Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL AS a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 20 novembre 2017 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme de 17 700 euros au titre de la contribution spéciale et celle de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire de réacheminement pour l'emploi d'un travailleur étranger non autorisé à travailler et dépourvu de titre de séjour et de la décharger des obligations correspondantes ; à titre subsidiaire, de réduire la contribution spéciale à 1 000 fois le taux horaire minimum garanti ; de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1800597 du 15 avril 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 juin 2020, et un mémoire, enregistré le 18 novembre 2020, la SARL AS, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1800597 du 15 avril 2020 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler la décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 20 novembre 2017 ;
3°) de prononcer la décharge des contributions mises à sa charge ;
4°) à titre subsidiaire, de réduire le montant de la contribution spéciale à 1 000 fois le minimum garanti ;
5°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa bonne foi est avérée, qu'elle ignorait que le document d'identité remis par son employé -déjà recruté sans difficultés- était un faux ; elle a procédé aux vérifications qui lui incombaient ;
- à titre subsidiaire, elle est fondée à solliciter la réduction à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti en application de l'article R. 8253-2 du code du travail, le litige ne portant que sur un seul salarié et aucune autre infraction n'étant mentionnée au procès-verbal d'infraction.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2020, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SARL AS sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... ;
- et les conclusions de Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Lors d'un contrôle effectué le 29 juin 2017 dans le restaurant " Pizza Bellucia " exploité à Fresnes par la société AS, les services de police, de l'Urssaf et de l'inspection du travail y ont constaté la présence d'un ressortissant tunisien, en action de travail, démuni d'autorisation de travail. Par une décision du 20 novembre 2017, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à la charge de la société AS la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail d'un montant de 17 700 euros, ainsi que la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile d'un montant de 2 124 euros. La société AS relève appel du jugement du 15 avril 2020 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à la décharge des sommes réclamées.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ". L'article L. 5221-8 du même code dispose que : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 ". Aux termes de l'article L. 8253-1 de ce code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. (...) ". Aux termes de l'article R. 8253-2 du même code : " I.- Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. / II.- Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : / 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; / 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. / III.- Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ". Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine ".
3. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail et de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les contributions qu'ils prévoient ont pour objet de sanctionner les faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée, sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement. Toutefois, un employeur ne saurait être sanctionné sur le fondement de ces dispositions, qui assurent la transposition des articles 3, 4 et 5 de la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lorsque tout à la fois, d'une part, il s'est acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de l'article L. 5221-8 du code du travail et, d'autre part, il n'était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux ou procédaient d'une usurpation d'identité. En outre, lorsqu'un salarié s'est prévalu lors de son embauche de la nationalité française ou de sa qualité de ressortissant d'un Etat pour lequel une autorisation de travail n'est pas exigée, l'employeur ne peut être sanctionné s'il s'est assuré que ce salarié disposait d'un document d'identité de nature à en justifier et s'il n'était pas en mesure de savoir que ce document revêtait un caractère frauduleux ou procédait d'une usurpation d'identité.
4. Les infractions retenues à l'encontre de la société AS sont celles d'emploi d'un étranger sans autorisation de travail prévue à l'article L. 8251-1 du code du travail et de travail dissimulé d'un salarié prévue à l'article L. 8221-5 du même code. L'absence d'authenticité de la carte d'identité italienne présentée par le salarié résulte de ses déclarations spontanées lors de son audition par les services de police et n'est pas contestée. Pour contester l'infraction, la société AS se prévaut de sa bonne foi, de la circonstance qu'elle aurait déjà précédemment embauché l'intéressé, en ignorant que le document présenté l'autorisant à travailler, était falsifié. Toutefois, il résulte des déclarations du salarié lors de son audition par les services de police que son employeur savait, qu'à tout le moins, il était de nationalité tunisienne. Si le gérant de la société soutient qu'il a transmis la carte nationale d'identité italienne falsifiée à son expert-comptable, une telle circonstance ne résulte pas de l'instruction, la secrétaire du comptable de la société ayant déclaré aux services de police ne pas avoir été contactée, circonstance corroborée par l'examen des relevés téléphoniques de la société ; l'employeur ne saurait ainsi se prévaloir de cette excuse d'ordre documentaire dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que lui-même ou son mandataire auraient procédé à un minimum de vérifications et de diligences permettant de s'assurer que la carte d'identité italienne présentée ne revêtait pas un caractère frauduleux ou ne procédait pas d'une usurpation d'identité, ce d'autant que le salarié -qui se réclamait également ainsi qu'il a été précisé de la nationalité tunisienne- ne parlait pas italien. La circonstance que, lors d'une précédente embauche et déclaration auprès des organismes sociaux dans les mêmes conditions en 2016, aucune infraction ait été retenue est sans incidence sur la caractérisation de la matérialité des faits. Par suite, la société AS ne peut se prévaloir de sa bonne foi.
5. Il est ensuite constant que la société requérante n'a pas déclaré le salarié auprès des organismes sociaux à la date de son recrutement, sans que soit opposable la circonstance que l'établissement aurait été fermé jusqu'à la veille de celui-ci. La réalité de l'infraction distincte d'emploi dissimulé, qui s'ajoute à celle d'emploi sans autorisation de travail, fait en conséquence obstacle à ce que la société requérante puisse se prévaloir des dispositions précitées du 1° du II de l'article R. 8253-2 du code du travail qui limite à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti le montant de la contribution spéciale. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que l'employeur n'a pas justifié auprès de l'OFII s'être acquitté spontanément des salaires et indemnités visés par l'article L. 8253-2 du code du travail. Il s'en infère que la situation de la société requérante n'entre pas dans les prévisions des 2° du II de l'article R. 8253-2 du code du travail qui limite le montant de la cotisation spéciale à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti. Et, par voie de conséquence, dans celles du III du même article qui limite à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti le montant de la contribution spéciale applicable à l'emploi d'un travailleur unique.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société AS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes d'annulation de la décision du 20 novembre 2017 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de décharge et de minoration de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement mises à sa charge.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OFII, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société AS au titre des frais liés à l'instance. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société AS le versement de la somme que demande l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur le fondement des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL AS est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL AS et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. D..., premier vice-président,
Mme B..., premier conseiller,
Mme Mornet, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.
Le rapporteur,
M-D. B...Le président,
M. D...
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
1
N° 08PA04258
2
N° 20PA01448