Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 12 mai 2019 par lequel la préfète de Seine-et-Marne lui a fait obligation quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, en fixant son pays de destination et en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.
Par un jugement n° 1904421 du 19 juin 2019, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 23 octobre 2019, M. A..., représenté par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1904421 du 19 juin 2019 du magistrat désigné du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté de la préfète de Seine-et-Marne du 12 mai 2019 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de Seine-et-Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer, dans l'attente, un récépissé l'autorisant à travailler, à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte, et de lui délivrer un récépissé l'autorisant à travailler pendant la durée de cet examen ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
M. A... soutient que :
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît le droit de M. A... à être entendu, garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne, et est ainsi entachée d'un vice de procédure ;
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de la situation de M. A... ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, la préfète s'étant estimée liée par le fait que M. A... ne justifie pas d'un document transfrontière et d'une entrée régulière en France ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
S'agissant de la décision de refus de délai de départ volontaire :
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de la situation de M. A... ;
- elle méconnaît les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le risque de fuite n'étant pas établi.
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale pas voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris en date du 9 septembre 2019, notifiée le 24 septembre 2019.
Les parties ont été informées, le 18 mars 2021, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'annulation par voie de conséquence de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, qui ne serait pas intervenue en l'absence de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M. A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;
- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A..., ressortissant russe né en 1992, est entré en France en 2013. Il y a rejoint ses deux parents, ainsi que son frère et sa soeur mineure. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 30 octobre 2015, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 31 août 2016. M. A... a présenté une demande de réexamen, rejetée par décisions de l'OFPRA du 19 octobre 2016 et de la CNDA du 1er juin 2017. Par un arrêté du 12 mai 2019, la préfète de Seine-et-Marne a obligé M. A... à quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire, en fixant le pays dont l'intéressé possède la nationalité ou tout autre pays dans lequel il est légalement admissible et où ne s'applique pas l'acquis de Schengen comme pays de destination et en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. M. A... fait appel du jugement en date du 19 juin 2019, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :
Sur la légalité externe :
2. En premier lieu, M. A... soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît son droit d'être entendu. Toutefois, il ressort des pièces du dossier l'intéressé a été entendu le 11 mai 2019 par les services de gendarmerie de Melun, avant que ne soit édicté à son encontre l'arrêté contesté, et que le requérant a pu, à cette occasion, faire état de tous les éléments relatifs à sa situation personnelle et familiale. Par suite, les moyens tirés du vice de procédure allégué et de la méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doivent être écartés comme manquant en fait.
3. En deuxième lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ".
4. L'arrêté contesté comporte les considérations de droit et de fait qui fondent l'obligation faite à M. A... de quitter le territoire français puisque sont visés l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 1° du I de l'article L. 511-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, l'arrêté indique que l'intéressé ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français et précise que la mesure envisagée n'est pas de nature à comporter pour sa situation personnelle ou familiale des conséquences d'une exceptionnelle gravité puisque M. A... se dit célibataire et sans charge de famille. Par suite, la décision portant obligation de quitter le territoire français est suffisamment motivé en droit comme en fait.
5. En troisième lieu, il résulte des mêmes termes de l'arrêté contesté, qui mentionne également les déclarations de M. A... et les éléments produits par celui-ci lors de son audition du 11 mai 2019 par les services de gendarmerie de Melun, que la préfète s'est livrée à un examen suffisant de la situation du requérant avant de prendre à son encontre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Sur la légalité interne :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur (...) ". Aux termes du I de l'article L. 511-1 du même code : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Aux termes de l'article R. 313-1 du même code : " L'étranger qui sollicite la délivrance d'une première carte de séjour doit présenter à l'appui de sa demande, outre les pièces mentionnées à l'article R. 311-2-2, les pièces suivantes : 1° Les documents, mentionnés à l'article R. 211-1, justifiant qu'il est entré régulièrement en France (...) ". Aux termes de l'article R. 313-2 du même code : " Ne sont pas soumis aux dispositions du 1° de l'article R. 313-1 les étrangers mentionnés à l'article L. 313-4-1, aux 2°, 2° bis, 6° à 11° de l'article L. 313-11, et aux articles L. 313-11-1, L. 313-14, L. 313-14-1, L. 313-15, L. 313-25, L. 313-26 et L. 316-1 ".
7. Il résulte des termes de l'arrêté contesté que la préfète de Seine-et-Marne a fondé l'obligation faite à M. A... de quitter le territoire français sur le 1° du I de l'article L. 511-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, c'est-à-dire sur la circonstance que l'intéressé, qui a déclaré être entré en France sans être en possession des documents exigés à l'article L. 211-1 du même code, ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français.
8. D'une part, M. A... soutient que la préfète ne pouvait lui opposer les dispositions de l'article R. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour l'obliger à quitter le territoire français dès lors qu'il résulte les dispositions de l'article R. 313-2 précitées que le préfet peut délivrer un titre de séjour à un étranger entré irrégulièrement sur le territoire français sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 ou sur le fondement de l'article L. 313-14 du même code. Toutefois, il est constant que le requérant n'est pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Dès lors, l'obligation de quitter le territoire français pouvait être fondée sur le 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, nonobstant la circonstance que l'intéressé ait déposé une demande de titre de séjour et que, selon le requérant, aucune décision implicite de rejet ne soit intervenue suite au silence gardé par l'administration dans la mesure où il lui a été indiqué d'attendre une décision explicite de la préfecture.
9. D'autre part, M. A... soutient que la préfète s'est estimée, à tort, liée par le fait que l'intéressé ne justifiait pas d'un document transfrontière et est entré illégalement sur le territoire français. Toutefois, il résulte de l'instruction que, pour fonder la mesure d'éloignement contestée, la préfète a également pris en considération la situation personnelle et familiale de M. A... en France. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
10. En deuxième lieu, si M. A... se prévaut de sa présence en France depuis 2013, il résulte de l'instruction que la première demande d'asile du requérant a été rejetée successivement par l'OFPRA puis par la CNDA respectivement le 30 octobre 2015 et le 31 août 2016, sa demande de réexamen ayant été rejetée par décisions de l'OFPRA du 19 octobre 2016 et de la CNDA du 1er juin 2017. Ainsi, il est constant que M. A... n'avait plus droit au séjour en France dès août 2016, nonobstant la circonstance qu'il ait déposé une demande de titre de séjour et que, selon le requérant, aucune décision implicite de rejet de cette demande ne soit intervenue suite au silence gardé par l'administration dans la mesure où il lui a été précisé d'attendre une décision explicite de la préfecture. Par ailleurs, si M. A... fait valoir que l'ensemble de sa famille réside en France et qu'il vit ainsi auprès de son père, Moussa A..., de sa mère, Khasra Baskhanova épouse A..., de son frère F... A... et de sa soeur C... A..., il résulte de l'instruction que la demande d'asile de son père a été rejetée par l'OFPRA puis par la CNDA respectivement les 31 mars et 11 septembre 2017 et que le même sort a été réservé à sa demande de réexamen les 19 décembre 2017 et 7 septembre 2018. Il en est de même pour les demandes d'asile de sa mère, rejetées par l'OFPRA les 29 novembre 2013, 31 juillet 2015 et 29 juillet 2016, et par la CNDA les 19 février 2015, 14 juin 2016 et 17 mars 2017, ainsi que pour celles de son frère F... rejetées en 6 septembre 2012, 31 juillet 2015 et 30 septembre 2016 par l'OFPRA et en 17 juillet 2013, 14 juin 2016 et 22 novembre 2017 par la CNDA. Il résulte également de l'instruction que M. F... A... s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français par arrêté préfectoral du 27 août 2013, puis s'est vu retirer son attestation de demande d'asile par arrêté du préfet de la Seine-et-Marne du 10 janvier 2017 et que ces arrêtés ont été validés par jugements du Tribunal administratif de Melun respectivement du 25 juin 2014 et du 9 mars 2017. Sa soeur, C..., est née le 10 décembre 2003 et était donc mineure à la date de l'arrêté contesté. Ainsi, il est constant qu'aucun des membres majeurs de la famille du requérant n'est en situation régulière sur le territoire français, nonobstant la circonstance que son frère a déposé une demande de titre de séjour et que son père a formé un recours non-suspensif contre le refus de titre de séjour qui lui a été opposé. En outre, il n'est pas contesté que le requérant n'a pas manifesté au cours de ses années de présence en France une volonté d'intégration, ne maitrisant toujours pas le français et ne justifiant pas d'une insertion professionnelle. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif au droit au respect de la vie privée et familiale : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
12. Il résulte de ce qui a été dit au point 10 qu'au vu de sa situation personnelle et familiale, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur les conclusions dirigées contre la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
13. En premier lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) ".
14. Il résulte des termes de l'arrêté contesté que celui-ci comporte les considérations de droit et de fait fondements de la décision de refus de délai de départ volontaire puisqu'il vise l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 3° du I de l'article L. 511-1 précité, mentionne que l'intéressé s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, et indique qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité et qu'il ne présente ainsi pas de garanties de représentation suffisantes. La préfète en déduit qu'il existe un risque que M. A... se soustraie à l'exécution de la présente mesure d'éloignement. Par suite, le refus de délai de départ volontaire est suffisamment motivé en droit comme en fait.
15. En deuxième lieu, il résulte des mêmes termes de l'arrêté contesté, relevés au point 14, que la préfète s'est livrée à un examen suffisant de la situation de M. A... avant de lui refuser un délai de départ volontaire.
16. En troisième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité ".
17. Il résulte des termes de l'arrêté contesté que, pour refuser d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire, la préfète s'est fondée, d'une part, sur la circonstance que l'intéressé s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement, d'autre part, sur le fait qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité. Toutefois, la préfète ne produit aucun élément de nature à établir l'existence d'une précédente mesure d'éloignement. Par ailleurs, M. A..., qui produit la copie d'un passeport russe à son nom valable jusqu'au 3 septembre 2022, fait valoir, pour la première fois en appel, et sans être contredit, qu'il a présenté à la préfète de Seine-et-Marne ce document de voyage en cours de validité antérieurement à l'arrêté litigieux. Dans ses conditions, M. A... est fondé à soutenir que la décision portant refus d'accorder un délai de départ volontaire est entachée d'une inexactitude matérielle des faits.
Sur les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination :
18. En premier lieu, il résulte de ce qui a été développé aux points 2 à 12 sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet.
19. En second lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de cet article 3 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Il appartient, d'une part, à l'autorité administrative chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français de s'assurer, sous le contrôle du juge, en application de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les mesures qu'elle prend n'exposent pas l'étranger à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à sa vie ou à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si elle est en droit de prendre en considération, à cet effet, les décisions qu'ont prises, le cas échéant, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile saisis par l'étranger de demandes de titre de réfugié politique, l'examen par ces dernières instances, au regard des conditions mises à la reconnaissance du statut de réfugié par la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967, des faits allégués par le demandeur d'un tel statut et des craintes qu'il énonce, d'une part et, d'autre part, l'appréciation portée sur eux en vue de l'application de ces conventions, ne lient pas l'autorité administrative et sont sans influence sur l'obligation qui est la sienne de vérifier, au vu du dossier dont elle dispose, que les mesures qu'elle prend ne méconnaissent pas les dispositions précitées. D'autre part, il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme, notamment de l'arrêt du 5 septembre 2013 I c/ Suède, n° 61204/09, que la situation générale d'insécurité en Tchétchénie ne suffit pas pour conclure que tout renvoi d'un ressortissant russe d'origine tchétchène en Russie constituerait une violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
20. Si M. A... fait valoir qu'il a fui la Russie en raison de son appartenance à la communauté tchétchène et produit un rapport d'avril 2019 intitulé " Les ressortissants Tchétchènes à l'épreuve du régime d'asile européen ", réalisé dans le cadre du partenariat entre la Clinique de l'École de Droit de Sciences Po Paris et l'association Habitat-Cité, faisant état d'une situation d'insécurité en Tchétchénie, ces considérations générales ne permettent pas, à elles-seules, de conclure que le renvoi de M. A... en Russie méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et, par suite, les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que l'intéressé n'apporte aucun début d'élément probant sur les risques qu'il encourt personnellement et directement en cas de retour en Russie, soit du fait des autorités de ce pays, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'État de destination ne seraient pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée. Par suite, les moyens tirés de la violation des articles L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
Sur les conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
21. Aux termes du premier alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti ". Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence des cas prévus au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans.
22. Il résulte des termes de l'arrêté contesté, qui indique faire application du premier alinéa du III de l'article L. 511-1 précité et ne fait état d'aucun autre motif justifiant que soit prononcée une interdiction de retour sur le territoire français, que la préfète a exclusivement fondé la décision d'interdiction de retour sur le territoire français sur la circonstance qu'une obligation de quitter le territoire français ait été prononcée sans qu'aucun délai de départ ne soit accordé. Dans ses conditions, l'illégalité de la décision portant refus d'accorder un délai de départ volontaire emporte nécessairement, par voie de conséquence, l'illégalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
23. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande, en tant seulement que celle-ci était dirigée contre les décisions refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et portant interdiction de retour sur le territoire français.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
24. L'annulation des décisions portant refus d'accorder au requérant un délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A... ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
25. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me E..., avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me E... de la somme de 1 500 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1904421 du 19 juin 2019 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun est annulé en tant seulement qu'il rejette les conclusions de la demande de M. A... dirigées contre l'arrêté du 12 mai 2019 portant refus de lui accorder un délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français.
Article 2 : L'arrêté de la préfète de Seine-et-Marne du 12 mai 2019 est annulé en tant qu'il porte refus d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français.
Article 3 : L'État versera à Me E..., avocate de M. A..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me E... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- M. Platillero, président-assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 27 mai 2021.
Le rapporteur,
B. B...Le président,
S.-L. FORMERY
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA03359