Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. I... A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 13 décembre 2017 par laquelle la ministre du travail :
- a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par la société Securitas France contre la décision de l'inspecteur du travail du 4 mai 2017 refusant d'autoriser son licenciement,
- a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 4 mai 2017,
- et a autorisé son licenciement.
Par jugement n° 1802366/3-2 du 30 janvier 2019, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 13 décembre 2017 de la ministre du travail.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 mars 2019, la société Securitas France, représentée par Me H..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter les demandes de première instance de M. A... C... ;
3°) de mettre à la charge de M. A... C... la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont à tort estimé qu'elle n'établissait pas que le comportement de M. A... C... sur le fonctionnement de l'entreprise était de nature à justifier son licenciement ; la demande d'autorisation de licenciement était en effet fondée sur le refus du salarié d'accepter un simple changement provisoire de son lieu de travail ; dans ces conditions, il n'appartenait pas à l'employeur d'établir un préjudice commercial résultant de son comportement ;
- la décision du 13 décembre 2017 n'est pas entachée d'incompétence ;
- la clause contractuelle de mobilité n'est pas entachée de nullité ; par suite, la mutation du salarié ne constituait qu'un simple changement dans ses conditions d'emploi et non une modification de son contrat de travail ;
- le refus de M. A... C... d'accepter un changement temporaire de son lieu de travail est fautif, alors en outre que l'intéressé a de manière déloyale omis de l'informer des conditions de son contrôle judiciaire, rendant impossible sa réintégration au sein de l'agence de Paris ou d'une autre agence ;
- la mutation du salarié est dépourvue de lien avec ses mandats.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 juillet 2019, la ministre du travail s'associe aux conclusions de la requête.
Elle s'en rapporte aux écritures qu'elle a produites en première instance.
La clôture de l'instruction est intervenue le 28 novembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant la société Securitas France.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C... a été recruté le 23 juillet 2005 par la société Securitas France, en qualité d'agent de sécurité mobile, et était affecté au sein d'une agence à Paris. Il était par ailleurs membre titulaire du comité d'établissement " région mobile Nord " et délégué du personnel titulaire de l'agence Paris 19 Mobile, depuis le 3 juin 2014. Par courrier du 21 mars 2017, son employeur a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de le licencier. Par décision du 4 mai 2017, l'autorisation a été refusée. La société Securitas France a formé un recours hiérarchique contre cette décision, qui a été implicitement rejeté le 24 septembre 2017. Par une décision du 13 décembre 2017, la ministre du travail a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 4 mai 2017 et a autorisé le licenciement de M. A... C.... Ce dernier a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler cette décision. Par le jugement dont la société Securitas France relève appel, le tribunal a annulé la décision du 13 décembre 2017.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Paris :
2. Il ressort des pièces du dossier, notamment du courrier du 21 mars 2017 par lequel la société Securitas France a sollicité l'autorisation de licencier M. A... C..., que cette demande a été présentée en raison du refus opposé par le salarié d'accepter le changement de ses conditions de travail par une mutation provisoire à Nanterre. Si cette affectation temporaire a été motivée par le trouble objectif causé au bon fonctionnement de l'entreprise par les circonstances de la mise en examen de l'intéressé pour vol, ce trouble ne constituait pas le fondement de la demande d'autorisation de licenciement, présentée pour motif disciplinaire. Par suite, la société Securitas France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 13 décembre 2017 au motif que l'employeur de M. A... C... n'établissait pas que les répercussions effectives du comportement du salarié sur le fonctionnement de l'entreprise étaient de nature à justifier son licenciement.
3. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... C... devant le tribunal administratif de Paris.
Sur les autres moyens soulevés par M. A... C... :
4. En permier lieu, aux termes de l'article 5 de la décision du 24 mai 2017 portant délégation de signature, publiée au Journal officiel de la République française le 31 mai 2017, la ministre du travail a donné à M. E... B..., chef du bureau du statut protecteur, délégation à l'effet de signer " dans la limite des attributions du bureau du statut protecteur et au nom du ministre chargé du travail, tous actes, décisions ou conventions, à l'exclusion des décrets ". L'article 5 de l'arrêté du 22 juillet 2015 relatif à l'organisation de la direction générale du travail dispose que " (...) Le bureau du statut protecteur est chargé : (...) d'instruire des recours hiérarchiques et contentieux relatifs aux licenciements des salariés protégés (...) ". Ces dispositions combinées confèrent au chef du bureau du statut protecteur compétence pour instruire les recours hiérarchiques dirigés contre les décisions des inspecteurs du travail en matière de licenciement de salariés protégés, mais aussi de signer, au nom du ministre chargé du travail, toutes les décisions relatives au champ de compétence de ce bureau. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision du 13 décembre 2017 serait entachée d'incompétence doit être écarté comme manquant en fait.
5. En deuxième lieu, la décision du 13 décembre 2017 est motivée par le comportement de M. A... C..., qui a refusé une mutation provisoire au sein d'une agence de la société Securitas France située à Nanterre, alors même que le poste qui lui était proposé relevait de sa qualification et ne comportait pas de changement de sa rémunération. Ce poste était par ailleurs situé dans la zone géographique d'affectation prévue par l'article 1.5 de son contrat de travail, laquelle indiquait de façon suffisamment précise que le salarié pouvait exercer ses fonctions dans une " autre agence de la même société située dans le même département ou dans un département limitrophe ", et ne constituait ainsi qu'un changement des conditions d'exécution de son contrat de travail, que la société Securitas France était en droit de lui imposer. La ministre du travail a donc pu légalement estimer que le comportement de M. A... C... justifiait que soit accordée à son employeur l'autorisation de le licencier.
6. En dernier lieu, M. A... C... n'établit pas que la demande d'autorisation de licenciement serait en lien avec ses mandats de membre titulaire du comité d'établissement " région mobile Nord " et de délégué du personnel titulaire de l'agence Paris 19 Mobile.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Securitas France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision de la ministre du travail du 13 décembre 2017.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... C... le versement de la somme de 1 000 euros à la société Securitas France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 30 janvier 2019 est annulé.
Article 2 : Les demandes de M. A... C... présentées devant le tribunal administratif de Paris sont rejetées.
Article 3 : M. A... C... versera la somme de 1 000 euros à la société Securitas France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Securitas France, à M. I... A... C... et à la ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 6 février 2020, à laquelle siégeaient :
- M. G..., premier vice-président,
- Mme Jayer, premier conseiller,
- Mme F..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 3 mars 2020.
Le rapporteur,
G. F...Le président,
M. G...
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne à la ministre du travail, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA01091