Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 27 avril 2019 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination à destination duquel il pourra être reconduit.
Par un jugement n° 1909434/8 du 10 mai 2019, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté attaqué.
Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 27 septembre 2019 et 14 octobre 2019, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1909434/8 du 10 mai 2019 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est tort que le tribunal administratif de Paris a estimé qu'il avait commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences d'une obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de M. A... ;
- les autres moyens de première instance tirés du défaut d'examen de la situation personnelle de M. A..., du défaut de motivation, du vice de procédure, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'erreur de droit et de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ne sont pas fondés.
La requête sommaire et le mémoire complémentaire ont été communiqués à M. A... qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant algérien né en avril 1988, est entré en France en août 2015 selon ses déclarations. Il a été interpellé le 27 avril 2019 lors d'un contrôle de police dans l'enceinte de la gare du Nord, qui a fait apparaître qu'il était dépourvu de papiers l'autorisant à séjourner en France. Par un arrêté du même jour, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a placé en rétention administrative. Le préfet de police fait appel du jugement du 10 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté du 27 avril 2019.
Sur le motif d'annulation retenu par le premier juge :
2. Pour annuler l'arrêté du 27 avril 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a relevé que le préfet de police avait fait une appréciation manifestement erronée des conséquences d'une obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de M. A..., dès lors que celui-ci était arrivé en France en 2014 avec son épouse dans le but de bénéficier d'une assistance médicale à la procréation, était hébergé dans une résidence sociale et que son enfant, né en décembre 2017 à Suresnes, faisait l'objet d'un suivi médical régulier.
3. Toutefois, certains de ces éléments ne sont étayés par aucune pièce versée au dossier de première instance, alors que M. A... a déclaré lors de son audition par les services de police, assisté d'un interprète en langue arabe, qu'il était arrivé irrégulièrement en France avec son épouse en août 2015 en passant par l'Espagne, qu'ils y vivaient depuis lors avec leur enfant âgé de seize mois, qu'ils étaient hébergés par le 115 à Gonesse et qu'il travaillait occasionnellement sans être déclaré. En tout état de cause, M. A... résidait en France depuis moins de quatre ans à la date de la décision attaquée et n'y justifiait d'aucune insertion sociale ou professionnelle, sa compagne de même nationalité étant également en situation irrégulière et leur enfant encore en bas âge. En outre, M. A... n'a pas allégué être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où le couple vivait encore récemment. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a retenu qu'il avait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.
Sur les autres moyens soulevés par M. A... en première instance :
5. En premier lieu, l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) ". L'article L. 211-5 du même code dispose : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
6. L'arrêté du 27 avril 2019 vise l'article L. 511-1 I 1° du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui constitue le fondement en droit de l'obligation de quitter le territoire français, ainsi que le II du même article qui énonce les cas dans lesquels un délai de départ volontaire peut être refusé. Il indique que M. A... ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et est dépourvu de titre de séjour, ce qui constitue le motif de fait de la décision de l'obliger à quitter le territoire français, et que le risque que l'intéressé se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français doit être considéré comme établi dès lors qu'il n'a pas sollicité de titre de séjour, qu'il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes ni ne justifie d'une résidence stable, enfin qu'il a déclaré son intention de ne pas se conformer à l'obligation de quitter le territoire français, toutes considérations de fait qui motivent le refus d'un délai de départ volontaire. L'arrêté litigieux est ainsi suffisamment motivé en droit et en fait.
7. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté litigieux n'aurait pas été précédé d'un examen sérieux de la situation personnelle du requérant, qui a été auditionné par les services de la préfecture de police.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Si le moyen tiré de la violation de cette disposition par un Etat membre de l'Union européenne est inopérant, dès lors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article ne s'adresse qu'aux organes et aux organismes de l'Union, le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour.
9. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige est intervenu à la suite de l'interpellation de M. A... lors d'un contrôle de police le 27 avril 2019. Il ressort du procès-verbal d'audition signé par l'intéressé le même jour à 14h que M. A... a été entendu sur l'ensemble de sa situation administrative, avec l'assistance d'un interprète en langue arabe, et a pu faire valoir tous les éléments utiles, notamment relatifs à sa vie privée et familiale, avant que le préfet de police ne prenne, le même jour à 20h40, l'arrêté litigieux. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du droit d'être entendu, tel qu'énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être écarté.
10. En quatrième lieu, l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. Comme dit précédemment, M. A... a déclaré résider en France depuis 2015 avec son épouse et avoir un enfant à charge né en France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'il ne justifie d'aucune insertion professionnelle et qu'il ne parle pas français. En outre, la compagne de M. A... est également en situation irrégulière en France, et l'enfant n'était âgé que de 16 mois à la date de la décision attaquée. M. A... n'allègue pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à ses 27 ans. Dès lors, la décision contestée n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
12. En cinquième lieu, il ne ressort d'aucun élément du dossier que M. A... pourrait prétendre à la nationalité française. Partant, le moyen tiré de l'erreur de droit manque en fait et doit être écarté.
13. En dernier lieu, le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant stipule : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
14. M. A... fait valoir qu'il vit en France avec sa compagne et leur fils. Toutefois, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale du requérant se reconstitue en Algérie, pays dont sa compagne, en situation irrégulière en France, est ressortissante. Ainsi le préfet de police a pu, sans méconnaitre l'intérêt supérieur de l'enfant et les stipulations précitées, prendre la décision d'obliger M. A... à quitter le territoire français.
15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 27 avril 2019. Ce jugement doit être annulé et la demande de première instance de M. A... rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1909434/8 du 10 mai 2019 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 29 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme C..., présidente de chambre,
- M. Diémert, président assesseur,
- M. Platillero, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2020.
La présidente de la première chambre
S. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA03062