Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société PHC Finance a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012, 2013 et 2014.
Par un jugement n° 1810928 du 10 juillet 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 8 septembre 2020 mars et un mémoire enregistré le 17 juin 2021, la société à responsabilité limitée unipersonnelle PHC Finance, représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1810928 du 10 juillet 2020 ;
2°) de lui accorder la décharge totale demandée soit 288 451 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société PHC Finance soutient que :
- l'appartement sis 29 rue Georges Mandel dans le 16ème arrondissement de Paris est partiellement occupé par M. B... à titre professionnel pour les deux tiers de la surface ; elle y a son siège depuis le deuxième trimestre 2010 ;
- le principe d'intangibilité du bilan d'ouverture fait obstacle à la réintégration des amortissements pratiqués sur le fondement du 3ème paragraphe et du dernier alinéa de l'article 38-4 bis du code général des impôts ;
- elle employait M. D... comme chauffeur et agent d'entretien sans que le niveau de chiffre d'affaires n'ait d'incidence, puisqu'il s'agissait d'un démarrage d'activité ;
- le bateau loué avait une classification commerciale au registre d'immatriculation britannique sous le pavillon " Leonora of Saint Tropez " ; Sa gestion était confiée à l'agence centrale MSC Yachting ; Ce bateau répond aux critères fixés par la doctrine pour définir un navire de commerce ; Il ne s'agissait donc pas d'un navire de plaisance ou d'agrément comme le soutient à tort le service ;
- les avances apportées à la société propriétaire du bateau PHC Yachting était consenties dans l'intérêt propre de PHC Finance elle-même afin de pouvoir utiliser le bateau à des fins professionnelles ;
- il ne s'agit pas d'un acte anormal de gestion dans la mesure où la société a besoin de disposer de lieux prestigieux pour développer son activité commerciale ;
- la vente du bateau s'est traduite par une moins-value ; la dette a été portée en profit exceptionnel dans le bilan de la société britannique et en parallèle, PHC Finance a constaté l'abandon de créance dans ses comptes au 31 décembre 2011 ;
- la société PHC Finance s'est engagée à prendre en charge le coût du litige professionnel de M B... avec la société AEC Partners dans la mesure où le litige concernait des refacturations de PHC Finance jugées excessives par AEC Partners ;
- l'aide apportée par PHC Finance à sa filiale PHC Yachting relevait d'une gestion normale de même que l'abandon de créance consentie ;
- il n'y a aucun passif injustifié comme le démontre les apparts en trésorerie effectués par M. B... en 2014 et les inscriptions, après déduction de prélèvements divers, du solde au crédit du compte courant ;
- les pénalités ne sont pas justifiées non plus que les distributions à M. B....
Par un mémoire en défense enregistré le 20 octobre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient que :
- il résulte de la procédure de vérification que les locaux sont utilisés à un tiers à titre professionnel et deux tiers à titre personnel ;
- aucune justification du travail du salarié n'est produite par la société ; cette personne exerçait en fait une activité de majordome pour les besoins personnels de M. B... ; le service a malgré tout accepté de prendre en compte un tiers des charges déduites du résultat au titre de ce salarié ;
- les déficits nés de l'exercice 2011 ayant été déduits de l'exercice 2014, les principes de l'article 38-4 n'étaient pas applicables en l'espèce ;
- la société ne démontre pas que le yacht avait une activité exclusivement commerciale ni qu'un équipage commercial à bord aurait existé ;
- les avances consenties sont supérieures au chiffre d'affaires de la société et à la valeur des actifs de la société britannique ;
- aucun lien n'est établi entre l'activité commerciale de PHC Yachting et celle de la requérante ni même qu'il y ait eu un rapport entre les deux activités ;
- la cession des parts de cette société intervenue en 2010, la requérante ne pouvait déduire en 2011 les charges relatives à la valeur vénale des titres détenus par M. B... de son résultat ;
- le requérant reconnaissant avoir engagé des dépenses étrangères à l'objet social de la société AEC Partners, la société PHC Finance n'avait pas d'intérêt à régler ces dépenses, autre que celui de M. B... lui-même ;
- la société n'apporte aucun élément de nature à justifier le montant du passif inscrit à la clôture de son exercice 2012 ;
- les pénalités et distributions sont justifiées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée unipersonnelle (EURL) PHC finance relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des rehaussements d'impôts commerciaux auxquels elle a été assujettie, en droits et pénalités, au titre de ses exercices 2011 à 2014.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les déficits reportés d'un exercice prescrit :
2. Aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. (...) En cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur les exercices suivants jusqu'au cinquième exercice qui suit l'exercice déficitaire. La limitation du délai de report prévue à l'alinéa précédent n'est pas applicable à la fraction du déficit qui correspond aux amortissements régulièrement comptabilisés mais réputés différés en période déficitaire (...) ".
3. Les sociétés étant autorisées sur le fondement des dispositions précitées de l'article 209 du code général des impôts à retrancher des bénéfices imposables d'un exercice non prescrit les déficits d'exercices précédents mêmes prescrits, l'administration est en droit de vérifier l'existence et le montant de ces déficits, et donc de remettre en cause les résultats prétendument déficitaires d'exercices prescrits, les rectifications apportées à ces résultats ne pouvant pas toutefois avoir d'autre effet que de réduire ou supprimer les reports déficitaires opérés sur des exercices non prescrits. Ainsi, l'administration était fondée à remettre en cause la réduction du résultat de l'exercice 2014 à raison de déficits nés en 2011, et pour la justification desquelles la société ne verse aucun élément, sans que le principe d'intangibilité de bilan d'ouverture n'y fasse obstacle.
En ce qui concerne la déductibilité des charges liées à l'appartement situé dans le 16ème arrondissement de Paris, avenue Georges Mandel :
4. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel (...) 5. Sont également déductibles les dépenses suivantes : / a. Les rémunérations directes et indirectes, y compris les remboursements de frais versés aux personnes les mieux rémunérées ; (...) / d. Les dépenses et charges de toute nature afférentes aux immeubles qui ne sont pas affectés à l'exploitation ; (...) / f. Les frais de réception, y compris les frais de restaurant et de spectacles. (...) Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise ".
5. Il résulte de l'instruction que la société PHC Finance est propriétaire d'un appartement sis 29, avenue George Mandel dans le 16ème arrondissement de Paris, d'une consistance d'environ 300 mètres carrés, qui était également le domicile de son gérant. Elle a déduit des exercices litigieux des sommes correspondant principalement aux amortissements de la valeur du bien, ainsi que les charges liées à son utilisation en estimant qu'elle était à hauteur d'un tiers de nature professionnelle. Il lui appartient, sur le fondement des dispositions précitées, de justifier tant du principe que du montant de leur déductibilité en apportant tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'elle en a retirée.
6. La société, pour établir l'usage professionnel, soutient que de nombreux dîners et soirées auraient été organisés dans ses locaux pour son compte. Elle s'abstient cependant de verser aux débats le moindre élément susceptible d'étayer cette allégation alors qu'il est constant que l'appartement ne dispose d'aucun aménagement pour un usage de bureaux. Elle ne saurait dès lors se plaindre de ce que l'administration, par souci de réalisme économique, a accepté d'en retenir la moitié.
En ce qui concerne la déductibilité des charges liées à un salarié :
7. De même, pour justifier de la contrepartie qu'elle aurait retirée à l'emploi de son unique salarié chargé notamment d'organiser des dîners de travail, la société PHC procède par allégations sans verser aux débats le moindre élément de nature à les étayer. L'administration était donc fondée à rejeter l'ensemble des charges liées à l'emploi de ce salarié aux cours des exercices en cause comme à son licenciement au cours de l'exercice 2013.
En ce qui concerne un passif injustifié :
8. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) ". En application de ces dispositions, il appartient au contribuable de justifier l'inscription d'une dette au passif de son bilan.
9. Si la société PHC Finance soutient que la somme de 17 799,27 euros inscrite au crédit du compte courant de son gérant serait justifiée par des apports de trésorerie effectués par ce dernier pour 23 282,89 euros en 2014, sur lesquels auraient été déduits des prélèvements divers pour 5 483,62 euros, elle n'apporte aucun justificatif probant à l'appui de cette allégation et ainsi ne justifie pas l'inscription de cette dette au passif de son bilan.
En ce qui concerne l'abandon de créance au bénéfice de la société PHC Yachting :
10. Les abandons de créances et avances sans intérêts accordés par une société commerciale au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages l'entreprise a agi dans son propre intérêt, qu'il soit commercial ou financier. En particulier, une société peut, sans commettre d'acte anormal de gestion, prévenir les conséquences des graves difficultés financières d'une filiale, en lui consentant une aide, alors même qu'elle n'entretient avec elle aucune relation commerciale, si, toutefois, cette aide n'a pas pour effet d'augmenter la valeur de la participation détenue par la société mère dans le capital de la filiale. S'il appartient à l'administration, dans l'hypothèse d'une rectification contradictoire, d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour qualifier un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve, dès lors que l'entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties.
11. L'administration fiscale a remis en cause la déductibilité de l'abandon de créances consenti au titre des exercices en litige à la société fille PHC Yachting qui exerce une activité de location commerciale de yacht, au motif que cet abandon de créances constituait un acte anormal de gestion. La requérante soutient que cet abandon de créance revêtait un caractère commercial et que la perte correspondante était justifiée et en conséquence, intégralement déductible de ses résultats imposables. Elle fait valoir que l'investissement dans une activité de location de yacht étant nécessaire à son activité, et que le yacht possédé par la société PHC Yachting étant à la fois exploité commercialement avec des tiers et utilisé aux fins de sa propre activité de conseil en stratégie opérationnelle. Il ne résulte cependant pas de l'instruction que la requérante aurait eu un intérêt commercial propre à financer les activités de cette filiale ni qu'elle aurait bénéficié d'une quelconque contrepartie à cet abandon.
12. En tout état de cause et de surcroît, aux termes du 4 de l'article 39 du code général des impôts : " (...) sont exclues des charges déductibles pour l'établissement de l'impôt (...) les charges, à l'exception de celles ayant un caractère social, résultant de l'achat, de la location ou de toute autre opération faite en vue d'obtenir la disposition de résidences de plaisance ou d'agrément, ainsi que de l'entretien de ces résidences ; (...) Sauf justifications, les dispositions du premier alinéa sont applicables : (...) c. aux dépenses de toute nature résultant de l'achat, de la location ou de toute autre opération faite en vue d'obtenir la disposition de yachts ou de bateaux de plaisance à voile ou à moteur ainsi que de leur entretien (...) ". Ces dispositions concernent les charges qu'expose une entreprise, fût-ce dans le cadre d'une gestion commerciale normale, du fait qu'elle dispose, même pour une courte durée, d'un bateau de plaisance auquel elle conserve ce caractère et dont elle ne justifie pas qu'il serait indispensable à la satisfaction d'un besoin spécifique lié à son activité. Ainsi, par surcroît, dès lors qu'il est constant que l'activité de bateau de commerce n'est pas essentielle à l'activité de conseil de la société PHC Finance, l'administration était fondée à rejeter l'ensemble des dépenses y afférentes y compris à travers le financement d'une société commerciale, quand bien même ces charges n'auraient pas été constitutives d'une gestion anormale.
En ce qui concerne les charges nées d'un litige entre son gérant et une société AEC Partners :
13. Consécutivement à un litige entre M. B... et la société de conseil AEC Partners dont il était l'un des associés, il s'est engagé par une convention de conciliation du 4 novembre 2010, notamment à lui verser une somme de 450 000 euros, qui correspondait à des dépenses considérées comme injustifiées par cette dernière à hauteur de 575 292 euros et à céder les parts sociales qu'il détenait au prix d'un euro. De son côté, la société requérante a pris en charge le paiement d'une somme de 538 199 euros au bénéfice de M. B... pour le désintéresser de la perte de 218 400 euros qu'il avait subi à l'occasion de la cession desdites parts et de 319 799 euros pour financer une part de l'indemnité que ce dernier s'était engagé à verser à la société AEC Partners. La société allègue que les dépenses injustifiées avaient été exposées en réalité au titre de missions dont elle était la réelle bénéficière sans cependant apporter la moindre justification à cette allégation, alors qu'elle ne soutient pas qu'un litige l'aurait opposée à cette dernière à ce sujet. C'est donc à bon droit que l'administration a considéré qu'un tel paiement avait la nature d'un acte anormal de gestion pour en refuser la déduction du résultat fiscal.
En ce qui concerne les revenus ayant été considérés comme distribués :
14. La société requérante n'a pas d'intérêt à contester les sommes qui auraient été considérées comme des revenus distribués et imposées dans le chef de son gérant. Les moyens qui s'y rapportent doivent être écartés comme dépourvus d'incidence sur les impositions litigieuses en l'espèce.
Sur les pénalités :
15. Aux termes des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
16. En relevant notamment l'importance des rehaussements au regard du chiffre d'affaires de la société ainsi que la multiplicité et la récurrence des manquements constatés, le service fiscal établit dans les circonstances de l'espèce leur caractère délibéré.
17. Il résulte de tout ce qui précède que la société PHC Finance n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'État n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, doit ainsi être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société PHC Finance est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée unipersonnelle PHC Finance et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au directeur général des finances publiques - directeur du contrôle fiscal Île-de-France (division juridique).
Délibéré après l'audience du 24 juin 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- M. Platillero, président-assesseur,
- M. C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2021.
Le rapporteur,
B. C...Le président,
S.-L. FORMERY
La greffière,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA02611