Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme sportive professionnelle " En avant de Guingamp " a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 10 août 2018 par laquelle la commission juridique de la Ligue de football professionnel a déclaré que M. B... C... était libre de s'engager dans le club de football de son choix, la décision du 28 août 2018 par laquelle la commission d'appel de la Ligue de football professionnel a rejeté comme irrecevable son appel, ainsi que la décision du 5 septembre 2018 par laquelle la commission paritaire d'appel de la Ligue de football professionnel a confirmé la décision du 10 août 2018.
Par une ordonnance n°1819452 du 14 novembre 2018, le président de la sixième section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 11 janvier 2019, la société anonyme sportive professionnelle " En avant de Guingamp ", représentée par Me H... G..., demande à la Cour :
1°) d'annuler la décision du 10 août 2018 par laquelle la commission juridique de la Ligue de football professionnel a déclaré que M. B... C... était libre de s'engager dans le club de football de son choix,
2°) d'annuler la décision du 28 août 2018 par laquelle la commission d'appel de la Ligue de football professionnel a rejeté comme irrecevable l'appel formé par la SASP " En avant de Guingamp " contre la décision du 10 août 2018,
3°) d'annuler la décision du 5 septembre 2018 par laquelle la commission paritaire d'appel de la Ligue de football professionnel a confirmé la décision du 10 août 2018,
4°) de mettre à la charge de la Ligue de football professionnel une somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les décisions contestées ont été prises par la Ligue française de football dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique sur le fondement des articles 200 et suivants du règlement administratif relatifs à l'homologation des contrats de joueurs ;
- la Cour de cassation ayant jugé que le refus d'homologation d'un contrat de travail d'un joueur était un acte administratif, il s'en déduit qu'il en va de même de l'acte par lequel la Ligue statue sur le point de savoir si un joueur est libre de s'engager dans le club de son choix ;
- les règles relatives à l'homologation des contrats sont communes au règlement administratif de la Ligue française de football et à la Charte du football professionnel ;
- la commission juridique de la Ligue française de football qui a rendu sa décision du
10 aout 2018 sans avoir été saisie d'un litige, par le joueur, M. C..., ni par le club a excédé sa compétence ;
- la décision de la commission d'appel du 28 aout 2018 n'a pas été signée par son président ;
- il appartenait à la commission juridique d'apprécier sous sa seule responsabilité si les conditions de réalisation du transfert de M. C... à l'Impact de Montréal étaient réunies ;
- la convention de mutation présentant un caractère conditionnel, et l'arrêt du versement du salaire du joueur étant la conséquence de son transfert envisagé à Montréal, la décision de la commission paritaire d'appel est erronée ;
- la décision de la commission d'appel de la Ligue n'a pas été rendue au terme d'une procédure contradictoire.
Par un mémoire, enregistré le 19 novembre 2019, la Ligue de football professionnel, représentée par la SCP Matuchansky-Poupot-Valdelièvre, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société " En avant de Guingamp " sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il résulte de la jurisprudence du Tribunal des conflits que les décisions prises en exécution de la charte du football professionnel, quelles que soient les clauses, qui est une convention de droit privé, relèvent du juge judiciaire ;
- l'appréciation portée par la commission juridique de la Ligue sur la situation de
M. C... au regard du club de Guingamp porte sur des relations de droit privé ne saurait être regardé comme une décision d'homologation ;
- à titre subsidiaire, les actes attaqués, qui répondent à une demande de renseignement formulée par le Stade rennais, sont le constat d'une situation objective et ne présentent pas le caractère d'une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ;
- la décision de la commission paritaire d'appel s'est substituée à celle de la commission juridique qui ne peut plus être contestée ;
- l'acte par lequel la commission d'appel s'est déclarée incompétente ne fait pas grief ;
- les moyens dirigés contre la décision de la commission paritaire d'appel ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du sport ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,
-et les observations de Me A..., représentant la société anonyme sportive professionnelle " En avant de Guingamp " et les observations de Me F..., représentant la Ligue de football professionnel.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 131-14 du code du sport : " Dans chaque discipline sportive et pour une durée déterminée, une seule fédération agréée reçoit délégation du ministre chargé des sports [...] ". L'article L. 131-15 du même code dispose que : " Les fédérations délégataires : / 1° Organisent les compétitions sportives à l'issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux [...] ". En en confiant ainsi, à titre exclusif, aux fédérations sportives ayant reçu délégation la mission d'organiser des compétitions sur le territoire national, le législateur a chargé ces fédérations de l'exécution d'une mission de service public à caractère administratif. Si les décisions procédant de l'usage par ces fédérations des prérogatives de puissance publique qui leur ont été conférées pour l'accomplissement de cette mission de service public présentent le caractère d'actes administratifs, il en va autrement pour les décisions qui ne sont pas prises pour les besoins de ce service public à caractère administratif.
2. Aux termes de l'article L. 132-1 du code du sport : " Les fédérations sportives délégataires peuvent créer une ligue professionnelle, pour la représentation, la gestion et la coordination des activités sportives à caractère professionnel des associations qui leur sont affiliées et des sociétés sportives ". Aux termes de l'article 15 des règlements généraux de la Fédération française de football : " La gestion du football professionnel reconnu par la Fédération est déléguée à la Ligue de football professionnel (LFP) suivant les dispositions des statuts de la Fédération ". La ligue de football professionnelle fait usage des prérogatives qui lui sont ainsi subdéléguées pour fixer les règles régissant les compétitions qu'elle organise dans le respect de celles fixées par les statuts de la fédération et conformément à l'intérêt général de la discipline.
3. Le 30 juillet 2015, la SASP En avant de Guingamp a engagé par contrat à durée déterminée M. B... C... en qualité de joueur de football professionnel pour une durée de quatre saisons consécutives dont le terme était fixé au 30 juin 2019. Pour des raisons d'ordre privé, M. C... a souhaité être transféré à l'été 2018, soit un an avant le terme de son contrat. Par un avenant de résiliation signé le 15 juillet 2018, M. C... et son employeur ont mis un terme à leurs relations contractuelles avec effet immédiat. Cet avenant de résiliation a été homologué par décision de la Commission juridique de la Ligue de football professionnel le
26 juillet 2018.
4. Le 7 août 2018, le Stade Rennais, qui envisageait de recruter M. C..., a interrogé la Commission juridique de la ligue, ainsi saisie au titre de l'article 407 de ses règlements généraux, sur le point de savoir si l'avenant de résiliation signé le 15 juin 2018 était assorti d'une condition suspensive ou résolutoire, et s'il pouvait sans risque juridique signer un contrat avec ce joueur. Le 10 août 2018, la Commission juridique, après avoir sollicité les observations du club nord-armoricain sur cette démarche, a répondu au Stade Rennais que " le joueur était libre de s'engager dans le club de son choix ". Cette réponse constitue la première décision dont la SASP En avant de Guingamp a demandé l'annulation.
5. Par une décision du 28 août 2018, la Commission d'appel de la ligue a rejeté comme irrecevable le recours formé le 16 août 2018 par le SASP En avant de Guingamp contre cette réponse au motif que le litige qui opposait le club à son joueur ne relevait pas de sa compétence, mais de celle de la Commission paritaire d'appel. Le club requérant a demandé l'annulation de cette deuxième décision.
6. Le 5 septembre 2018, la Commission mixte d'appel de la ligue " a confirmé dans son intégralité " la réponse qu'avait apportée le 10 août 2018, la Commission juridique à la question que lui avait posée le Stade Rennais dont il résultait que M. C... était libre de s'engager dans le club de son choix. Le SASP En avant de Guingamp a également demandé l'annulation de cette troisième décision.
7. Aucune des trois décisions contestées ne présente le caractère d'une homologation ou d'un refus d'homologation d'un contrat de joueur professionnel. En effet, l'avenant de résiliation du contrat de travail de M. C... avec le club de Guingamp a été homologué par la Commission juridique, ainsi qu'il a été dit au point 3, par décision du 26 juillet 2018, et le contrat signé le 8 aout 2018 par M. C... avec Les Girondins de Bordeaux a été homologué par une décision distincte du 10 août 2018. Ces deux décisions ne sont pas l'objet du présent litige.
8. La réponse apportée le 10 aout 2018 par la Commission juridique de la Ligue française de football, confirmée le 5 septembre 2018 par la Commission mixte d'appel dont la réponse s'est substituée à la première, présentent le caractère d'avis juridiques formulés par les instances de cette personne morale de droit privé, " indépendamment d'une possible instance judiciaire " ainsi qu'en dispose l'article 407 de ses règlements généraux, en vue de prévenir les différends auxquels pourraient donner lieu les transferts de joueurs de football professionnels. La question posée portait sur l'interprétation qu'il convenait de donner à l'avenant de résiliation du contrat de travail signé le 15 juillet 2015 au regard des intentions prêtées aux parties et des engagements de toute nature qu'ils auraient pu prendre par ailleurs. Cette question qui s'inscrit dans le cadre des relations contractuelles entre l'employeur et son salarié relève de la compétence du juge du contrat, et la réponse apportée, qui ne présente pas en tout état de cause le caractère d'une décision, ne procède pas de l'usage par la Ligue de football professionnel des prérogatives de puissance publique qui lui ont été subdéléguées pour l'accomplissement de sa mission de service public. Il en va de même de la décision de 28 août 2018 de la Commission d'appel de la Ligue qui présente le caractère d'un acte de procédure interne pris par une instance de résolution des conflits de cette personne morale de droit privé.
9. Il résulte de ce qui précède que la SASP En avant de Guingamp n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée du 14 novembre 2018, le président de la sixième section du tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de ce club comme portée devant une juridiction manifestement incompétente pour en connaitre.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Ligue de football professionnel, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, la somme demandée par le club requérant au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge la SASP En avant de Guingamp la somme de 2 000 euros à verser à la Ligue de football professionnel sur le fondement de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SASP En avant de Guingamp est rejetée.
Article 2 : La SASP En avant de Guingamp versera à la Ligue de football professionnel la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme sportive professionnelle " En avant de Guingamp " et à la Ligue de football professionnel.
Copie en sera adressée pour information au président de la conférence des conciliateurs du Comité national olympique et sportif français.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- M. E..., premier vice-président,
- M. D..., président assesseur,
- Mme Mornet, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 7 juillet 2020.
Le rapporteur,
Ch. D...Le président,
M. E...
Le greffier,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre des sports en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N°19PA00162