Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Sahim Renov a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015.
Par un jugement n° 1800830/2-2 du 2 mai 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 1er juillet 2019, la société Sahim Renov, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 2 mai 2019 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure est irrégulière dès lors que l'administration ne l'a pas informée de la teneur des renseignements et documents sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
- l'administration a manqué à son devoir de loyauté ;
- les avoirs sont justifiés par les pièces rectificatives produites ;
- la réintégration dans les bénéfices imposables de la société de la charge correspondant à l'acquisition d'un véhicule utilitaire doit se traduire par la déduction d'une charge d'amortissement de cet actif sur la période vérifiée ;
- cette déduction est prévue par la doctrine référencée BOI-BIC-AMT-10-50-30 n° 40, 19-2-2014 et par les réponses ministérielles Chamant, AN 14-6-1961 p. 1047 n° 8757 et Sergheraert, AN 26-4-1982 p. 170 n°8121.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 3 janvier 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 20 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Sahim Renov, qui exerce son activité dans le domaine du bâtiment, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période allant du 1er janvier 2014 au
31 décembre 2015. Elle relève appel du jugement du 2 mai 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des rehaussements d'impôt sur les sociétés mis à sa charge à l'issue de ce contrôle.
Sur la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article
L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les rectifications, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation ne s'impose à l'administration que pour les seuls renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications.
3. Contrairement à ce qui est soutenu, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment pas du fait que le droit de communication a été exercé auprès de la SCI Briham et n'a donné lieu à aucune réponse, que la facture émise par cette société le 30 novembre 2015, pour un montant hors taxes de 13 020 euros, et qui a fait l'objet d'un rappel de taxe sur la valeur ajoutée de 2 604 euros, n'aurait pas été fournie par la société requérante elle-même au cours de la vérification de comptabilité, comme le fait valoir le ministre en défense. La société requérante n'est par suite pas fondée à soutenir que ce document a été nécessairement obtenu soit irrégulièrement, soit en provenance de la SCI Briham, et qu'en ne l'informant pas des modalités de cette obtention, le service aurait méconnu les dispositions précitées ainsi que son devoir de loyauté.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
4. La société requérante, qui a été taxée d'office en matière de taxe sur la valeur ajoutée et qui n'a pas répondu dans les délais prescrits à la proposition de rectification qui lui a été adressée en matière d'impôt sur les sociétés, supporte, en vertu des dispositions des articles
L. 193 et R 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge d'apporter la preuve de l'exagération des impositions qu'elle conteste.
En ce qui concerne les avoirs non justifiés :
5. La société Sahim Renov a comptabilisé au débit du compte de classe 7
" prestations ", pour leur montant hors taxes, plusieurs avoirs émis au nom de ses clients, la société Bechet, la SCI Lupi, la SCI Brahim, et M. et Mme B. La taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur certains de ses avoirs a été comptabilisée au débit des comptes de taxe sur la valeur ajoutée collectée. Le vérificateur a remis en cause lesdites déductions et le ministre fait valoir devant la Cour que la réalité des avoirs n'est pas établie. Or la société s'est bornée à produire en cours de contrôle des notes d'avoirs ne faisant pas référence à une facture initiale, ne comportant pas le détail des prestations concernées par la remise, puis de nouvelles notes d'avoir, de même montant, mais portant, cette fois-ci, le détail des travaux concernés par les remises. Toutefois ces documents, dont les derniers ont été établis pour les besoins du contrôle, et qui ne sont d'ailleurs même pas produits au dossier, n'étaient accompagnés d'aucune pièce justificative permettant, notamment, d'appréhender les modalités de facturation initiale, la comptabilisation en recettes des produits correspondants, non plus que les modalités et les motifs de la constitution de ces avoirs, et par suite d'étayer le contenu des notes produites, dont la sincérité pouvait au demeurant être sérieusement remise en cause, la SCI Lupi n'ayant fait état d'aucun avoir établi à son nom, et le compte fournisseur de la société requérante ouvert dans les écritures de la société Béchet faisant état d'avoirs mais également de factures de même montant, lesquelles n'avaient pas été comptabilisées par la société Sahim Renov. Dans ces conditions, la société requérante, qui n'établit pas la réalité des avoirs en cause, ne peut utilement faire valoir que l'administration ne saurait s'opposer à leur prise en compte au seul motif que de simples conditions formelles n'auraient pas été remplies.
En ce qui concerne l'amortissement du véhicule utilitaire acquis le 31 juillet 2014 :
6. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserves des dispositions du 5, notamment : (...) 2° Sauf s'ils sont pratiqués par une copropriété de navires, une copropriété de cheval de course ou d'étalon, les amortissements réellement effectués par l'entreprise (...) ".
7. Il résulte des dispositions précitées que ne peuvent être déduits du bénéfice imposable que les amortissements qui ont été effectivement inscrits dans les écritures comptables à la clôture de chacun des exercices concernés. Il appartient au contribuable de justifier que cette inscription a été effectuée avant l'expiration du délai imparti pour souscrire la déclaration des résultats annuels de l'entreprise, ce que la société requérante n'établit pas ni même ne soutient, le prix de revient du véhicule ayant été initialement porté en charges. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que la réintégration dans ses bénéfices imposables de la charge correspondant à l'acquisition d'un véhicule utilitaire aurait dû se traduire par la déduction d'une charge d'amortissement de cet actif sur la période vérifiée. La société ne saurait utilement se prévaloir de la doctrine administrative référencée BOI-BIC-AMT-10-50-30 n° 40, 19-2-2014 ni des réponses ministérielles Chamant, AN 14-6-1961 p. 1047 n° 8757 et Sergheraert, AN 26-4-1982 p. 170 n°8121, qui régissent les cas où ne peuvent être opposées au contribuable les dispositions de l'article 39 B du code général des impôts, aux termes duquel : " A la clôture de chaque exercice, la somme des amortissements effectivement pratiqués depuis l'acquisition ou la création d'un élément donné ne peut être inférieure au montant cumulé des amortissements calculés suivant le mode linéaire et répartis sur la durée normale d'utilisation. À défaut de se conformer à cette obligation, l'entreprise perd définitivement le droit de déduire la fraction des amortissements qui a été ainsi différée ", dès lors qu'en tout état de cause, l'amortissement dont se prévaut la société requérante n'a pas été constaté avant la clôture de l'exercice concerné en méconnaissance du 2° du 1 de l'article 39 du même code.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Sahim Renov n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Sahim Renov est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sahim Renov et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 10 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. A..., premier conseiller,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 juin 2020.
Le président,
I. BROTONS
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA02088