Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... F... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 11 juin 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2006426 du 2 décembre 2020, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. C... un titre de séjour dans un délai d'un mois.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 29 décembre 2020 et le 3 mars 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2006426 du 2 décembre 2020 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le Tribunal administratif de Montreuil.
Il soutient que :
- l'arrêté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les autres moyens de la demande de première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 avril 2021, M. C..., représenté par Me E..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par le préfet de la Seine-Saint-Denis ne sont pas fondés ;
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur de droit en ce que le préfet s'est estimé lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant interdiction de retour méconnaît les dispositions de l'article
L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris du 19 mars 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A..., première conseillère,
- et les observations de Me E..., en présence de M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant ghanéen, né 20 mars 1980, déclare être entré en France en 2010. Le 12 décembre 2019, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 11 juin 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel du jugement du 2 décembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., ressortissant ghanéen, a été titulaire d'un titre de séjour à raison de son état de santé pour une durée de six mois en 2012 et pour une durée d'un an du 13 décembre 2018 au 12 décembre 2019. L'intéressé entretient une relation de concubinage avec une ressortissante nigériane, titulaire d'un titre de séjour pluriannuel en cours de validité et exerçant une activité professionnelle. Il est le père d'un enfant né de cette relation, le 10 août 2016, et justifie participer à l'entretien et à l'éducation de son enfant, qui est scolarisé en France à l'école maternelle. La famille réside en outre avec le premier enfant de sa compagne, né en 2011, dont il n'est pas sérieusement contesté que M. C... s'occupe. Dans les circonstances particulières de l'espèce, l'arrêté contesté porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et méconnaît les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 11 juin 2020.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Le présent arrêt, qui rejette la requête du préfet de la Seine-Saint-Denis, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions présentées par M. C... tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
6. Il résulte des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et des articles 37 et 43 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ne peut demander au juge de mettre à la charge, à son profit, de la partie perdante que le paiement des seuls frais qu'il a personnellement exposés, à l'exclusion de la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle confiée à son avocat. Mais l'avocat de ce bénéficiaire peut demander au juge de mettre à la charge de la partie perdante la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit le recouvrement à son profit de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
7. D'une part, M. C..., qui a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. D'autre part, l'avocat de M. C... n'a pas demandé que lui soit versée par l'Etat la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle. Dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Saint-Denis est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. C... aux fins d'injonction et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 17 juin 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme B..., présidente de chambre,
- Mme Julliard, présidente assesseure,
- Mme A..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 juin 2021.
La rapporteure,
A-S A...La présidente,
M. B...La greffière,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA04274 5