Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 22 février 2019 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1905669/6-3 du 4 juillet 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I) Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2019 sous le n° 19PA02259, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1905669/6-3 du 4 juillet 2019 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 février 2019 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) d'enjoindre au préfet de police, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant cet examen ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée en vertu des dispositions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que l'accès effectif aux soins n'est pas garanti au Maroc en raison de la spécificité de la pathologie et du coût onéreux des contrôles et des soins ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle porte atteinte à sa vie privée et familiale ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée en vertu des dispositions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que son éloignement peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
- elle méconnaît les dispositions du 11° l'article L. 313-11 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que la continuité des soins n'est pas garantie dans son pays d'origine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
II) Par une requête, enregistrée le 11 octobre 2019 sous le n° 19PA03191, M. D..., représenté par Me H..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1905669/6-3 du 4 juillet 2019 du Tribunal administratif de Paris.
2°) d'annuler l'arrêté du 22 février 2019 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au profit de Me H... en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :
- elle est entachée d'incompétence en l'absence de délégation du signataire ;
- elle est insuffisamment motivée, dès lors qu'elle ne mentionne pas que M. D... est éligible au système de sécurité sociale au Maroc ;
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu de l'absence de garantie de l'accès effectif aux soins au Maroc ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation, dès lors que la continuité des soins n'est pas garantie dans son pays d'origine ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'incompétence en l'absence de délégation du signataire ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
-elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet de police n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 9 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme J... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... D..., ressortissant marocain, né le 3 avril 1981, est entré en France le 18 février 2016 selon ses déclarations. Il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le préfet de police a rejeté sa demande par un arrêté du 22 février 2019 l'obligeant en outre à quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Par un jugement du 4 juillet 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. M. D... interjette appel de ce jugement.
Sur la jonction :
2. Les requêtes n°s 19PA02259 et 19PA03191 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé des décisions contestées :
En ce qui concerne le moyen commun aux décisions du préfet de police :
3. M. D... soutient que la décision est entachée d'incompétence en l'absence de délégation consentie par le préfet de police à son signataire. Toutefois, d'une part, il résulte de l'arrêté n° 2018-00694 du 23 octobre 2018, alors en vigueur, relatif aux missions et à l'organisation de la direction de la police générale de la préfecture de police, publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris le 30 octobre 2018 et de l'arrêté n° 2019-00029 du 10 janvier 2019, publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris le 18 janvier 2019, que le préfet de police en fonction, M. E..., a délégué sa signature à Mme I... G..., conseillère d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, cheffe du 9e bureau, en cas d'absence ou d'empêchement de M. C..., sous-directeur de l'administration des étrangers, et de M. F..., adjoint au sous-directeur de l'administration des étrangers, aux fins de signer les décisions relatives à l'application de la réglementation relative au séjour et à l'éloignement des étrangers. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... et M. F... n'auraient pas été absents ou empêchés.
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, l'arrêté contesté vise les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et mentionne en outre que M. D... ne remplit pas les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. Il y est précisé que l'intéressé n'atteste pas de l'intensité d'une vie privée et familiale en France et qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. L'arrêté contesté comporte ainsi l'exposé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de police s'est fondé pour rejeter la demande de renouvellement de titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
6. Il est constant que M. D... souffre d'une neurofibromatose de type 2, maladie génétique qui cause des tumeurs au système nerveux et dont les complications se traitent par chirurgie ou radiothérapie. L'intéressé a fait l'objet à ce titre d'un suivi médical en France depuis 2016 et a bénéficié en qualité d'étranger malade d'un titre de séjour et de récépissés de titres de séjour renouvelés jusqu'au 10 octobre 2018. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser le renouvellement de titre de séjour, le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'Intégration (OFII) du 6 août 2018 indiquant que si l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié au Maroc. L'attestation d'un médecin chef de réanimation au Maroc produite par le requérant, qui se borne à indiquer que " le centre hospitalier Universitaire Ibn Rochd ne possède pas de centre hyperspécialisé pour le traitement de cette maladie ", ne suffit pas à établir l'indisponibilité de toute prise en charge au Maroc. Le préfet de police verse au dossier plusieurs documents indiquant la présence de services de chirurgie, radiothérapie et ophtalmologie au sein de centres hospitaliers. Le Maroc doit ainsi être regardé comme doté de structures médicales permettant la prise en charge de la pathologie de M. D.... Il ressort en outre des pièces du dossier que le Maroc dispose, outre l'assurance maladie obligatoire, d'un régime d'assistance médicale pour les personnes les plus démunies. Les éléments produits par M. D... ne permettent pas de contredire l'avis du collège de médecins de l'OFII. Par suite, le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. M. D... se prévaut de la gravité de sa maladie et de la présence de ses deux frères en France, qui le soutiennent tant matériellement qu'affectivement. Toutefois, il est constant que M. D... a des attaches familiales au Maroc où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-cinq ans et où résident ses parents, un de ses frères, son épouse et son fils. Par suite, la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes mêmes de l'arrêté contesté, que le préfet de police a procédé à un examen attentif et particulier de la situation personnelle et familiale du requérant. Ainsi, le moyen tiré du défaut d'examen approfondi ne peut qu'être écarté.
10. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux développés au point 6., cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de M. D.... Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. D... n'est pas fondé à exciper, au soutien de sa demande tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire, de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour.
12. En deuxième lieu, en application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision obligeant M. D... à quitter le territoire français est dûment motivée ainsi qu'il a été dit ci-dessus et n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique.
13. En troisième lieu, les moyens tirés, d'une part, de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'autre part, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment s'agissant du refus de séjour.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
14. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. ". Si l'intéressé soutient qu'il existe un risque vital en cas de retour dans son pays d'origine, ainsi qu'il a été dit précédemment M. D... peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié au Maroc. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
15. Compte tenu de tout ce qui précède, M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. D... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 10 mars 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme J..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 avril 2020.
Le président de la 7ème chambre,
C. JARDIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA02259, 19PA03191 3