Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... D... C... a demandé au Tribunal administratif de la Réunion, à titre principal, de condamner le rectorat à lui verser, d'une part, la somme de 36 000 euros en réparation de son préjudice économique résultant de l'application de retenues sur son traitement et de l'émission de titres de perception, de commandements de payer et d'un avis à tiers détenteur à raison d'un trop perçu de rémunération, ainsi que 36 000 euros au titre de son préjudice moral et, à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où les retenues sur traitement contestées et les actes de poursuite litigieux seraient reconnus fondés, d'enjoindre au rectorat de réduire la somme exigée des deux-tiers, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice économique, ainsi qu'une somme de 36 000 euros au titre de son préjudice moral.
Par un jugement n° 1501188/2 du 26 octobre 2017, le Tribunal administratif de la Réunion a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 22 décembre 2017 au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux et transmise à la Cour administrative d'appel de Paris par le Président de la section du contentieux du Conseil d'Etat en application des dispositions de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, Mme C..., représentée par Me E... A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1501188/2 du 26 octobre 2017 du Tribunal administratif de la Réunion ;
2°) d'annuler la demande de versement du trop-perçu et de faire droit à ses demandes de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a refusé d'admettre que la responsabilité de l'administration était engagée du fait des fautes ayant consisté en 1'octroi d'un avantage indu ayant entraîné ensuite des demandes de remboursement d'importants trop perçus ;
- le rectorat a fait preuve de carences fautives en tardant à prendre les arrêtés nécessaires indiquant qu'elle était en congé maladie et prolongeant ce congé et de ce fait, elle a dû rembourser des sommes au titre de trop perçus alors qu'elle n'avait pas encore reçu les sommes dues au titre des indemnités journalières servies par les organismes sociaux, non plus que les indemnités complémentaires, lesquelles n'ont pas été perçues avant fin 2014 et ce au titre de 2012 et 2013 ;
- il y a lieu d'indemniser le préjudice économique subi du fait du retard du Rectorat dans 1'émission des arrêtés reconnaissant son congé pour grave maladie ; en effet, ce retard a engendré un retard important dans la perception des indemnités journalières qui lui étaient dues ;
- ces retards ont été à l'origine de difficultés financières et de troubles dans ses conditions d'existence, préjudices dont elle est en droit d'obtenir réparation ;
- le rectorat n'a jamais été en mesure de justifier avec précision les montants des sommes considérées comme indûment perçues ;
- l'administration a refusé de faire droit à sa demande de reprise de fonctions dans le cadre d'un temps partiel pour motif thérapeutique.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 octobre 2018, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
La clôture de l'instruction a été fixée au 19 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., maître auxiliaire de 2ème catégorie recrutée en contrat à durée indéterminée depuis le 1er septembre 2005 par l'académie de La Réunion, a été placée en congé de grave maladie à plein traitement du 23 janvier 2012 au 22 janvier 2013. Elle a ensuite été maintenue en congé de grave maladie à demi-traitement, par un arrêté du 14 mars 2013 pour la période allant du 23 janvier 2013 au 22 juillet 2013, puis par deux arrêtés du 12 mars 2014, pour les périodes allant du 23 juillet 2013 au 22 janvier 2014 et du 23 janvier 2014 au 22 avril 2014, puis par un arrêté du 29 avril 2014 pour la période allant du 23 avril 2014 au
22 octobre 2014, et enfin par un arrêté du 17 juin 2015 pour la période allant du 23 octobre 2014 au 25 janvier 2015. L'administration a opéré, sur une partie des traitements servis à
Mme C..., des retenues correspondant aux montants que l'intéressée aurait perçus au titre des indemnités journalières de sécurité sociale. L'administration a, par ailleurs, émis un titre de perception le 31 mars 2015 d'un montant de 1 509,09 euros correspondant à un trop-perçu de traitement pour la période du 23 janvier 2013 au 31 mars 2013, un deuxième titre de perception le 14 mars 2017 d'un montant de 2 531,79 euros correspondant à un trop-perçu de traitement pour la période du 1er septembre 2014 au 28 février 2015, et enfin un troisième titre de perception le 14 mars 2017 d'un montant de 5 064,75 euros correspondant à un trop-perçu de traitement pour la période du 1er juillet 2015 au 30 août 2015. Deux commandements de payer, pour des montants respectifs de 9 602,22 euros et de 1 292,96 euros ont été émis à l'encontre de l'intéressée les 27 mars 2014 et 28 avril 2015. Mme C..., estimant que l'administration avait commis une faute en procédant aux retenues sur traitement et à l'émission des actes de poursuite susmentionnés, a demandé en vain au Tribunal administratif de La Réunion, à titre principal, de condamner l'Etat à l'indemniser, en lui versant une somme de 36 000 euros en réparation de son préjudice économique, ainsi qu'une somme de 36 000 euros au titre de son préjudice moral et à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où les retenues sur traitement contestées et les actes de poursuite litigieux seraient reconnus fondés, d'enjoindre au rectorat de réduire la somme exigée des deux-tiers, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice économique, ainsi qu'une somme de 36 000 euros au titre de son préjudice moral. Par la présente requête, elle relève appel du jugement n° 1501188/2 du 26 octobre 2017 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article 13 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat : " L'agent non titulaire en activité employé de manière continue et comptant au moins trois années de service, atteint d'une affection dûment constatée, le mettant dans l'impossibilité d'exercer son activité, nécessitant un traitement et des soins prolongés et présentant un caractère invalidant et de gravité confirmée bénéficie d'un congé de grave maladie pendant une période maximale de trois ans. / Dans cette situation, l'intéressé conserve l'intégralité de son traitement pendant une durée de douze mois. Le traitement est réduit de moitié pendant les vingt-quatre mois suivants. / (...) Le congé pour grave maladie peut être accordé par période de trois à six mois. (...) ". L'article 2 du même décret dispose que : " La réglementation du régime général de sécurité sociale ainsi que celle relative aux accidents du travail et aux maladies professionnelles sont applicables, sauf dispositions contraires, aux agents non titulaires visés à l'article 1er du présent décret. / Les agents non titulaires : / 1° Sont, dans tous les cas, affiliés aux caisses primaires d'assurance maladie pour bénéficier des assurances maladie, maternité, invalidité et décès et de la couverture du congé de paternité ; / (...) Les prestations en espèces versées par les caisses de sécurité sociale en matière de maladie, maternité, paternité, adoption, invalidité, accidents du travail et maladies professionnelles ainsi que les pensions de vieillesse allouées en cas d'inaptitude au travail sont déduites du plein ou du demi-traitement maintenu par l'administration durant les congés prévus aux articles 12 à 15. / Les agents doivent communiquer à leur employeur le montant des prestations en espèces ou des pensions de vieillesse allouées pour inaptitude physique par les caisses de sécurité sociale. L'administration peut suspendre le versement du traitement jusqu'à la transmission des informations demandées. (...) ". Enfin, l'article R. 323-11 du code de la sécurité sociale prévoit que : " L'attribution de l'indemnité journalière prévue à l'article L. 323-4 est exclusive de l'allocation de chômage. / La caisse primaire de l'assurance maladie n'est pas fondée à suspendre le service de l'indemnité journalière lorsque l'employeur maintient à l'assuré, en cas de maladie, tout ou partie de son salaire ou des avantages en nature, soit en vertu d'un contrat individuel ou collectif de travail, soit en vertu des usages, soit de sa propre initiative. / Toutefois, lorsque le salaire est maintenu en totalité, l'employeur est subrogé de plein droit à l'assuré, quelles que soient les clauses du contrat, dans les droits de celui-ci aux indemnités journalières qui lui sont dues. / Lorsque, en vertu d'un contrat individuel ou collectif de travail, le salaire est maintenu en totalité ou en partie sous déduction des indemnités journalières, l'employeur qui paie tout ou partie du salaire pendant la période de maladie sans opérer cette déduction est subrogé de plein droit à l'assuré dans ses droits aux indemnités journalières pour la période considérée, à condition que le salaire maintenu au cours de cette période soit au moins égal au montant des indemnités dues pour la même période. / Dans les autres cas, l'employeur est seulement fondé à poursuivre auprès de l'assuré le recouvrement de la somme correspondant aux indemnités journalières, dans la limite du salaire maintenu pendant la même période. (...) ".
3. En premier lieu, Mme C... soutient que le retard mis par l'administration à prendre les arrêtés de maintien en congé de grave maladie susmentionnés, associé au caractère rétroactif de ces arrêtés, présente un caractère fautif et lui a causé un préjudice. Toutefois, la procédure de maintien en congé de grave maladie sur demande de l'agent concerné n'ayant pu intervenir qu'après que le comité médical eut été consulté et eut rendu son avis, l'administration ne peut, eu égard à ces contraintes procédurales, être regardée comme n'ayant pas, en l'espèce, agi en temps utile, et comme ayant pris avec un retard excessif, et donc fautif, les arrêtés de maintien en congé de grave maladie, lesquels procèdent à la régularisation nécessaire de la situation de l'agent et n'ont pas eu pour effet de réduire les droits à congé de celui-ci. Dès lors, ces arrêtés ne peuvent être regardés comme entachés de rétroactivité illégale. De plus, il ne résulte pas de l'instruction que l'intervention de ces arrêtés à une date postérieure aux périodes de congé de grave maladie qu'ils concernent aurait privé Mme C... de son droit à percevoir des indemnités journalières de sécurité sociale, lesquelles sont attribuées à l'issue d'une procédure distincte de celle de l'administration et propre aux instances de l'assurance maladie. Par suite, les arrêtés portant maintien en congé de grave maladie de Mme C... ne peuvent être regardés comme entachés d'illégalité ou comme procédant d'un agissement fautif de la part de l'administration.
4. En deuxième lieu, les services académiques de La Réunion ont procédé, aux mois de mai et juin 2012, puis durant les années 2013 et 2014, à l'application de retenues sur le traitement de Mme C... pour en déduire l'équivalent des indemnités journalières supposément servies à cette dernière par l'organisme d'assurance maladie durant son congé de grave maladie. La requérante soutient devant la Cour, comme elle le faisait en première instance, qu'elle n'a pas perçu d'indemnités journalières avant le mois de décembre 2014, en raison du retard pris par l'administration à établir ses arrêtés de placement et de maintien en congé de grave maladie, et que ces retenues ont été opérées avant cette perception. Toutefois, alors que le tribunal, dans son jugement, relevait à juste titre que l'attestation émanant de la mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN) et datée du 4 décembre 2014, se bornait à indiquer que l'intéressée avait perçu des indemnités journalières maladie pour la période du 23 janvier 2012 au 19 août 2014 pour un montant de 35 558,95 euros et ne suffisait dès lors pas à corroborer cette allégation, Mme C... ne verse au dossier de la Cour aucun autre document comportant notamment l'indication des dates de perception effective des indemnités journalières. Ainsi Mme C... n'établit, en tout état de cause pas que les retenues litigieuses auraient été opérées avant que des indemnités journalières lui aient été effectivement servies. Dans ces conditions, et alors que l'administration était en droit, conformément aux dispositions précitées de l'article 2 du décret du 17 janvier 1986, de déduire lesdites indemnités des pleins puis des demi-traitements maintenus au profit de l'intéressée durant son congé de grave maladie, accordé en vertu de l'article 13 du même décret, sans recourir au mécanisme de subrogation prévu par les dispositions précitées de l'article R. 323-11 du code de la sécurité sociale, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que les retenues sur traitement en cause procèderaient d'un comportement fautif de l'administration.
5. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que Mme C... a perçu, pour les périodes du 23 janvier au 31 mars 2013 et du 1er septembre 2014 au 28 février 2015, un plein traitement au lieu du demi-traitement prévu dans le cadre de son congé de grave maladie pris sur le fondement de l'article 13 précité du décret du 17 janvier 1986, lequel prévoit que, dans cette situation, l'intéressée conserve l'intégralité de son traitement pendant une durée de douze mois puis bénéficie d'un demi-traitement pendant les vingt-quatre mois suivants. Toutefois, le versement à Mme C... de sommes excédant le montant du traitement auquel elle pouvait légalement prétendre pendant sa période de congé de grave maladie n'a pas le caractère d'une décision accordant un avantage financier et constitue une simple erreur de liquidation non créatrice de droits. Dès lors, l'administration, pour corriger cette erreur, était en droit de demander la restitution des sommes indûment perçues à Mme C..., laquelle ne pouvait ignorer les conditions financières de son placement en congé de grave maladie, définies par les dispositions réglementaires précitées. Par suite, l'administration n'a pas davantage commis de faute en procédant à l'émission des titres de perception et autres actes de poursuite subséquents. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que l'administration a fourni à Mme C..., sur sa demande, des tableaux détaillant le montant des sommes qui lui avait été indûment versées et des retenues opérées à ce titre, et la seule circonstance que des erreurs de plume aient pu être commises sur ces documents, ne saurait constituer une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.
6. En quatrième lieu, Mme C... soutient que la perception de trop-perçus de traitement pour les mois de février et mars 2013 et de septembre 2014 à février 2015 procède également d'une carence fautive de l'administration. Toutefois, eu égard aux contraintes de la procédure de placement comme de maintien en congé de grave maladie, et de l'impossibilité pour l'administration de préjuger de l'issue d'une telle procédure, et notamment de l'avis du comité médical, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait en l'espèce été saisi avec un retard excessif, le maintien de manière transitoire du plein traitement ne peut être considéré comme une carence fautive imputable à l'administration et de nature, à supposer qu'un préjudice en ait résulté pour l'agent, à engager la responsabilité de celle-ci à son égard.
7. Enfin, la requérante reproche à l'administration de ne pas avoir fait droit à la demande de reprise de travail à temps partiel pour motif thérapeutique qu'elle avait formulée. Toutefois, et alors d'ailleurs qu'elle n'a pas contesté le refus opposé à cette demande,
Mme C... n'articule dans sa requête aucun moyen tendant à démontrer le caractère fautif de cette décision.
8. Il suit de là que Mme C... n'établit pas l'existence d'une faute imputable à l'administration et de nature à engager, à son égard, la responsabilité de l'Etat. Par conséquent, elle ne saurait, en l'absence d'autre fondement de cette responsabilité, obtenir la condamnation de l'Etat au versement des indemnités demandées de 36 000 euros en réparation du préjudice économique et de 36 000 euros au titre du préjudice moral qu'elle estime avoir subis.
Mme C... n'est pas davantage en droit de prétendre à une réduction du montant des restitutions de trop perçus auxquelles elle est tenue et au versement d'indemnités de 20 000 euros et de 36 000 euros respectivement au titre de ces deux chefs de préjudice.
9. De tout ce qui précède, il résulte que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande. Les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement et à la condamnation l'Etat au versement d'indemnités, ou à la réduction du montant des remboursements de trop perçus mis à sa charge ne peuvent qu'être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, des conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Copie en sera adressée au recteur de l'académie de La Réunion.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme B..., président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er juillet 2020.
Le président,
I. BROTONS
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 17PA24057 2