Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... E... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 3 janvier 2017 par laquelle le président de l'Observatoire de Paris a mis fin à ses fonctions de conseillère de prévention et de fonctionnaire sécurité défense et l'a affectée en tant qu'ingénieur de sécurité et d'hygiène au sein de la direction immobilière et logistique.
Par un jugement n° 1704254/5-2 du 20 décembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision du 3 janvier 2017 et rejeté les conclusions de la demande de Mme E... présentées au titre des frais d'instance.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 20 février et 20 septembre 2019, l'Observatoire de Paris, représenté par Me Pierre-Manuel Cloix, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1704254/5-2 du 20 décembre 2018 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il lui est défavorable ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme E... devant ce tribunal.
Il soutient que :
- les premiers juges n'ont pas vérifié si la décision en litige avait porté atteinte au statut et au grade de Mme E... ; son changement d'affectation a été effectué suivant une logique fonctionnelle afin d'éviter qu'il ne soit porté atteinte aux droits statutaires qu'elle tire de son grade d'ingénieur d'étude de 2ème classe ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les nouvelles attributions dont elle a été investie présentent une dimension transversale ainsi que cela ressort de la fiche de poste ; à supposer même que la nouvelle affectation de Mme E... ait entraîné une diminution de ses attributions, celle-ci est demeurée limitée ; il en va de même des conséquences sur sa situation financière ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le contexte dans lequel est intervenue la décision en litige avait révélé une intention de sanctionner Mme E... ; la dégradation de la relation de travail, qui a affecté l'intérêt du service, rendait nécessaire une modification de son affectation ; la nature des missions particulières confiées à l'intéressée empêchait que la dégradation du lien de confiance se matérialise par une anomalie dans la prise en charge de certains risques ;
- Mme E..., qui procède par allégation, ne fait état d'aucun fait précis susceptible de faire présumer une situation de harcèlement moral ; à supposer même que des erreurs aient été commises dans la gestion des missions qui lui ont été confiées, la définition de la chaîne hiérarchique ou la mise en oeuvre de la procédure ayant conduit à sa mutation ne sont pas susceptibles de caractériser une situation de harcèlement moral.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 13 septembre et 15 octobre 2019, Mme E..., représentée par Me Marina Papon-Diamantopoulou, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Observatoire de Paris sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens invoqués par l'Observatoire de Paris ne sont pas fondés ;
- la décision en litige est intervenue dans un cadre de harcèlement moral depuis plus de deux ans.
Par une ordonnance du 17 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 8 novembre 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 85-715 du 10 juillet 1985 ;
- le décret n° 85-1534 du 23 décembre 1985 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot,
- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public,
- et les observations de Me Vaysse, substituant Me Cloix, avocat de l'Observatoire de Paris et celles de Me Papon-Diamantopoulou, avocat de Mme E... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., titularisée en qualité d'ingénieur d'études de 2ème classe, à effet du 1er décembre 2010, par un arrêté du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche du 2 février 2011, a été affectée à l'Observatoire de Paris, établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) constitutif d'un grand établissement en application de l'article 1er du décret du 10 juillet 1985, au sein duquel elle a exercé, à compter du 6 janvier 2015, les fonctions de conseiller de prévention et de fonctionnaire sécurité défense. Par une décision du 3 janvier 2017, le président de l'Observatoire de Paris a mis fin auxdites fonctions de Mme E... et l'a affectée en qualité qu'ingénieur de sécurité et d'hygiène au sein de la direction immobilière et logistique (DIL). Par un jugement n° 1704254/5-2 du 20 décembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision et rejeté le surplus des conclusions de la demande présentée par Mme E.... L'Observatoire de Paris relève appel de ce jugement en tant qu'il lui est défavorable.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
2. La mutation dans l'intérêt du service constitue une sanction déguisée dès lors qu'il est établi que l'auteur de l'acte a eu l'intention de sanctionner l'agent et que la décision a porté atteinte à la situation professionnelle de ce dernier.
3. Pour annuler la décision contestée du 3 janvier 2017, les premiers juges ont estimé qu'eu égard au contexte dans lequel cette décision était intervenue, qui révélait une intention de sanctionner le manquement de l'intéressée à son obligation de loyauté, et aux conséquences de cette mutation sur sa situation professionnelle, confirmée par la perte de la nouvelle bonification indiciaire représentant 3,5 % de la rémunération mensuelle de Mme E..., celle-ci était fondée à soutenir que cette mesure revêtait à son égard un caractère disciplinaire et que, faute de respect de la procédure liée au prononcé d'une sanction disciplinaire, la décision contestée était entachée d'illégalité.
4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à l'issue de la séance du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) du 10 juillet 2015, au cours de laquelle le diagnostic technique amiante (DTA) de certains locaux de l'Observatoire de Paris nécessitant un désamiantage a été présenté par le prestataire l'ayant établi, Mme E... a entrepris de rédiger une note technique destinée au président de cet EPSCP. Dans un courrier du 25 septembre 2015, sept des membres du CHSCT ont sollicité de ce dernier qu'il prenne les mesures concrètes et nécessaires pour assurer la sécurité du personnel et des prestataires et visiteurs sur les sites de Paris, Meudon et Nançay. Le président de l'Observatoire de Paris, qui a estimé, au vu de la teneur de ce courrier, qu'il présentait un caractère comminatoire, a convoqué un CHSCT extraordinaire, qui s'est réuni le 21 octobre 2015, et a dénoncé, à cette occasion, le comportement déloyal de Mme E... à son encontre dès lors qu'il disposait d'éléments laissant à penser qu'elle avait participé à la rédaction du courrier du 25 septembre 2015. A l'issue de plusieurs entretiens qui se sont déroulés les 2 et
12 novembre 2015 ainsi que le 25 février 2016, en présence de l'intéressée notamment, le président de l'Observatoire de Paris s'est ainsi prévalu d'un faisceau d'indices, finalement corroboré par l'intéressée elle-même, lui permettant de conclure qu'elle avait bien participé à l'élaboration du courrier du 25 septembre 2015, constitutif d'un acte déloyal, aux motifs qu'elle avait non seulement participé " de façon motrice " à la rédaction de ce courrier, qu'elle ne l'avait pas préalablement informé des risques liés à la présence d'amiante alors qu'elle avait communiqué son projet de note technique au secrétaire-adjoint du CHSCT et qu'elle en avait informé deux des membres du CHSCT et, enfin, qu'elle avait menti sur son implication quant à l'initiative de ce courrier et les modifications auxquelles elle avait procédé. Il lui faisait également part de son intention de la relever de ses missions de conseiller de prévention et de fonctionnaire sécurité défense, ainsi qu'il l'a formalisé dans un courrier du 11 octobre 2016 aux termes duquel il a indiqué à Mme E... que son " manque de loyauté, consigné notamment dans le courrier du 17 novembre 2015 " l'amenait à la " relever de l'exercice de ces deux missions [conseillère en prévention et fonctionnaire sécurité défense], qui nécessitent une confiance absolue de ma part. Cette absence de confiance, sur des missions aussi sensibles que les vôtres, nuit inévitablement au bon fonctionnement du service ". D'ailleurs, la décision critiquée du 3 janvier 2017 précise que cette mesure " ne constitue nullement une sanction disciplinaire ". Cette décision est donc intervenue en raison des mauvaises relations entre Mme E... et sa hiérarchie, lesquelles ont entrainé une perte de confiance néfaste au bon fonctionnement du service eu égard aux fonctions confiées à l'intéressée, qui occupait un emploi fonctionnel. Il suit de là que l'Observatoire de Paris est fondé à soutenir, pour ce seul motif, que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur le motif susrappelé pour annuler sa décision du 3 janvier 2017, en estimant notamment que cette décision avait pour objet de sanctionner la requérante.
5. Toutefois, il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme E... tant en première instance qu'en appel.
6. En premier lieu, la décision critiquée du 3 janvier 2017 repose, contrairement à ce que soutient Mme E..., sur des faits matériellement établis, l'intéressée ayant d'ailleurs finalement admis sa participation à la rédaction du courrier du 25 septembre 2015.
7. En second lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. / Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public ".
8. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
9. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.
10. Mme E... soutient que la décision du 3 janvier 2017 s'inscrit dans un contexte de harcèlement moral et se prévaut, à cet égard, des modalités de son rattachement hiérarchique, de la surcharge de travail, de demandes de formation restées sans suite, du défaut de notification de ses comptes rendus d'entretien professionnel et de conditions de travail délétères, notamment, depuis les difficultés rencontrées avec le CHSCT sur le problème de l'amiante.
11. Toutefois, Mme E..., qui a occupé un emploi fonctionnel impliquant nécessairement des responsabilités et une charge de travail soutenue, n'apporte aucun élément de nature à faire présumer un harcèlement moral. Elle n'apporte, par ailleurs, aucun élément de nature à démontrer que sa hiérarchie aurait refusé de la faire bénéficier de formations professionnelles. Il en va de même du défaut de notification de certains des comptes rendus d'entretien professionnel alors qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment d'échanges de courriels, que le compte rendu d'entretien professionnel 2015-2016 lui a bien été transmis pour signature afin qu'il lui soit notifié officiellement par la suite et qu'elle puisse rédiger un recours hiérarchique. Quant au rattachement hiérarchique de Mme E... et aux conditions de travail qu'elle décrit comme étant délétères, elle n'apporte pas davantage d'éléments susceptibles de caractériser une situation de harcèlement moral. En tout état de cause, la seule circonstance que des arrêts de travail aient été produits n'est pas davantage susceptible de faire présumer un tel harcèlement moral.
12. Il résulte de ce qui précède que l'Observatoire de Paris est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 3 janvier 2017. Il y a lieu, par suite, d'annuler l'article 1er de ce jugement et de rejeter, dans cette mesure, la demande que Mme E... a présentée devant ce tribunal ainsi que les conclusions qu'elle a présentées devant la Cour sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions que l'Observatoire de Paris, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente espèce, a présenté sur ce même fondement.
DECIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1704254/5-2 du 20 décembre 2018 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme E... devant le Tribunal administratif de Paris est, dans cette mesure, rejetée ainsi que les conclusions qu'elle a présentées devant la Cour sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par L'Observatoire de Paris sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Observatoire de Paris et à Mme B... E....
Délibéré après l'audience du 9 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2020.
Le rapporteur,
S. Bonneau-MathelotLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 19PA00801