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20/05/2021 | FRANCE | N°20PA01195

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 20 mai 2021, 20PA01195


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 7 février 2019 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande de changement de nom en celui de " Bugni ".

Par un jugement n° 1907491 du 13 février 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 14 avril 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du

tribunal administratif de Paris n° 1907491 en date du 13 février 2020 ;

2°) d'annuler la décision 7...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 7 février 2019 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande de changement de nom en celui de " Bugni ".

Par un jugement n° 1907491 du 13 février 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 14 avril 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris n° 1907491 en date du 13 février 2020 ;

2°) d'annuler la décision 7 février 2019 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande de changement de nom en celui de " Bugni " ;

3°) de dire qu'il portera le nom patronymique de " Bugni " et ordonner qu'il en soit fait mention en marge de son acte de naissance ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son père a gravement manqué à ses obligations parentales en ne respectant son obligation d'entretien qu'épisodiquement et sous la contrainte, en n'exerçant son droit de visite et d'hébergement que dans les premières années suivant la séparation de ses parents et dans des conditions brutales et traumatisantes et en se désintéressant de l'éducation de son fils ;

- il souffre d'un traumatisme affectif profond.

Par un mémoire enregistré le 12 janvier 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une décision du 17 août 2020, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a rejeté la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- le code civil,

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, notamment son article 5.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Doré, rapporteur,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., avocat de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., né le 19 avril 1989, a sollicité du garde des sceaux, ministre de la justice, le changement de son nom au profit de celui de " Bugni ", patronyme de sa mère. Par une décision du 8 janvier 2019, le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté cette demande. M. B... fait régulièrement appel du jugement du 13 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 61 du code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. / (...) / Le changement de nom est autorisé par décret. ". Des motifs d'ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi.

3. A l'appui de sa demande de changement de nom, M. B..., fait valoir que son père a gravement manqué à ses obligations parentales à la suite du divorce de ses parents intervenus en 2003 et qu'il souffre d'un traumatisme affectif profond. Il ressort des pièces du dossier que M. B... était âgé de 14 ans à la date du divorce et il n'est pas contesté que son père a subvenu, jusqu'à cette date, à son éducation et à ses besoins. Il en ressort également que, si elles ont été difficiles, des relations ont d'abord subsisté, le père du requérant exerçant son droit d'hébergement et participant financièrement à son entretien, tout lien n'étant rompu, selon les écritures du requérant, que depuis une dizaine d'années. En outre, si des décisions judiciaires et des attestations produites au dossier établissent que le père du requérant s'est progressivement désintéressé de lui, n'a respecté son obligation d'entretien que sous la contrainte et que M. B... a souffert du comportement de sa belle-mère et de son père, ces éléments ne suffisent pas, dans les circonstances de l'espèce, à établir l'existence de circonstances exceptionnelles, seules de nature à caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil. En particulier, l'actualité et la gravité des troubles psychologiques et des difficultés identitaires invoqués par le requérant, qui indique ne pas avoir voulu que son épouse et ses enfants portent son nom, ne sont pas établies par la seule production d'attestations de proches, d'un certificat médical mentionnant qu'il a souffert d'un trouble anxieux généralisé en 2011 ayant nécessité la prise d'un traitement de fond pendant six mois et d'une attestation établie par une sophrologue indiquant l'avoir suivi durant sept séances entre le 26 juin et le 14 octobre 2011. Ainsi, en estimant que le requérant ne justifiait pas de circonstances exceptionnelles de nature à caractériser l'intérêt légitime justifiant son changement de nom, le garde des sceaux, ministre de la justice, n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation et n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article 61 du code civil.

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Si, en tant que moyen d'identification personnelle et de rattachement à une famille, le nom d'une personne concerne sa vie privée et familiale, l'Etat peut, toutefois, en réglementer l'usage notamment pour assurer une sécurité juridique suffisante de l'état civil.

5. Il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de ce qui a été dit au point 3, que la décision refusant le changement de nom sollicité porterait au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B..., garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte excessive au regard de l'intérêt public qui s'attache au respect des principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 mai 2017 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande de changement de nom. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 22 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,

- M. Gobeill, premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 mai 2021.

Le président,

S. DIÉMERT

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA01195


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01195
Date de la décision : 20/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-01-03 Droits civils et individuels. État des personnes. Changement de nom patronymique.


Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: M. François DORE
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : YVER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-05-20;20pa01195 ?
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