Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme (SA) Holding Incubatrice Internet et Mobile a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 27 février 2017 par laquelle le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris a refusé de lui accorder l'agrément prévu au II de l'article 209 du code général des impôts pour le transfert de déficits d'un montant de 568 628 euros se rattachant à l'activité de la société Holding Incubatrice Cloud Computing ainsi que la décision du 27 février 2017 par laquelle le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris a refusé de lui accorder le même agrément pour le transfert de déficits d'un montant de 805 249 euros se rattachant à l'activité de la société Holding Incubatrice Production Consommation et Gestion d'Energie.
Par un jugement n° 1710543/1-2 du 5 mars 2019, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 27 février 2017 par laquelle le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris a refusé de lui accorder l'agrément prévu au II de l'article 209 du code général des impôts pour le transfert de déficits d'un montant de 568 628 euros se rattachant à l'activité de la société Holding Incubatrice Cloud Computing et a enjoint au ministre de l'action et des comptes publics de procéder au réexamen de la demande de la société Holding Incubatrice Internet et Mobile dans un délai de quatre mois à compter de la notification de son jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 avril 2019 et le 11 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1710543/1-2 du 5 mars 2019 du Tribunal administratif de Paris;
2°) de rejeter la demande de la société Holding Incubatrice Internet et Mobile présentée devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- le Tribunal administratif a entaché son jugement d'insuffisance de motivation et de contradiction de motifs, faute d'indiquer les motifs de droit et de fait permettant de regarder les prestations d'animation visées dans son quatrième paragraphe comme constitutives " d'autres activités menées par la société holding " ;
- le législateur a, par les dispositions du d) du II de l'article 209 du code général des impôts, entendu durcir le dispositif prévu au II de cet article en excluant le transfert des déficits des holdings de gestion financière ou immobilière sans activité propre ;
- le fait qu'une société holding soit animatrice de son groupe est sans incidence pour l'application de ce texte ;
- une société holding animatrice exerce une activité de gestion d'un patrimoine mobilier et dès lors ne peut bénéficier de l'agrément litigieux que pour les déficits éventuels provenant d'une activité opérationnelle indépendante de son statut de holding ;
- les prestations de services effectuées par la société Holding Incubatrice Cloud Computing au profit de ses filiales, qui ne constituent pas des activités opérationnelles au sens des b) et c) du II de l'article 209 du code général des impôts, sont accessoires et indissociables de son activité de gestion de participations et ne sauraient caractériser une activité opérationnelle autonome, dès lors que la société n'a pas d'autre clientèle que celle afférente aux filiales du groupe ;
- la qualité de holding animatrice ne peut résulter que d'un faisceau d'indices précis et concordants.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 juillet 2019 et le 20 novembre 2019, la Société Holding Incubatrice Internet et Mobile, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 7 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que la société Holding Incubatrice Internet et Mobile a, par une opération de fusion absorption formalisée par un traité du 29 juin 2016, et placée sous le régime de l'article 210 A du code général des impôts, absorbé la société anonyme (SA) Holding Incubatrice Cloud Computing, avec effet rétroactif fiscal au 1er janvier 2016. Dans ce cadre, la société Holding Incubatrice Internet et Mobile a sollicité l'agrément fiscal prévu par le II de l'article 209 du code général des impôts en vue du transfert, à son profit, des déficits de la société Holding Incubatrice Cloud Computing restant à reporter au 31 décembre 2015, pour un montant de 568 628 euros. Par une décision du 27 février 2017, le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris a rejeté cette demande. La société Holding Incubatrice Internet et Mobile a saisi le Tribunal administratif de Paris d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre cette décision. Par un jugement du 5 mars 2019, le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision et a enjoint au ministre de l'action et des comptes public de procéder au réexamen de la demande de la société Holding Incubatrice Internet et Mobile dans un délai de quatre mois à compter de la notification de son jugement. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Les premiers juges ont suffisamment motivé, aux points 2 à 4 de leur jugement, l'annulation de la décision contestée sur le moyen pris de la méconnaissance des dispositions de l'article du d) du II de l'article 209 du code général des impôts en relevant notamment, après avoir indiqué que ces dispositions ne font pas obstacle à la délivrance de l'agrément lorsque le déficit provient d'autres activités que la gestion d'un patrimoine mobilier, que, " en retenant dans sa décision de refus de délivrance d'agrément que les prestations effectuées par la société absorbée étaient liées à la détention et à la gestion de titres de participations et que l'ensemble des déficits de la société absorbée provenait par conséquent de la gestion d'un patrimoine mobilier, au motif que ces prestations étaient réalisées au profit des filiales de cette société et sans en examiner la nature, l'administration fiscale a commis une erreur de droit ". Par suite, le moyen doit être écarté.
Sur la légalité de la décision contestée :
4. Aux termes du II l'article 209 du code général des impôts : " En cas de fusion ou opération assimilée placée sous le régime de l'article 210 A, les déficits antérieurs et la fraction d'intérêts mentionnée au sixième alinéa du 1 du II de l'article 212 non encore déduits par la société absorbée ou apporteuse sont transférés, sous réserve d'un agrément délivré dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies, à la ou aux sociétés bénéficiaires des apports, et imputables sur ses ou leurs bénéfices ultérieurs dans les conditions prévues respectivement au troisième alinéa du I et au sixième alinéa du 1 du II de l'article 212. / [...] L'agrément est délivré lorsque : / a). L'opération est justifiée du point de vue économique et obéit à des motivations principales autres que fiscales ; / b) L'activité à l'origine des déficits ou des intérêts dont le transfert est demandé n'a pas fait l'objet par la société absorbée ou apporteuse, pendant la période au titre de laquelle ces déficits et ces intérêts ont été constatés, de changement significatif, notamment en termes de clientèle, d'emploi, de moyens d'exploitation effectivement mis en oeuvre, de nature et de volume d'activité ; / c) L'activité à l'origine des déficits ou des intérêts dont le transfert est demandé est poursuivie par la ou les sociétés absorbantes ou bénéficiaires des apports pendant un délai minimal de trois ans, sans faire l'objet, pendant cette période, de changement significatif, notamment en termes de clientèle, d'emploi, de moyens d'exploitation effectivement mis en oeuvre, de nature et de volume d'activité ; / d) Les déficits et intérêts susceptibles d'être transférés ne proviennent ni de la gestion d'un patrimoine mobilier par des sociétés dont l'actif est principalement composé de participations financières dans d'autres sociétés ou groupements assimilés ni de la gestion d'un patrimoine immobilier ".
5. D'une part, il résulte du d) du II de l'article 209 du code général des impôts que, s'agissant des sociétés dont l'actif est principalement composé de participations financières, ce qui est le cas des sociétés holdings, le bénéfice du dispositif de transfert de déficit sur agrément prévu au II de cet article n'est exclu que pour les seuls déficits provenant de la gestion du patrimoine mobilier ou immobilier de telles sociétés. Par ailleurs, il résulte des travaux préparatoires de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 dont elles sont issues que l'intention du législateur était d'exclure les seules " holdings financières ", et non l'ensemble des holdings, dans le but de limiter les possibilités d'exploitation des déficits à des fins d'optimisation fiscale et notamment de lutte contre les " marchés de déficits ". Ces dispositions ne font dès lors pas obstacle par principe à ce qu'une société holding puisse bénéficier de l'agrément prévu par cet article en vue d'imputer sur ses bénéfices ultérieurs les déficits antérieurs non encore déduits de la société absorbée dès lors que les déficits concernés ne proviennent pas d'une activité de gestion d'un patrimoine mobilier ou immobilier au sens de ce texte.
6. D'autre part, une société holding qui a pour activité principale, outre la gestion d'un portefeuille de participations, la participation active à la conduite de la politique du groupe et au contrôle de ses filiales et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers, est animatrice de son groupe, et, doit par suite, être regardée comme exerçant une activité distincte de la gestion d'un patrimoine mobilier au sens des dispositions du d) du II de l'article 209 du code général des impôts et qui n'est pas accessoire à une telle gestion.
7. Dès lors, les déficits d'une société holding animatrice susceptibles de bénéficier de l'agrément prévu par les dispositions du II de l'article 209 du code général des impôts ne se limitent pas aux seuls déficits provenant d'une activité opérationnelle distincte de son activité de gestion de ses filiales et réalisée au seul profit de clients tiers. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, et en particulier du rapport du conseil d'administration de la société en date du 29 septembre 2016, que la société Holding Incubatrice Cloud Computing exerçait une activité de conduite de la politique du groupe et de détermination des orientations stratégiques de ses filiales. Elle devait donc être regardée comme une holding animatrice. Il s'ensuit que l'agrément prévu par ces dispositions ne pouvait être refusé à la société Holding Incubatrice Internet et Mobile au motif que, du seul fait de la nature de société holding de la société Holding Incubatrice Cloud Computing, les déficits générés par son activité devaient être regardés comme provenant d'une activité de gestion de son patrimoine mobilier.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est pas entaché de contradiction de motifs, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision par laquelle le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris a refusé de délivrer à la société Holding Incubatrice Internet et Mobile un agrément pour le transfert de déficits d'un montant de 568 628 euros se rattachant à l'activité de la société Holding Incubatrice Cloud Computing.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 500 euros au titre des frais exposés par la société Holding Incubatrice Internet et Mobile et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du ministre de l'action et des comptes publics est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à la société Holding Incubatrice Internet et Mobile une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société Holding Incubatrice Internet et Mobile.
Délibéré après l'audience du 25 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- M. B..., premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 juin 2021.
Le rapporteur,
K. B...
Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA01476 2