Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2012 à raison notamment de l'imposition d'indemnités perçues à la suite de son licenciement.
Par un jugement n° 1508270/3 du 8 février 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 9 avril 2018 et 7 février 2019, M. C..., représenté par Me B... A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1508270/3 du 8 février 2018 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de prononcer la réduction sollicitée devant ce tribunal ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au sens de l'article
L. 1235-3 du code du travail ;
- l'indemnité transactionnelle qu'il a perçue en réparation du préjudice moral résultant de ce licenciement est exonérée d'impôt sur le revenu en application de l'article 80 duodecies du code général des impôts.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 septembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête
Il soutient que les moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 8 février 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 25 février 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., recruté par la SA Eurofactor en qualité de directeur général adjoint en charge du développement international, a été licencié le 6 décembre 2012 en raison " de divergences de vue récurrentes l'opposant à sa société, depuis le début du mois de janvier 2012, sur la conduite de la politique internationale de Crédit Agricole Leasing et Factoring ". Il a été convenu, dans le cadre d'un protocole d'accord transactionnel conclu le 14 décembre 2012 avec son employeur, que M. C... percevrait une indemnité transactionnelle, " forfaitaire et définitive du préjudice moral né des conditions particulières de rupture du contrat de travail ", d'un montant brut de 210 900 euros, qu'il a déclarée en tant que revenus exceptionnels au titre de son revenu imposable de l'année 2012. L'administration a implicitement rejeté la réclamation préalable de M. C... par laquelle il sollicitait que cette indemnité transactionnelle soit exonérée de l'impôt sur le revenu. M. C... relève appel du jugement n° 1508270/3 du 8 février 2018 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2012, à raison de cette indemnité transactionnelle.
2. Aux termes des dispositions du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve des dispositions suivantes. / Ne constituent pas une rémunération imposable : / 1° Les indemnités mentionnées aux articles
L. 1235-2, L. 1235-3 et L. 1235-11 à L. 1235-13 du code du travail ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version alors en vigueur : " Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. / Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. (...) ". Aux termes de l'article L. 1235-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " En cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. / Si un doute subsiste, il profite au salarié ".
3. Pour déterminer si une indemnité versée en exécution d'une transaction conclue à l'occasion de la rupture d'un contrat de travail est imposable, il appartient à l'administration et, lorsqu'il est saisi, au juge de l'impôt, de rechercher la qualification à donner aux sommes qui font l'objet de la transaction. Ces dernières ne sont susceptibles d'être regardées comme des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mentionnées à l'article L. 1235-3 du code du travail que s'il résulte de l'instruction que la rupture des relations de travail est assimilable à un tel licenciement. Dans ce cas, les indemnités, accordées au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse sont exonérées d'imposition. La détermination par le juge de la nature des indemnités se fait au vu de l'instruction.
4. Il résulte de l'instruction que M. C... a été recruté, ainsi que cela a dit au point 1
ci-dessus, par la SA Eurofactor en qualité de directeur général adjoint en charge du développement international. Par un courrier du 6 décembre 2012, la SA Eurofactor lui a notifié son licenciement en raison de " divergences de vue récurrentes sur la conduite de la politique internationale de Crédit Agricole Leasing et Factoring apparues depuis le début du mois de janvier 2012 et entraînant un litige qui a pris de l'ampleur les tous derniers mois ". M. C... soutient que, d'une part, il a fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au sens de l'article L. 1235-3 du code du travail et, d'autre part, l'indemnité transactionnelle qu'il a perçue en réparation du préjudice moral résultant de ce licenciement doit être exonérée d'impôt sur le revenu en application de l'article 80 duodecies du code général des impôts. Il résulte de l'instruction, et notamment d'un courriel du
7 septembre 2012 adressé par M. C... au directeur général de la société, qu'il s'inquiétait de la suppression de son poste, à tout le moins de la modification substantielle de son contenu, qui résulterait des réorientations envisagées, et indiquait que les " opportunités " qui lui étaient proposées, à savoir un poste de direction d'une filiale en Pologne, conduisaient à un " déclassement ". En réponse, dans un courriel du 13 septembre suivant, le directeur général n'a pas contesté la suppression de son poste, précisant qu'il ne souhaitait pas son départ et que l'intention de la direction était de lui permettre de poursuivre sa carrière au sein du groupe. Par ailleurs, il résulte des éléments produits au dossier que M. C... travaillait au sein du groupe depuis plus d'une trentaine d'année à la date à laquelle il a été licencié et avait toujours donné satisfaction, comme cela ressort notamment de la part variable de rémunération qui lui était attribuée au titre de l'année 2011, au regard des objectifs atteints. Dans ces conditions, le licenciement dont il a fait l'objet ne peut être regardé comme ayant eu un motif inhérent à sa personne, et M. C... est, en conséquence, fondé à soutenir que ledit licenciement était sans cause réelle et sérieuse et que, par suite, l'indemnité transactionnelle qui lui a été versée est exonérée d'impôt sur le revenu en application des dispositions précitées de l'article 80 duodecies du code général des impôts.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à obtenir l'annulation du jugement attaqué et la réduction de sa base imposable à l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2012 à hauteur de la somme 198 347 euros, laquelle correspond au net imposable de l'indemnité transactionnelle pour préjudice moral de 210 900 euros, et la décharge de l'imposition correspondante. Il y a lieu, dans les circonstance de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. C..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1508270/3 du 8 février 2018 du Tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : La base imposable à l'impôt sur le revenu de M. C... au titre de l'année 2012 est réduite de 198 347 euros.
Article 3 : M. C... est déchargé de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 2012 en conséquence de la réduction prononcée à l'article précédent.
Article 4 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 26 février 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- Mme E..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 11 mars 2020.
Le rapporteur,
S. E...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01168