Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
I - Par une requête enregistrée sous le n° 1904267, Mme D... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 19 avril 2019 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a décidé son transfert aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile.
II - Par une requête enregistrée sous le n° 1904276, M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 19 avril 2019 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a décidé son transfert aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile.
Par un jugement nos 1904267, 1904276 du 3 juin 2019, le Tribunal administratif de Melun a admis M. et Mme B... à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle, annulé les arrêtés du 19 avril 2019 du préfet de Seine-et-Marne, enjoint audit préfet de procéder à l'enregistrement des demandes d'asile de M. et Mme B... en procédure normale dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de leur délivrer l'autorisation provisoire de séjour prévue à l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros pour chacune des deux demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 26 août 2019, le préfet de Seine-et-Marne demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 3 juin 2019 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. et Mme B... devant ce tribunal.
Il soutient que :
- le tribunal a méconnu les dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui enjoignant de procéder à l'enregistrement des demandes d'asile de M. et Mme B... ;
- les arrêtés en litige ne méconnaissent ni les dispositions de l'article 3.2 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ni les stipulations des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- ils ne sont pas entachés d'erreur manifeste d'appréciation au regard de la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- les autres moyens soulevés en première instance par M. et Mme B... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 octobre 2019, M. A... B... et Mme D... B..., représentés par Me C... E..., concluent au rejet de la requête, à ce qu'ils soient admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et, à titre subsidiaire, sur le seul de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les moyens invoqués par le préfet de police ne sont pas fondés ;
- le préfet de police, qui ne produit que la réponse automatique Dublinet, n'établit pas avoir saisi les autorités italiennes.
M. et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du
29 octobre 2019
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, modifié par le règlement d'exécution (UE)
n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- et les observations de Me E..., avocat de Mme B... et de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... B... et M. A... B..., respectivement nés les 30 décembre 1990 et
1er janvier 1982 en Côte d'Ivoire, pays dont ils ont la nationalité, se sont présentés aux services de la préfecture de Seine-et-Marne le 11 mars 2019 aux fins d'enregistrement d'une demande de protection internationale. Par deux arrêtés du 19 avril 2019, le préfet de Seine-et-Marne a décidé leur remise aux autorités italiennes, responsables de l'examen de leur demande d'asile. Le préfet de Seine-et-Marne relève appel du jugement nos 1904267, 1904276 du 3 juin 2019 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé ces deux arrêtés, lui a enjoint de procéder à l'enregistrement des demandes d'asile de M. et Mme B... en procédure normale dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de leur délivrer l'autorisation provisoire de séjour prévue à l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros pour chacune des deux demandes.
Sur les motifs d'annulation retenus par le Tribunal administratif de Melun :
2. Pour annuler les arrêtés en litige, le Tribunal administratif de Melun, qui a relevé la particulière vulnérabilité de Mme B... au vu de son état de grossesse à la date de l'arrêté en litige et la circonstance qu'elle était accompagnée de M. B..., son époux, qui a reconnu de façon anticipée leur enfant à naître, et de leur premier enfant, a estimé que le préfet de Seine-et-Marne avait entaché les deux arrêtés du 19 avril 2019 d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013.
3. Aux termes du deuxième alinéa du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 17 de ce règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...), chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ".
4. Le système européen commun d'asile a été conçu de telle sorte qu'il est permis de supposer que l'ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux. Ainsi, il est présumé que l'Italie, Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, assure un traitement des demandeurs d'asile respectueux de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cependant, cette présomption peut être renversée s'il y a des raisons sérieuses de croire qu'il existe des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant.
5. M. et Mme B..., qui ont produit une lettre du groupe hospitalier Sud Ile-de-France du 28 décembre 2018 relative à l'inscription de Mme B... à la maternité ainsi qu'une attestation du 11 février 2019 d'un médecin du service de médecine polyvalente et infectieuse de ce même groupe hospitalier, qui indique qu'elle a besoin d'une prise en charge médicale d'urgence dont l'absence aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, n'établissent pas que les autorités italiennes ne seraient pas en mesure de traiter leur demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il ressort, en outre, des entretiens individuels menés avec un agent de la préfecture de Seine-et-Marne, que Mme B..., qui a déclaré être enceinte et être la mère d'un enfant mineur l'accompagnant, elle et son époux, n'a jamais indiqué que sa grossesse exigeait un suivi médical particulier, au demeurant non établi par les pièces produites, que les autorités italiennes ne pourraient prendre en charge, ni souffrir d'une pathologie grave. Elle ne fait état, par ailleurs, d'aucun élément établissant qu'elle aurait rencontré des difficultés lors de son séjour en Italie pour assurer le suivi médical de sa pathologie. Quant à M. B..., s'il a déclaré avoir été maltraité, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations. Si M. et Mme B... ont versé aux dossiers de première instance le rapport de monitoring de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) du 12 décembre 2018, le rapport de mission d'observation du 10 au 18 janvier 2019 de Passerell ainsi que le résumé en français du rapport de l'Associazione per gli studi giuridici sull'immagrazione (AGSI) par Passerell, ces documents, qui retracent la situation de quelques demandeurs d'asile en Italie et formulent des recommandations générales, ne sont pas suffisants pour démontrer qu'il existait, à la date des arrêtés litigieux, des raisons de croire que les autorités italiennes n'étaient pas en mesure de traiter leur demande d'asile dans le respect des droits fondamentaux consacrés par les dispositions susmentionnées au point 5. Dans ces conditions, c'est à tort que le Tribunal administratif de Melun a annulé les arrêtés du 19 avril 2019 du préfet de Seine-et-Marne au motif qu'ils étaient entachés d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 précité du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.
6. Toutefois, il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme B... devant le Tribunal administratif de Melun.
Sur les autres moyens soulevés par M. et Mme B... :
7. En premier lieu, Aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. / (...) ".
8. La circonstance que l'ampliation de l'arrêté portant transfert de M. B... aux autorités italiennes, qui comporte la mention des nom, prénom et qualité du signataire, n'est pas signé est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ne peut qu'être écarté.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre (...) ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères (...) ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées (...). / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / (...) ". Aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme B... se sont vus remettre le
11 mars 2019, soit à la date d'enregistrement de leurs demandes d'asile, l'ensemble des informations nécessaires au suivi de leur demande d'asile et à l'engagement de la procédure de transfert, et tout particulièrement la brochure d'information sur le règlement " Dublin III " contenant une information générale sur la demande d'asile et le relevé d'empreintes (brochure A) et la brochure d'information pour les demandeurs d'asile dans le cadre de la procédure " Dublin III " (brochure B) rédigées en langue française, à défaut d'une traduction officielle en langue bambara, langue qu'ils comprennent, ainsi que le guide du demandeur d'asile, et que le contenu des ces documents leur a été traduit par un interprète en bambara. Il ressort des entretiens individuels, au cours desquels ils ont également été assistés d'un interprète en langue bambara, qu'ils ont été informés que leurs demandes d'asile étaient examinées dans le cadre du règlement " Dublin III ", qu'ils ont déclaré avoir compris la procédure engagée à leur encontre et qu'ils ont pu faire valoir des observations. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les entretiens individuels ne peuvent être regardés, contrairement à ce que soutiennent les intéressés, qui n'ont formulé aucune réserve, comme s'étant déroulés dans la précipitation et comme ne leur ayant pas permis de comprendre la procédure mise en oeuvre à leur encontre. Est sans incidence à cet égard l'absence de mention de la durée de ces entretiens ainsi que des coordonnées téléphoniques et de messagerie, au demeurant non prévue par les dispositions du règlement n° 604/2013. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 de ce même règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. (...). / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".
12. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme B... ont été reçu à la préfecture de police le 11 mars 2019, par un agent de la préfecture. Les entretiens ont donc été menés par une personne qualifiée au sens du 5 de l'article 5 du règlement n° 604/2013du 26 juin 2013 et il ressort du résumé de ces entretiens, comme indiqué au point 10, que les intéressés ont pu faire valoir à cette occasion toutes observations utiles. Par ailleurs, l'article 5 de ce règlement n'exige pas que le résumé de l'entretien individuel mentionne l'identité et la qualité de l'agent qui l'a mené et ce résumé, qui, selon le point 6 de cet article 5, peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type, ne saurait être regardé comme une correspondance au sens de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration. En outre, ainsi que cela a été dit au point 10, il ne ressort pas des résumés de ces entretiens individuels que les intéressés n'auraient pas compris la procédure mise en oeuvre à leur encontre. Par suite, la circonstance que ces indications n'apparaissent pas sur les résumés des entretiens individuels menés avec M. et Mme B... est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie.
13. En quatrième lieu, M. B... ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article 21 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors qu'il ressort du dossier de première instance que le préfet de Seine-et-Marne a bien présenté au autorité italiennes, dans le délai requis par cet article, une requête aux fins de reprise en charge concernant M. B... ladite requête, de même que le résultat positif Eurodac produit au dossier, comportant un numéro d'identification spécifique à M. B... et distinct de celui de son épouse. Est, par suite sans incidence, au regard des exigences de l'article 21 du règlement, la circonstance que les mentions portées sur l'arrêté de transfert concernant M. B... aient comporté une erreur matérielle.
14. En cinquième lieu, il résulte de l'application combinée des dispositions de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 que lorsque le préfet est saisi d'une demande d'enregistrement d'une demande d'asile, il lui appartient, s'il estime après consultation du fichier Eurodac que la responsabilité de l'examen de cette demande d'asile incombe à un Etat membre autre que la France, de saisir la direction générale des étrangers en France du ministère de l'intérieur, qui gère le " point d'accès national " du réseau Dublinet pour la France. Les autorités de l'Etat regardé comme responsable sont alors saisies par le point d'accès français, qui archive les accusés de réception de ces demandes. Les demandes émanant des préfectures sont, en principe, transmises le jour même aux autorités des autres Etats membres si elles parviennent avant 16h30 au point d'accès national et le lendemain si elles y parviennent après cette heure. Si les préfectures n'avaient pas directement accès aux accusés de réception archivés par le point d'accès national, elles peuvent désormais y accéder directement.
15. La décision de transfert d'un demandeur d'asile vers l'Etat membre responsable au vu de la consultation du fichier Eurodac ne peut être prise qu'après l'acceptation de la reprise en charge par l'Etat requis, saisi dans le délai de deux mois à compter de la réception du résultat de cette consultation. A cet égard, s'il est nécessaire que les autorités françaises aient effectivement saisi les autorités de l'autre Etat avant l'expiration de ce délai de deux mois et que les autorités de cet Etat aient, implicitement ou explicitement, accepté cette demande, la légalité de la décision de transfert prise par le préfet ne dépend pas du point de savoir si les services de la préfecture disposaient matériellement, à la date de la décision du préfet, des pièces justifiant de l'accomplissement de ces démarches.
16. Le juge administratif, statuant sur des conclusions dirigées contre la décision de transfert et saisi d'un moyen en ce sens, prononce l'annulation de la décision de transfert si elle a été prise alors que l'Etat requis n'a pas été saisi dans le délai de deux mois ou sans qu'ait été obtenue l'acceptation par cet Etat de la reprise en charge de l'intéressé. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur ce point au vu de l'ensemble des éléments versés au dossier par les parties. S'il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance.
17. Il résulte des dispositions citées ci-dessus du règlement (CE) n° 1560/2003 du
2 septembre 2003 que la production de l'accusé de réception émis, dans le cadre du réseau Dublinet, par le point d'accès national de l'Etat requis lorsqu'il reçoit une demande présentée par les autorités françaises établit l'existence et la date de cette demande et permet, en conséquence, de déterminer le point de départ du délai de deux semaines au terme duquel la demande de reprise est tenue pour implicitement acceptée. Pour autant, la production de cet accusé de réception ne constitue pas le seul moyen d'établir que les conditions mises à la reprise en charge du demandeur étaient effectivement remplies. Il appartient au juge administratif, lorsque l'accusé de réception n'est pas produit, de se prononcer au vu de l'ensemble des éléments qui ont été versés au débat contradictoire devant lui, par exemple du rapprochement des dates de consultation du fichier Eurodac et de saisine du point d'accès national français ou des éléments figurant dans une confirmation explicite par l'Etat requis de son acceptation implicite de reprise en charge.
18. Il ressort des pièces du dossier que la consultation du fichier Eurodac a révélé que Mme B... ainsi que M. B..., dont les demandes de protection internationale ont été enregistrées en France le 10 janvier 2019, ont sollicité l'asile en Italie respectivement les 24 avril 2018 et 13 décembre 2016. Le préfet de police a produit devant le tribunal administratif les pièces qui justifient de l'envoi au point d'accès du réseau Dublinet pour la France, le 20 mars 2019, des requêtes visant à la reprise en charge des intéressés par les autorités italiennes et du constat d'accords implicites du 3 avril 2019 de ces mêmes autorités. Si le préfet de police n'a produit aucune pièce relative aux échanges entre le point d'accès national français et le point d'accès national italien du réseau Dublinet, il n'a été fait état ni devant le tribunal administratif ni devant la cour d'aucun élément permettant de penser que les autorités italiennes n'auraient pas été effectivement saisies aux dates indiquées ci-dessus. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
19. En sixième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
20. M. et Mme B..., qui se prévalent du rapport de l'OSAR du 12 décembre 2018, du rapport de mission d'observation du 10 au 18 janvier 2019 de Passerell et de décision de la Cour européenne des droits de l'homme du 4 novembre 2014 Tarakhel c./ Suisse (n° 29217/12), soutiennent qu'ils ont été violentés, ainsi que leur enfant, qu'ils ont été victimes de brimades lors de leur séjour en Italie, qu'ils n'ont pu bénéficier de soins médicaux et qu'ils ont été accueillis et hébergés dans des conditions indignes. Toutefois, ainsi que cela a été dit au point 5, ces documents ne suffisent pas à eux seuls à établir qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe en Italie des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant. En outre, le préfet de Seine-et-Marne fait valoir qu'à la suite de la décision Tarakhel c./ Suisse, les autorités italiennes ont pris des mesures et mis en place des établissements d'accueil selon le système de protection des demandeurs d'asile et des réfugiés et en conclut que le Gouvernement français a obtenu des assurances de prise en charge des familles par les autorités italiennes de façon adaptée. En tout état de cause, M. et Mme B... n'apportent aucun élément de nature à établir que leur situation personnelle ne pourrait être prise en charge par les autorités italiennes dans le respect des droits fondamentaux consacrés par les conventions susrappelées au point 4. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne pourra qu'être écarté.
21. En septième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la même convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, de autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
22. Il ressort des pièces versées au dossier que M. et Mme B... ont déclaré être entrés en France le 1er décembre 2018, soit depuis moins de cinq mois à la date des arrêtés en litige. Rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue en Italie, où ils n'établissent pas, ainsi que cela a été rappelé aux points 5, 6 et 20, que leurs demandes d'asile ne pourraient bénéficier d'un examen normal et où leur enfant mineur est destiné à les suivre. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, les arrêtés en litige n'ont pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis. Pour les mêmes motifs, ces arrêtés ne méconnaissent pas davantage les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.
23. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Seine-et-Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé ses arrêtés du 19 avril 2019, et à obtenir, sans qu'il y ait lieu d'examiner son moyen dirigé contre l'injonction prononcée à son encontre, l'annulation de ce jugement et le rejet des demandes présentées devant le tribunal par M. et Mme B....
DECIDE :
Article 1er : Le jugement nos 1904267, 1904276 du 3 juin 2019 du Tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme B... devant le Tribunal administratif de Melun sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. A... B... et à Mme D... B....
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 6 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- Mme F..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 27 novembre 2019.
Le rapporteur,
S. F...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
P. LIMMOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA02799