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29/09/2020 | FRANCE | N°19PA03790

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 29 septembre 2020, 19PA03790


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé à la commission départementale d'aide sociale du Nord d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 20 354,05 euros émis à son encontre le

13 novembre 2012 par le président du conseil général du Nord pour la récupération d'un indu de revenu minimum d'insertion au titre de la période d'octobre 2004 à février 2009. Par une décision avant-dire droit du 6 octobre 2015, la commission départementale d'aide sociale du Nord a sursis à statuer et ordonné une expertise.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé à la commission départementale d'aide sociale du Nord d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 20 354,05 euros émis à son encontre le

13 novembre 2012 par le président du conseil général du Nord pour la récupération d'un indu de revenu minimum d'insertion au titre de la période d'octobre 2004 à février 2009. Par une décision avant-dire droit du 6 octobre 2015, la commission départementale d'aide sociale du Nord a sursis à statuer et ordonné une expertise.

Par une décision n° 160068 du 14 février 2018, la Commission centrale d'aide sociale a rejeté l'appel formé par M. B... contre cette décision.

Par une décision n° 422910 du 15 novembre 2019, le Conseil d'Etat a annulé la décision de la Commission centrale d'aide sociale du 14 février 2018 et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Paris où elle a été enregistrée le 18 novembre 2019 sous le

n° 19PA003790.

Par des mémoires, enregistrés le 16 juillet 2020 et le 4 septembre 2020, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 6 octobre 2015 de la commission départementale d'aide sociale du Nord ;

2°) d'annuler le titre exécutoire émis le 13 novembre 2012 par le département du Nord ;

3°) de mettre à la charge du département du Nord une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande de communication de pièces est sans objet ;

- dans sa décision n° 297 667 du 19 décembre 2008, le Conseil d'Etat a jugé que, lorsque l'allocataire est propriétaire d'un bien immobilier et perçoit des loyers, les revenus qui doivent être pris en compte sont constitués desdits loyers déduction faite des charges supportées par le propriétaire, à l'exception de celles qui contribuent directement à la conservation ou à l'augmentation du patrimoine et, qu'à l'instar du régime applicable en matière fiscale, en l'absence de revenus fonciers imposables, l'allocataire n'a pas de ressources à déclarer de ce chef ;

- la prescription biennale de l'action en répétition prévue à l'article L. 262-40 du code de l'action sociale et des familles est acquise depuis le mois d'avril 2011, dès lors que les omissions de déclarations de ressources qui lui sont opposées ont été sans incidence, de 2004 à 2007, faute pour les revenus fonciers d'être imposables ; l'administration fiscale n'a pas remis en cause sa bonne foi, a retenu qu'il n'avait commis que des " erreurs " imputables à son expert-comptable ; il n'a pas reçu la notification de créance le 12 octobre 2009 et, à supposer que cet acte soit interruptif du délai de prescription, deux années se sont en tout état de cause écoulées jusqu'à l'émission du titre litigieux, le 13 novembre 2012 ; par ailleurs, à supposer que la prescription soit quinquennale, aucune somme ne pouvait lui être réclamée antérieurement au

13 novembre 2007 ;

- l'expertise ordonnée par la commission départementale d'aide sociale du Nord est ainsi inutile en raison, d'une part, de l'acquisition de la prescription biennale de la créance du département seule applicable dès lors qu'il est de bonne foi et qui n'a pas été interrompue ; d'autre part, de la nullité du titre exécutoire.

Par un mémoire enregistré le 1er septembre 2020, le département du Nord demande à la cour d'ordonner la production des déclarations de revenus et des bilans comptables de la SCI Cottage des années 2003 à 2010 et conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- en application des dispositions des articles L. 262-10 et R. 262-3 du code de l'action sociale et des familles alors en vigueur, les revenus fonciers sont compris dans les ressources soumises à déclaration pour le calcul du bénéfice du revenu minimum d'insertion, en conséquence de quoi M. B... aurait dû déclaré les revenus tirés des parts détenues dans une société civile immobilière ; cette absence réitérée de déclaration, trimestriellement ou annuellement, est constitutive d'une fraude, quand bien même l'intéressé aurait-il été non imposable ; la demande de répétition de l'indu est, dès lors, fondée ;

- pour apprécier la réalité des ressources perçues, le requérant doit produire les pièces permettant d'évaluer sa situation pour la période concernée, ce qu'il s'est abstenu de faire depuis le jugement avant-dire droit de la commission départementale d'aide sociale ;

- en raison de la fraude, telle que retenue par le comité d'étude des cas présumés frauduleux, seule la prescription quinquennale au sens de l'article 2224 du code civil est opposable et le point de départ du délai est la date de la dernière perception de l'aide, soit le

28 février 2009 ; ce délai a ensuite été interrompu, le 12 octobre 2009, par une notification de créance, transférée au payeur départemental, la récupération de la créance par ce dernier relevant des dispositions de l'article L. 1617-5 alinéa 3 du code général des collectivités territoriales ; le titre de perception émis le 13 novembre 2012 l'a ainsi été avant l'expiration du délai de quatre ans prévu par ces dispositions ;

- le titre exécutoire est régulier en la forme.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les observations de Me D... pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a bénéficié du revenu minimum d'insertion à compter du 1er octobre 2003. A la suite d'un échange avec l'administration fiscale, courant novembre 2008, portant à sa connaissance la détention par M. B... de 95 % des parts d'une société civile immobilière et la perception par ce dernier à ce titre de revenus fonciers, la caisse d'allocations familiales du Nord lui a fait connaître, par un courrier du 12 octobre 2009, sa décision de récupérer la somme de 20 354,05 d'indu de revenu minimum d'insertion, au titre de la période du 1er octobre 2004 au

28r février 2009. Le 13 novembre 2012, le président du conseil général du Nord auquel la créance a été transmise a émis un titre exécutoire aux fins de recouvrement de cette créance. Par une décision du 6 octobre 2015, la commission départementale d'aide sociale du Nord a sursis à statuer sur le recours de M. B... contre ce titre exécutoire et a ordonné une expertise de la comptabilité de la société civile immobilière détenue par l'intéressé. M. B... a relevé appel de cette décision en faisant valoir, notamment, que la commission départementale aurait dû préalablement statuer sur l'exception de prescription et sur la régularité du titre exécutoire, ce qui l'aurait conduite à constater l'inutilité de l'expertise. Par une décision du 14 février 2018, la Commission centrale d'aide sociale a rejeté son appel contre cette décision. Par un arrêt du

15 novembre 2019, le Conseil d'Etat a annulé la décision de la Commission centrale d'aide sociale du 14 février 2018 et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Paris.

Sur la régularité de la décision de la commission départementale d'aide sociale du Nord :

2. Est irrégulière la décision avant dire droit ordonnant une expertise frustratoire. L'utilité d'une mesure d'expertise doit notamment être appréciée au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective du litige principal. Ainsi, il ne peut être fait droit à une demande d'expertise lorsque, en particulier, elle est formulée à l'appui de prétentions qui se heurtent à la prescription.

3. Aux termes des dispositions de l'article L. 262-40 du code de l'action sociale et des familles dans sa version alors applicable : " L'action du bénéficiaire pour le paiement de l'allocation se prescrit par deux ans. Cette prescription est également applicable, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration, à l'action intentée par un organisme payeur en recouvrement des sommes indûment payées ". Lorsque l'indu résulte de ce que l'allocataire a omis de déclarer certaines de ses ressources, il y a lieu, pour apprécier la condition de bonne foi de l'intéressé, hors les hypothèses où les omissions déclaratives révèlent une volonté manifeste de dissimulation ou, à l'inverse, portent sur des ressources dépourvues d'incidence sur le droit de l'intéressé au revenu minimum d'insertion ou sur son montant, de tenir compte de la nature des ressources ainsi omises, de l'information reçue et de la présentation du formulaire de déclaration des ressources, du caractère réitéré ou non de l'omission, des justifications données par l'intéressé ainsi que de toute autre circonstance de nature à établir que l'allocataire pouvait de bonne foi ignorer qu'il était tenu de déclarer les ressources omises. A cet égard, si l'allocataire a pu légitimement, notamment eu égard à la nature du revenu en cause et de l'information reçue, ignorer qu'il était tenu de déclarer les ressources omises, la réitération de l'omission ne saurait alors suffire à caractériser une fausse déclaration. M. B... a fait valoir que l'émission du titre exécutoire litigieux, le 13 novembre 2012, était tardive comme prescrite et le département du Nord lui oppose la fraude et de fausses déclarations portant le délai de prescription à cinq ans, faute pour l'intéressé d'avoir déclaré à la caisse d'allocations familiales les revenus fonciers tirés de sa qualité de détenteur de 95 % des parts d'une société civile immobilière.

4. Il résulte des dispositions du code de l'action sociale et des familles dans leur version alors applicable que l'ensemble des ressources de toutes les personnes composant le foyer est pris en compte pour la détermination du montant du revenu minimum d'insertion et que, lorsque l'allocataire est propriétaire d'un bien immobilier pour lequel il perçoit des loyers, les revenus à prendre en compte au titre des ressources effectivement perçues sont constitués du montant de ces loyers, duquel il convient de déduire les charges supportées par le propriétaire à l'exception de celles qui contribuent directement à la conservation ou à l'augmentation du patrimoine, telles que, le cas échéant, les remboursements du capital de l'emprunt ayant permis son acquisition. En revanche, lorsque l'allocataire est propriétaire de parts d'une société civile immobilière, il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe que les bénéfices d'une telle société qui ne lui auraient pas été distribués puissent être, à raison des parts détenues, regardés comme constitutifs pour lui d'une ressource.

5. Il résulte de l'instruction que, suite à un échange avec le centre des impôts, le

4 novembre 2008, la caisse d'allocation familiales du Nord a constaté que M. B... n'avait pas déclaré les revenus tirés de la société civile immobilière dont il détient 95 % des parts sur les déclarations trimestrielles de revenu minimum d'insertion adressées à la caisse d'allocations familiales et que l'expert-comptable de M. B... avait imputé des déficits fonciers sur la totalité des bénéfices des exercices en 2005, 2006 et 2007. L'administration fiscale, sans retenir la fraude et la mauvaise foi, a rectifié les imputations erronées effectuées pour retenir que le déficit de la société avait entièrement couvert le bénéfice en 2005 et 2006, l'avait couvert partiellement en 2007, le bénéfice non couvert ayant été évalué à 34 528 euros. En 2008, le bénéfice réalisé par la SCI s'est élevé à 78 547 euros. La mention " propriétaire d'un logement sans charge " ayant été ajoutée par la caisse d'allocation familiales sur la plupart des déclarations trimestrielles de l'intéressé, celle-ci n'était pas sans ignorer l'existence d'une potentielle source de revenus de l'intéressé. La proposition de rectification, avec délai d'observations de 30 jours, a été adressée par le contrôleur principal des impôts à M. B..., le 16 décembre 2008. Par ailleurs, ce n'est qu'à la clôture de l'exercice 2008 et ainsi, au plus tôt, le 31 décembre 2008, que ce dernier a été mis en mesure de savoir qu'il devait déclarer les revenus fonciers tirés de sa qualité d'associé de la société civile immobilière pour l'exercice 2008, en conséquence de quoi, il a pu, de bonne foi, omettre de les déclarer dans l'ultime déclaration adressée à la caisse d'allocation familiales, le

5 janvier 2009. Il résulte de ce qui précède que M. B... a pu légitimement, eu égard à la nature du revenu en cause et de l'information reçue ainsi qu'à la présentation très sommaire du formulaire de déclaration des ressources, ignorer qu'il était tenu de déclarer les ressources omises, sans que la réitération de l'omission suffise à caractériser une fausse déclaration, et qu'il est dès lors fondé à soutenir que seule la prescription biennale prévue à l'article L. 262-40 du code de l'action sociale et des familles applicable à l'ordonnateur dans sa version alors en vigueur lui était opposable. Dans ces conditions, en l'absence en tout état de cause d'acte interruptif de la prescription biennale, entre le 12 octobre 2009 et le 13 novembre 2012, le requérant est fondé à soutenir que le titre exécutoire lui a été notifié tardivement.

6. Il résulte de ce qui précède que la commission départementale d'aide sociale du Nord devait statuer sur ce point de droit avant d'ordonner, le cas échéant, une expertise. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que l'expertise ordonnée par la décision attaquée est frustratoire et à en demander l'annulation pour ce motif.

7. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par

M. B... devant la commission départementale d'aide sociale du Nord.

Sur la légalité du titre exécutoire émis par le département du Nord le 13 novembre

2012 :

8. Il résulte de ce qui a été jugé aux points 3 à 6, sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'instruction demandée par le département du Nord, que la créance de ce dernier est prescrite.

9. Par suite, M. B... est fondé à demander l'annulation du titre exécutoire contesté.

Sur les conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département du Nord une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La décision de la commission départementale d'aide sociale du Nord du 6 octobre 2015 est annulée.

Article 2 : Le titre exécutoire émis le 13 novembre 2012 par le département du Nord est annulé.

Article 3 : Le département du Nord versera à M. B... la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et au département du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 8 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

- M. C..., premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme A..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 29 septembre 2020.

Le rapporteur,

M-F... A... Le président,

M. C...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

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N° 19PA03790


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03790
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

04-02-03-03 Aide sociale. Différentes formes d'aide sociale. Aide sociale aux personnes âgées. Allocation personnalisée d'autonomie.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SOULIER PIERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-09-29;19pa03790 ?
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