La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/02/2020 | FRANCE | N°19PA02853

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 06 février 2020, 19PA02853


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... F... a demandé au tribunal administratif de Paris à titre principal, d'ordonner une expertise médicale afin d'établir les préjudices résultant de l'absorption de Médiator et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de provision, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation à compter du 27 juillet 2017 ; à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 144 095,08 euros au titre des préjudices subis, ainsi que les entiers dépen

s, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation.

Par un jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... F... a demandé au tribunal administratif de Paris à titre principal, d'ordonner une expertise médicale afin d'établir les préjudices résultant de l'absorption de Médiator et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de provision, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation à compter du 27 juillet 2017 ; à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 144 095,08 euros au titre des préjudices subis, ainsi que les entiers dépens, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation.

Par un jugement n° 1714750 du 5 juillet 2019, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à Mme F... la somme de 609 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 août 2019, Mme F..., représentée par Me B..., demande à la cour :

A titre principal :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Paris en ce qu'il a limité la faute de l'Etat à un taux inférieur à 50 % ;

2°) d'ordonner l'expertise sollicitée et de la confier à un expert cardiologue inscrit sur la liste nationale ;

3°) condamner l'Etat au paiement de la somme de 5 000 euros à titre provisionnel à Mme F... au titre de ses préjudices extrapatrimoniaux ;

A titre subsidiaire :

4°) d'annuler le jugement n° 1714750 du 5 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit à sa demande et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 144 095,08 euros au titre des préjudices qu'elle aurait subis suite à l'absorption du Médiator ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les entiers dépens de l'instance et les frais d'expertise, avec intérêts et capitalisation de droit à compter de l'envoi du recours préalable légal soit le

27 juillet 2017.

Elle soutient que :

- compte tenu de la période durant laquelle elle s'est vu prescrire du Médiator, la part de responsabilité de l'Etat ne saurait être inférieure à 50% ;

- le rapport d'expertise du collège Benfluorex, sommaire et insuffisant, ne reflète pas l'aggravation de son état de santé consécutif à la prise de Médiator ;

- ses préjudices doivent être évalués comme suit : 1 048,08 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ; 10 000 euros au titre des souffrances endurées ; 3 072 euros au titre de l'aide par tierce personne temporaire ; 119 975 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ; 10 000 euros au titre du préjudice d'anxiété.

Par un mémoire enregistré le 9 janvier 2020, l'agence nationale de sécurité du médicament représentée par Me E... conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que l'expertise sollicitée est inutile et que les montants alloués par le tribunal administratif de Paris sont suffisants.

Par un mémoire enregistré le 14 janvier 2020, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés et s'en remet aux observations présentées par l'agence nationale de sécurité du médicament.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de Mme Pena, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., qui s'est vu prescrire du Médiator du mois de février 2005 au

1er décembre 2009, a demandé au tribunal administratif de Paris de prescrire une nouvelle expertise et de lui allouer une provision, et à défaut de condamner l'Etat à lui verser la somme de 144 095,08 euros en réparation des préjudices résultant de l'absorption de ce produit dangereux. Par un jugement du 5 juillet 2019, le tribunal administratif de Paris, après avoir estimé que l'absence de suspension ou de retrait de l'autorisation de mise sur le marché du Médiator à compter de juillet 1999 revêtait le caractère d'une carence fautive de nature à engager partiellement la responsabilité de l'Etat, a condamné ce dernier à verser à Mme F... la somme de 609 euros en réparation des préjudices subis et a rejeté le surplus de sa demande. Mme F..., qui relève régulièrement appel de ce jugement, demande à la Cour de réformer le jugement en ce qu'il a limité la responsabilité de l'Etat à un taux inférieur à 50%, d'ordonner une expertise et de lui allouer une provision, ou à défaut de porter à 144 095,08 euros la somme que l'Etat doit être condamné à lui verser.

Sur le partage de responsabilité entre l'Etat et les laboratoires Servier :

2. Le tribunal administratif de Paris, après avoir relevé que l'absence de suspension ou de retrait de l'autorisation de mise sur le marché du Médiator était constitutive d'une carence fautive de l'AFSSAPS de nature à engager la responsabilité de l'Etat à compter du 7 juillet 1999 a estimé que les agissements fautifs des laboratoires Servier avaient été de nature à exonérer l'Etat, pour l'ensemble de la période du 7 juillet 1999, date à laquelle sa responsabilité s'est trouvée engagée, au 30 novembre 2009, date à laquelle sa responsabilité a cessé, de 70 % de cette responsabilité. Il a en conséquence jugé que la responsabilité de l'Etat était engagée à hauteur de 30 %. La circonstance particulière que Mme F... se serait vu prescrire du Médiator entre 2005 et 2009 alors que les dangers du Médiator ne pouvaient être ignorés des autorités de l'Etat n'est pas de nature, dans les circonstances de l'espèce, à conduire la Cour à majorer la part de responsabilité de l'Etat et à réduire corrélativement la part de responsabilité des Laboratoires Servier. Pour le surplus, il n'est pas établi que les Laboratoires Servier seraient insolvables, et cette circonstance serait en tout état de cause sans influence sur le partage de responsabilité. Il y a lieu dès lors de confirmer le partage de responsabilité opéré par le tribunal administratif de Paris par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

Sur la demande de nouvelle expertise et la provision :

3. Les conclusions du collège d'experts Benfluorex ont mis en lumière l'existence d'un lien de causalité entre l'absorption de Médiator et l'aggravation de certaines pathologies dont souffre Mme F... et d'un préjudice minime. La seule circonstance que le collège se serait prononcé sur pièces au vu du dossier médical de l'intéressée, sans la rencontrer et sans procéder à un examen physique, n'est pas de nature à établir que l'expertise n'aurait pas été complète et sérieuse. Elle comporte des éléments suffisants pour permettre à la Cour de se prononcer sur les demandes de la requérante. Les certificats médicaux produits ne révèlent pas une détérioration significative de l'état de Mme F... en lien vraisemblable avec l'absorption de Médiator qui rendrait nécessaire une expertise complémentaire. Celle-ci ne présentant pas de caractère utile, il n'y a pas lieu pour la Cour d'y faire droit. Les conclusions principales tendant à ce que soit prescrite une nouvelle expertise et à ce qu'une provision soit allouée à Mme F... doivent être rejetées.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

S'agissant des frais d'assistance par tierce personne :

4. Il ne résulte pas de l'instruction et notamment de l'avis rendu le 18 décembre 2014 par le collège d'experts dans le cadre de la procédure engagée auprès de l'ONIAM que l'état de santé de Mme F... en lien direct avec l'absorption de Médiator nécessiterait une assistance par tierce personne. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'il n'y avait pas lieu de mettre à la charge de l'Etat une indemnité au titre des frais d'assistance par tierce personne.

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

5. Il résulte de l'avis rendu le 18 décembre 2014 par le collège d'experts dans le cadre de la procédure engagée auprès de l'ONIAM que Mme F... a subi un déficit fonctionnel temporaire de classe I entre le 6 septembre 2011 et 5 décembre 2012 et qu'un compte rendu du 27 octobre 2011 de son cardiologue permet de qualifier son déficit fonctionnel en raison du Médiator comme ayant été " modéré ". Ainsi, le tribunal a fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'indemnisant, compte tenu du partage de responsabilité, par le versement d'une somme de 279 euros.

S'agissant des souffrances endurées :

6. Les conclusions de Mme F... concernant les souffrances endurées ne sont assorties d'aucun élément nouveau.

S'agissant des autres préjudices personnels à caractère permanent :

7. Le déficit fonctionnel permanent subi par Mme F... est évalué par le collège d'experts à 1%. L'évaluation de ce chef de préjudice par les premiers juges, qui l'ont indemnisé, compte tenu du partage de responsabilité, par une somme de 330 euros, sera également confirmée.

8. Les conclusions de Mme F... concernant le préjudice d'anxiété ne sont assorties d'aucun élément nouveau. Il n'est pas notamment justifié que la dépression dont souffrait

Mme F... serait directement liée à des craintes liées à l'absorption de Médiator. Elle n'est pas fondée à obtenir une indemnisation à ce titre.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif de Paris, dont il y a lieu d'adopter les motifs du jugement, aurait fait une appréciation insuffisante de ses préjudices. Sa requête doit donc être rejetée. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F..., au ministre des solidarités et de la santé, à l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et à la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Dieppe-Seine-Maritime. Copie en sera adressée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. D..., premier vice-président,

- M. C..., président assesseur,

- Mme Mornet, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 6 février 2020.

Le rapporteur,

Ch. C...Le président,

M. D...

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

2

N° 19PA02853


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award