Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... F... épouse E... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 4 juin 2019 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1914593 du 13 novembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 décembre 2019, Mme E..., représentée par Me B... puis par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1914593 du 13 novembre 2019 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police en date du 4 juin 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui renouveler son titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles de l'article L 313-12 du même code ;
- il porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 juin 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les observations de Me D..., pour Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. Mme F... épouse E..., ressortissante marocaine, est entrée en France, selon ses déclarations, le 17 mai 2012. Après avoir obtenu un titre de séjour en sa qualité de conjoint de français, le préfet de police, par un arrêté en date du 4 juin 2019, a refusé de procéder au renouvellement de ce titre de séjour et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de destination. La requérante relève appel du jugement du 13 novembre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) ".
3. Pour rejeter la demande de titre de séjour dont il était saisi, le préfet de police s'est fondé sur la circonstance que Mme E..., qui a épousé un ressortissant français le 3 décembre 2011, ne justifiait pas d'une communauté de vie effective avec son époux, incarcéré depuis le mois de mars 2014, au centre de détention de Châteaudun. Toutefois, la requérante produit des mandats-cash qu'elle a envoyés à son conjoint de 2014 à 2017, ainsi que des enveloppes de correspondances que celui-ci lui a adressées de 2013 à 2019. Si Mme E... a interrompu les visites au parloir en 2018, les correspondances échangées en 2018 et 2019 avec son conjoint, compte tenu de leur nombre et de leur régularité, constituent un indice suffisant du maintien d'un lien affectif et donc d'une communauté de vie effective entre les époux durant cette période. Ainsi, dans ces conditions, Mme E... est fondée à soutenir qu'en refusant, pour le motif précité, de procéder au renouvellement de son titre de séjour en qualité de conjoint d'un ressortissant français, le préfet de police a méconnu les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, il y a lieu d'annuler la décision de refus de titre de séjour opposée à Mme E... ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme E... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté contesté ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à Mme E... un titre de séjour. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de police de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à Mme E... de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1914593 du Tribunal administratif de Paris du 13 novembre 2019 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de police en date du 4 juin 2019 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à Mme E... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'État versera à Mme E... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F... épouse E..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Poupineau, président,
- Mme C..., premier conseiller,
- M. Doré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 juillet 2020.
Le rapporteur,
C. C... Le président,
V. POUPINEAU
Le greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA03993