Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2020 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2015892/2-1 du 30 décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 29 janvier 2021, régularisée le 12 mars 2021, et un mémoire en réplique enregistré le 25 août 2021, Mme B..., représentée par Me Shebabo, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2015892/2-1 du 30 décembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2020 du préfet de police portant refus de renouvellement de son titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé, traduisant un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure, dès lors que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'indique pas la durée prévisible du traitement nécessité par son état de santé ;
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 août 2021, le préfet de police, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Renaudin,
- et les observations de Me Shebabo, avocat de Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante sénégalaise née en mars 1964, est entrée sur le territoire français en 2015 selon ses déclarations. Elle a bénéficié, sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'un titre de séjour valable du 2 avril 2018 au 1er janvier 2019, renouvelé jusqu'au 13 février 2020. Elle a ensuite présenté une demande de renouvellement de titre de séjour pour laquelle elle a été placée sous récépissé. Par un arrêté du 1er septembre 2020, le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 30 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... souffre d'un diabète de type 1 avec des complications oculaires et neuropathiques. Si par un avis émis le 10 juillet 2020, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de Mme B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, toutefois, Mme B... verse au dossier un certificat médical établi le 8 septembre 2020 par un praticien du service de diabétologie de l'hôpital Cochin qui indique que la patiente a une maladie chronique nécessitant des soins quotidiens et qu'il " n'est pas certain que ces soins puissent être donnés dans son pays d'origine ", compte tenu, notamment, du coût des médicaments et matériels nécessaires, ainsi qu'un autre du 28 janvier 2021 établi par un ophtalmologue du même hôpital, qui s'il est postérieur à l'arrêté contesté, indique qu'il " n'est pas exclu qu'elle puisse avoir besoin sous peu d'une chirurgie vitréo-rétinienne de son diabète qui ne se pratique pas au Sénégal ". Mme B... verse également au dossier un compte rendu d'une opération qu'elle a dû subir le 30 juin 2021 consistant en une virectomie 3 voies pour un trou maculaire de l'œil gauche. Ainsi, l'état de santé de Mme B... s'aggravant, en ce qui concerne en particulier ses complications oculaires, et alors que le préfet de police lui a délivré antérieurement des titres de séjour en raison de cet état de santé, et les praticiens hospitaliers s'accordant sur l'indisponibilité des techniques opératoires et soins qu'ils pratiquent, au Sénégal, sans que le préfet de police n'apporte en réplique d'éléments susceptibles de contredire ces pièces, la requérante est dès lors fondée à soutenir que le préfet de police, en lui rejetant sa demande de renouvellement de son titre de séjour, a méconnu les dispositions alors en vigueur du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Les décisions contenues dans le même arrêté du 1er septembre 2020 obligeant Mme B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation de la décision refusant de renouveler son titre de séjour.
5. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er septembre 2020 du préfet de police.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
6. Eu égard au motif d'annulation retenu, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, la délivrance à Mme B... d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de police de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a, en revanche pas lieu, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Mme B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2015892/2-1 du 30 décembre 2020 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de police du 1er septembre 2020 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : LÉtat versera la somme de 1 500 euros à Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 21 octobre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,
- Mme Renaudin, première conseillère,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 novembre 2021.
La rapporteure,
M. RENAUDINLe président,
S. DIÉMERT
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA00518 2