Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du Conseil national de l'ordre des médecins, notifiée le 6 octobre 2015, refusant de transmettre à la chambre disciplinaire de première instance la plainte qu'il a formée le 7 avril 2015 devant le conseil départemental de l'ordre des médecins de la ville de Paris à l'encontre du docteur Olivères-Ghouti, et d'enjoindre au président du Conseil national de l'ordre des médecins de transmettre cette plainte à la chambre disciplinaire dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1520062/6-1 du 27 janvier 2017, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision et a enjoint au président du Conseil national de l'ordre des médecins de transmettre la plainte du docteur A... à la chambre disciplinaire de première instance, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 27 mars 2017 et 24 avril 2018, le Conseil national de l'ordre des médecins, représenté par la SCP Matuchansky-Poupot-Valdelièvre, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter les demandes de première instance de M. A... ;
3°) de mettre à la charge de M. A... le versement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé s'agissant de l'application des articles L. 4123-2 et L. 4124-2 du code de la santé publique ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la juridiction disciplinaire était seule compétente pour se prononcer sur la recevabilité de la plainte du docteur A... ;
- les dispositions de l'article L. 4123-2 du code de la santé publique ne sont pas applicables aux plaintes dirigées contre un médecin chargé d'un service public mis en cause pour des actes accomplis à l'occasion de sa fonction publique ; l'action disciplinaire contre un médecin chargé d'un service public, du fait d'actes commis à l'occasion de sa fonction publique, relève des dispositions de l'article L. 4124-2 du code de la santé publique et est soumise à une procédure dérogatoire afin de garantir la continuité du service public ;
- les instances ordinales ne sont pas tenues de transmettre à la juridiction disciplinaire des plaintes manifestement irrecevables au regard des dispositions de l'article L. 4124-2 du code de la santé publique.
Par un mémoire enregistré le 16 avril 2018, M. A..., représenté par la SCP Fabiani-Luc-Thaler-Pinatel, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le Conseil national de l'ordre des médecins ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Candidat non élu aux élections organisées le 8 février 2015 pour le renouvellement partiel du conseil départemental de l'ordre des médecins de la ville de Paris, le docteur Dominique A... a formulé, le 3 avril 2015, une plainte contre le docteur Catherine Olivères-Ghouti auprès du conseil départemental de l'ordre, reprochant à cette dernière d'avoir manqué, d'une part, à son obligation de veiller à l'usage de son nom et de sa qualité, en méconnaissance de l'article R. 4127-20 du code de la santé publique, et, d'autre part, au respect dû à la confraternité, en méconnaissance de l'article R. 4127-56 du même code. En l'absence de transmission à la chambre disciplinaire de première instance, il a saisi le président du Conseil national de l'ordre des médecins (CNOM), le 2 septembre 2015, lui demandant de transmettre sa plainte à la chambre disciplinaire. Par courrier du 6 octobre 2015, le président du CNOM a informé le docteur A... de la décision dudit Conseil de ne pas transmettre sa plainte à la chambre disciplinaire, décision prise lors de sa séance du 24 septembre 2015. Estimant que cette lettre révélait un refus du président du CNOM de faire usage de ses pouvoirs propres, résultant du dernier alinéa de l'article L. 4123-2 du code de la santé publique, de transmettre sa plainte à la chambre disciplinaire, le docteur A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler ladite décision de refus. Par jugement du 27 janvier 2017 dont le CNOM relève appel, le tribunal a annulé la décision révélée par la lettre du président du CNOM du 6 octobre 2015 et a enjoint audit président de transmettre la plainte à la chambre disciplinaire de première instance.
Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :
2. Aux termes de l'article L. 4123-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Il est constitué auprès de chaque conseil départemental une commission de conciliation composée d'au moins trois de ses membres. La conciliation peut être réalisée par un ou plusieurs des membres de cette commission, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. / Lorsqu'une plainte est portée devant le conseil départemental, son président en accuse réception à l'auteur, en informe le médecin, le chirurgien-dentiste ou la sage-femme mis en cause et les convoque dans un délai d'un mois à compter de la date d'enregistrement de la plainte en vue d'une conciliation. En cas d'échec de celle-ci, il transmet la plainte à la chambre disciplinaire de première instance avec l'avis motivé du conseil dans un délai de trois mois à compter de la date d'enregistrement de la plainte, en s'y associant le cas échéant. / Lorsque le litige met en cause un de ses membres, le conseil départemental peut demander à un autre conseil de procéder à la conciliation. / En cas de carence du conseil départemental, l'auteur de la plainte peut demander au président du conseil national de saisir la chambre disciplinaire de première instance compétente. Le président du conseil national transmet la plainte dans le délai d'un mois. ".
3. Par dérogation à ces dispositions, l'article L. 4124-2 du code la santé publique prévoit, s'agissant des " médecins (...) chargés d'un service public et inscrits au tableau de l'ordre ", qu'ils " ne peuvent être traduits devant la chambre disciplinaire de première instance, à l'occasion des actes de leur fonction publique, que par le ministre chargé de la santé, le représentant de l'Etat dans le département, le directeur général de l'agence régionale de santé, le procureur de la République, le conseil national ou le conseil départemental au tableau duquel le praticien est inscrit (...) ". Les personnes et autorités publiques mentionnées à cet article ont seules le pouvoir de traduire un médecin chargé d'un service public devant la juridiction disciplinaire en raison d'actes commis dans l'exercice de cette fonction publique. En particulier, le Conseil national de l'ordre des médecins, autant qu'un conseil départemental de l'ordre des médecins, exerce en la matière une compétence propre.
4. Il résulte de ce qui précède que les premiers juges, en estimant que les dispositions précitées de l'article L. 4124-2 ne faisaient pas échec à l'obligation générale de transmission de la plainte à la chambre disciplinaire de première instance prévue à l'article L. 4123-2 et que le président du CNOM était par suite tenu de transmettre à ladite chambre la plainte du docteur A..., dirigée contre le docteur Olivères-Ghouti pour des manquements commis à l'occasion de ses fonctions publiques dans le cadre ordinal, ont fait une inexacte application des dispositions précitées. Sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré d'une insuffisante motivation du jugement, le CNOM est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision de refus de transmission révélée par le courrier du 6 octobre 2015.
5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par le docteur A... devant le tribunal administratif de Paris et la cour.
Sur l'autre moyen soulevé par M. A... :
6. M. A... soutient qu'en soumettant l'examen de sa plainte au CNOM, le président de ce Conseil a entaché sa décision d'incompétence négative, dès lors que les dispositions précitées du dernier alinéa de l'article L. 4123-2 du code de la santé publique lui confèrent en la matière des pouvoirs propres. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt que les dispositions de ce dernier article n'étaient pas applicables à la plainte de M. A..., qui visait un médecin en raison d'actes commis dans l'exercice de fonctions publiques et était par suite soumise aux dispositions dérogatoires prévues à l'article L. 4124-2 du code de la santé publique. Le moyen tiré de ce que le président du CNOM a méconnu sa propre compétence doit donc être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le CNOM est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 27 janvier 2017, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision notifiée le 6 octobre 2015 refusant de transmettre à la chambre disciplinaire de première instance la plainte formée par le docteur A... devant le conseil départemental de l'ordre des médecins de la ville de Paris à l'encontre du docteur Olivères-Ghouti, et a enjoint au président du CNOM de transmettre cette plainte à la chambre disciplinaire de première instance.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CNOM, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le versement de la somme de 1 000 euros au CNOM.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1520062/6-1 du 27 janvier 2017 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande de M. A... devant le tribunal administratif de Paris et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : M. A... versera la somme de 1 000 euros au Conseil national de l'ordre des médecins au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au Conseil national de l'ordre des médecins et à M. D... A....
Délibéré après l'audience du 9 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- M. C..., premier vice-président,
- Mme Jayer, premier conseiller,
- Mme B..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 23 juin 2020.
Le rapporteur,
G. B...Le président,
M. C...
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA01037