un risque, même faible, est de nature à susciter une anxiété à l'origine de son préjudice ;
- le préjudice d'anxiété a été reconnu pour d'autres risques ;
- les informations diffusées par l'AFSSAPS sont insuffisantes et tardives ;
- dans le cas d'espèce, le préjudice d'anxiété existe du seul fait qu'elle a été exposée au Médiator ;
- la dyspnée d'effort qui s'est révélée et les signes cliniques de pathologie cardiaque ont suscité une anxiété dont justifient ses proches qui fournissent à cet égard de nombreux témoignages ;
- son préjudice d'anxiété doit être évalué à 15 000 euros.
Par un mémoire enregistré le 11 avril 2019, l'Agence nationale de sécurité du médicament, représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'infirmer le jugement n° 1605407 du 14 novembre 2017 sur le principe de la reconnaissance d'une faute de l'ANSM et de la responsabilité de l'Etat ;
2°) de rejeter la demande indemnitaire de Mme B....
Elle soutient que :
- Mme B... ne fait état d'aucun élément personnel et circonstancié pertinent pour justifier du préjudice d'anxiété qu'elle invoque ;
- à titre subsidiaire, l'Etat sera exonéré de toute responsabilité du fait des agissements fautifs des Laboratoires Servier.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 avril 2019, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés ainsi que l'a jugé la cour dans une affaire identique (CAA Paris, 21 décembre 2017, Ministre de la santé c. Castella, 17PA00482).
La clôture de l'instruction a été prononcée le 14 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a pris du Médiator de l'année 1996 au 13 septembre 2008. Elle a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat et l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé à l'indemniser du préjudice d'anxiété qu'elle estime subir du fait de son exposition au benfluorex, principe actif du Médiator. Par un jugement du
14 novembre 2017, le tribunal administratif de Paris, après avoir estimé que l'absence de suspension ou de retrait de l'autorisation de mise sur le marché du Médiator à compter de juillet 1999 revêtait le caractère d'une carence fautive de nature à engager partiellement la responsabilité de l'Etat, a rejeté les demandes de Mme B..., en considérant qu'il n'existait pas de lien de causalité entre les symptômes dont elle faisait état et la prise de Médiator et que le préjudice d'anxiété n'était pas en l'espèce justifié. Mme B... relève appel de ce jugement.
2. Les appels formés contre les jugements de tribunaux administratifs ne peuvent tendre qu'à l'annulation ou à la réformation du dispositif du jugement attaqué. Les conclusions de l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé tendant à ce que le jugement attaqué soit infirmé en tant qu'il a reconnu la responsabilité partielle de l'Etat sont dès lors irrecevables.
3. Si l'hypertension artérielle pulmonaire est une affection sévère, le risque de développer cette pathologie à la suite d'une exposition au benfluorex peut être regardé, ainsi que le mentionnait l'information mise à la disposition des patients concernés par l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, comme très faible. Ainsi, le réseau français de l'hypertension artérielle pulmonaire sévère n'a identifié, entre 1999 et février 2012, que 129 cas d'hypertension pulmonaire associée à un antécédent d'exposition au benfluorex, quelle que soit la période de cette exposition. Enfin, le risque de valvulopathie cardiaque, pathologie susceptible, lorsqu'elle est sévère, de rendre nécessaire une intervention chirurgicale, est faible et diminue rapidement dans les mois qui suivent l'arrêt de l'exposition au benfluorex.
4. Si la requérante se prévaut des données générales relatives au risque de développement d'une hypertension artérielle pulmonaire et du retentissement médiatique auquel a donné lieu, à partir du milieu de l'année 2010, la poursuite de la commercialisation du Mediator jusqu'en novembre 2009, et s'il n'est pas contestable que la découverte du caractère dangereux du Médiator est susceptible d'avoir suscité chez elle des interrogations et des inquiétudes, l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a cependant diffusé aux patients concernés, par des courriers et sur son site internet, des informations rendant compte, en des termes suffisamment clairs et précis, de la réalité des risques encourus. Il ne résulte pas de l'instruction et notamment du rapport du collège d'experts placé auprès de l'ONIAM du
6 avril 2016, que les maux qui affectent l'intéressée, et notamment sa pathologie cardiaque et le déficit fonctionnel constaté, seraient en quelque manière imputable à la prise de Médiator. Les témoignages de ses proches produits à l'appui de sa requête font essentiellement état de la dégradation de son état général de santé, d'un essoufflement, et de douleurs articulaires. L'altération de sa condition psychologique et la perte de joie de vivre que ces attestations évoquent semblent résulter d'une mobilité plus réduite et de la réduction de ses activités quotidiennes et non d'une crainte spécifique liée au risque de développer une pathologie évolutive grave qui serait directement consécutive à l'absorption de ce médicament dangereux. Dans ces conditions, la requérante, qui ne peut utilement se fonder sur les analogies entre les risques de la prise de benfluorex, et ceux de l'exposition à l'amiante et de la contamination par le virus de l'hépatite C, n'est pas fondée à demander une indemnisation au titre du préjudice d'anxiété.
5. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 14 novembre 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... B..., au ministre des solidarités et de la santé et à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Copie en sera adressée pour information à l'ONIAM.
Délibéré après l'audience publique du 5 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
- M. C..., président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Jayer, premier conseiller,
- Mme Mornet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 19 novembre 2019.
L'assesseur le plus ancien,
M-D... Le président de la formation de jugement,
président-rapporteur,
Ch. C...
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 18PA00163