Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SA Tahiti Automobiles a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de prononcer la décharge de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de la contribution supplémentaire à l'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'année 2013, en droits et pénalités.
Par un jugement n° 1900093 du 30 septembre 2019, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté les conclusions de cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 22 octobre 2019, la SA Tahiti Automobiles, représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française du 30 septembre 2019 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du 9 janvier 2019 ayant rejeté sa réclamation préalable a été prise par une personne incompétente ;
- la procédure d'imposition est entachée de nullité dès lors que l'arbitrage du président de la Polynésie française n'a pas été sollicité, ainsi que le prévoient les dispositions de l'article 433-6 du code des impôts de la Polynésie française ;
- la preuve de la saisine du président de la Polynésie française pour arbitrage n'est pas apportée ;
- elle avait déjà fait l'objet d'une procédure de redressement portant sur le même motif et sur la même période, laquelle procédure a ensuite été abandonnée ; en remettant une nouvelle fois en cause, deux ans plus tard, le montant des amortissements réputés différés restant à imputer à la clôture de l'exercice 2012, l'administration a méconnu le principe de loyauté ;
- l'administration a méconnu les dispositions de l'article 113-12 du code des impôts de la Polynésie française et celles de l'article 118-5 du même code, en ne lui laissant pas le choix d'imputer, sur un autre exercice que le premier exercice bénéficiaire, ses déficits et amortissements réputés différés ;
- au titre de l'année 2010 le montant de ses amortissements réputés différés restant à imputer s'élevait à 100 080 502 F CFP ; la déclaration rectificative du 19 juin 2012 augmentant le montant des amortissements réputés différés n'a pas été prise en compte ; le montant des amortissements réputés différés à la clôture de l'exercice 2012 s'élève à 75 469 721 F CFP.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 janvier 2020, le gouvernement de la Polynésie française, représentée par Me A... C..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société requérante la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.
Par une ordonnance du 7 mai 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au
22 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- le code des impôts de la Polynésie française ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Tahiti Automobiles, qui exerce l'activité de concessionnaire automobile multimarques, relève appel du jugement par lequel le Tribunal de la Polynésie française a rejeté sa demande en décharge de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de la contribution supplémentaire à l'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'année 2013, en droits et pénalités.
2. En premier lieu, les irrégularités qui peuvent entacher les décisions prises par l'administration sur les réclamations dont elle est saisie sont sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ou sur le bien-fondé des impositions. Ainsi, le moyen tiré par la société Tahiti Automobiles de ce que la décision de rejet de sa réclamation serait signée par une personne incompétente pour ce faire, est inopérant.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 433-6 du code des impôts de la Polynésie française : " La commission émet un avis qui ne lie pas l'administration. Cependant, dans le cas où la direction des impôts et des contributions publiques établit une imposition ou effectue une rectification sur la base d'une appréciation contraire à l'avis de la commission, elle a l'obligation, avant la mise en recouvrement, sous peine de nullité de la procédure de vérification, de transmettre le dossier, pour décision, au Président de la Polynésie française ou à son délégataire. Le contribuable en est simultanément avisé (...) ". Aux termes de l'article 432-1 du même code " La commission peut être saisie soit par l'administration, soit par le contribuable en cas de désaccord constaté à la suite : (...) - de la notification de redressement prévue à l'article LP. 421-1-2. /La compétence de la commission des impôts, étendue à tous les impôts directs visés au présent code, se limite au seul examen des questions de fait. Elle s'étend, dans la même limitation, à la taxe sur la valeur ajoutée ".
4. La société requérante fait valoir que l'imposition a été établie sur la base d'une appréciation contraire à celle de la commission qui avait émis l'avis que les amortissements réputés différés étaient dissociés des déficits ordinaires. Or la commission n'était pas compétente pour émettre un avis sur ce point qui est relatif à une question de droit. Le contribuable n'est par suite, et en tout état de cause, pas fondé à faire valoir qu'il a été privé de la garantie liée à la transmission du dossier au Président de la Polynésie française, qui n'est offerte au contribuable que lorsque la divergence d'appréciation entre l'administration et la commission intervient sur un point entrant dans la compétence de cette dernière.
5. En troisième lieu, et contrairement à ce qui est soutenu, l'administration était en droit, sans méconnaître ses obligations de loyauté, d'établir une imposition au titre de l'exercice clos en 2013 à l'issue d'une procédure régulière alors même qu'une précédente procédure au titre de l'exercice clos en 2012 avait été abandonnée avant que des impositions aient été établies, et que les questions en cause dans le cadre des deux procédures étaient relatives au montant des amortissements réputés différés à la clôture de l'exercice 2012.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 113-12 du code des impôts de la Polynésie française : " En cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si le bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être opérée, l'excédent du déficit est reporté sur les exercices suivants jusqu'au cinquième exercice qui suit l'exercice déficitaire. / La limitation du délai de report n'est pas applicable à la fraction du déficit qui correspond aux amortissements régulièrement comptabilisés mais réputés différés en période déficitaire ". Il résulte de ces dispositions que si un excédent de déficit peut être reporté jusqu'au cinquième exercice qui suit l'exercice déficitaire initial, sauf en ce qui concerne la fraction du déficit qui correspond aux amortissements réputés différés, laquelle peut être reportée sans limitation de délai, la possibilité d'un tel report cesse dès lors que l'exercice cesse lui-même d'être déficitaire. Par conséquent, en imputant sur le premier exercice laissant apparaître un bénéfice, un déficit qui avait antérieurement été reporté par la société Tahiti Automobiles, en ce compris une fraction d'amortissements réputés différés, l'administration n'a pas méconnu les dispositions précitées de la loi fiscale. En outre, la société Tahiti Automobiles ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article 118-5 du code des impôts de la Polynésie française, qui prévoient la possibilité de prélever en franchise d'impôt sur des exercices bénéficiaires des amortissements réputés différés en plus de l'annuité afférente aux exercices précédemment déficitaires, lesquelles ne remettent pas en cause le principe selon lequel le report de déficit ou d'amortissements réputés différés s'impute sur le premier exercice laissant apparaître un bénéfice.
7. En cinquième lieu, la société requérante soutient qu'après avoir pris en compte la correction effectuée par l'administration consistant à réévaluer de 60 000 000 F CFP à
107 296 041 F CFP le montant des amortissements réputés différés au titre de l'année 2010 et compte tenu des montants imputables au titre des années 2011 et 2012 et des nouveaux amortissements réputés différés constitués au cours de la période, le montant imputable au titre de l'année 2013 s'élève à 74 469 721 F CFP et non à 29 778 352 F CFP. Toutefois, il résulte de l'instruction que la société requérante, qui retient un montant d'amortissements réputés différés de 160 080 502 F CFP à la clôture de l'exercice 2009, ne prend pas en compte le fait que ce montant, qui correspond en fait au montant non contesté d'amortissement réputés différés à la clôture de l'exercice 2008, était partiellement imputable au titre de l'exercice 2009 pour un montant de de 44 691 369 F CFP. Cette faculté d'imputation, qui ne fait l'objet d'aucune contestation de la part de la société requérante, est de nature à expliquer la différence invoquée. L'erreur de calcul alléguée n'est par suite pas établie.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la SA Tahiti Automobiles n'est pas fondée à contester le jugement attaqué en tant que le Tribunal administratif de Polynésie française a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la SA Tahiti Automobiles la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SA Tahiti Automobiles est rejetée.
Article 2 : La SA Tahiti Automobiles versera au gouvernement de la Polynésie française la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société SA Tahiti Automobiles et au gouvernement de la Polynésie française.
Copie en sera adressée au Haut-commissaire de la République en Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 23 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Soyez, président,
- M. B..., premier conseiller,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Lu en audience publique le 7 octobre 2020.
Le rapporteur,
F. B...Le président assesseur,
En application de l'article R. 222-26 du code
de justice administrative,
J.-E. SOYEZ
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA03350