Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, dont le président a transmis la requête au Tribunal administratif de Paris, d'annuler l'arrêté en date du 27 août 2018 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, en fixant son pays de destination ainsi que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.
Par un jugement n° 1823228 du 21 février 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 mars 2019, appuyée de pièces complémentaires enregistrées au greffe de la Cour le 22 août 2019, M. C..., représenté par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1823228 du 21 février 2019 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 27 août 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, à titre principal de lui délivrer une carte de séjour, assortie d'une astreinte fixée à 100 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et, de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. C... soutient que :
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il remplit les conditions pour bénéficier d'une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il réside habituellement sur le territoire français depuis 2009 et travaille en France ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard au temps de présence sur le territoire dont il justifie, de sa bonne insertion et des liens qu'il a pu nouer.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision a été adoptée par une autorité incompétente ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison des menaces subies et de l'absence de famille au Mali ;
- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison du risque de traitement inhumain et dégradants au Mali.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
- la décision a été adoptée par une autorité incompétente ;
- la décision est insuffisamment motivée en raison de l'usage d'une formule stéréotypée ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que sa vie privée et familiale se trouve en France.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;
- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- et les observations de Me B... pour M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., de nationalité malienne né en 1972, qui serait entré en France en 2009, relève appel du jugement du 21 février 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 27 août 2018 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, en fixant le pays de destination et lui interdisant de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, pour demander l'annulation de l'arrêté attaqué en ce qu'il fixe le pays de renvoi et porte interdiction de retour sur le territoire français, M. C... présente à nouveau à la Cour, dans les mêmes termes qu'en première instance, le moyen tiré de l'incompétence de son signataire, et, en ce qu'il porte obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée. Les premiers juges ont écarté ces moyens par un jugement exactement motivé, dont il y a lieu d'adopter les motifs. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
4. M. C... soutient à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et à l'encontre de celle portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans qu'il est parfaitement intégré en France où il réside depuis de nombreuses années et où il a noué de nombreux liens amicaux. Toutefois, M. C... étant célibataire et sans charges de famille, il n'apporte aucun élément sur les liens personnels et familiaux qu'il aurait pu nouer en France, non plus que sur une insertion professionnelle alléguée sans en justifier. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français pendant une période de deux ans ont porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel qu'il est garanti par les stipulations conventionnelles précitées une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises.
5. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 ci-dessus et compte tenu de l'ensemble des circonstances, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur les conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ".
7. Dès lors que M. C... ne soutient ni n'allègue qu'il serait le père d'un enfant de nationalité française, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté.
Sur les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination :
8. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Ce dernier texte énonce que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
9. M. C... soutient que son retour au Mali l'exposerait à des traitements contraires aux textes susvisés. Toutefois, il n'établit pas la réalité des risques personnels auxquels il serait exposé en cas de retour au Mali. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation des textes précités, qui n'est opérant qu'à l'encontre de la décision fixant le Mali comme pays de destination, ne peut être accueilli.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées par son avocat sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en l'absence de demande présentée au bureau de l'aide juridictionnelle malgré l'invocation par ce dernier des dispositions y afférentes, doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Marion, premier conseiller,
- M. D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020.
Le rapporteur,
B. D...Le président,
S.-L. FORMERY
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA01097