Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Innova Tax Free France a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015.
Par un jugement n° 1808005/2-2 du 2 décembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a déchargé la société Innova Tax Free France des pénalités appliquées aux rappels de 123 376 euros relatifs à la taxe sur la valeur ajoutée collectée et rejeté le surplus de cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 3 février et 22 juillet 2020, la société Innova Tax Free France, représentée par Me Kevin Flochlay et Me Ardavan Amir-Aslani, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 2 décembre 2019 en tant qu'il ne lui a pas intégralement donné satisfaction ;
2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que
- le principe de la double-vente confère à la société la qualité d'exportateur ;
- elle est subrogée dans les droits du vendeur d'origine ;
- le formalisme n'est pas nécessaire à l'opération de subrogation ;
- l'ensemble des bordereaux produits attestent de la subrogation ;
- la rémunération de la société est une composante du prix de vente exonéré de taxe sur la valeur ajoutée payé par l'acquéreur non-résident et ne saurait être considérée comme une simple " commission de gestion " ;
- le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur ce point ;
- d'autres intervenants dans la même situation ont obtenu un rescrit fiscal en ce sens ; lui appliquer un traitement différent serait contraire aux article 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- il s'agit en tout état de cause d'une prestation liée à l'exportation au sens de l'article 263 du code général des impôts ; d'ailleurs le nouvel article 262-0 bis du code général des impôts semble assimiler un opérateur de détaxe aux personnes qui interviennent dans une opération de livraison de biens ;
- sa requête est recevable.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 mai 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable en l'absence de moyens d'appel ;
- les moyens soulevés par la société Innova Tax Free France ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 8 juillet 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 23 juillet 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société Innova Tax Free France est une société par actions simplifiée à associé unique, spécialisée dans le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux voyageurs touristes résidant hors du territoire de l'Union européenne au titre de leurs achats réalisés en France. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015. A l'issue de ce contrôle, selon la procédure contradictoire, l'administration lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée assortis de la majoration de 40 % pour manquement délibéré. La société Innova Tax Free France relève appel du jugement en date du 2 décembre 2019 en tant que le Tribunal administratif de Paris, qui a prononcé la décharge de ces pénalités, a rejeté sa demande en décharge desdits rappels de taxe et conteste les rappels afférents à la taxe sur la valeur ajoutée collectée, correspondant aux commissions perçues par elle et considérées par l'administration comme non exonérées de taxe.
2. D'une part, aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) ". Aux termes de l'article 259 dudit code : " Le lieu des prestations de services est situé en France : 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : a) Le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis ; b) Ou un établissement stable auquel les services sont fournis ; c) Ou, à défaut du a ou du b, son domicile ou sa résidence habituelle ; (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 262 du même code : " I. Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : 1° les livraisons de biens expédiés ou transportés par le vendeur ou pour son compte, en dehors de la Communauté européenne ainsi que les prestations de services directement liées à l'exportation ; 2° les livraisons de biens expédiés ou transportés par l'acheteur qui n'est pas établi en France, ou pour son compte, hors de la Communauté européenne, à l'exclusion des biens d'équipement et d'avitaillement des bateaux de plaisance, des avions de tourisme ou de tous autres moyens de transport à usage privé, ainsi que les prestations de services directement liées à l'exportation. Lorsque la livraison porte sur des biens à emporter dans les bagages personnels de voyageurs, l'exonération s'applique si les conditions suivantes sont réunies : a. le voyageur n'a pas son domicile ou sa résidence habituelle en France ou dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ; b. la livraison ne porte pas sur les tabacs manufacturés, les marchandises qui correspondent par leur nature ou leur qualité à un approvisionnement commercial ainsi que celles qui sont frappées d'une prohibition de sortie ; c. les biens sont transportés en dehors de la Communauté européenne avant la fin du troisième mois suivant celui au cours duquel la livraison est effectuée ; d. la valeur globale de la livraison, taxe sur la valeur ajoutée comprise, excède un montant qui est fixé par arrêté du ministre chargé du budget. (...) ". Selon l'article 73 G de l'annexe III au code précité : " L'exonération prévue au I de l'article 262 et au 2° du III de l'article 291 du code général des impôts s'applique aux prestations de service ci-après : 1° Transports de marchandises à destination ou en provenance d'un Etat ou d'un territoire n'appartenant pas à la Communauté européenne, d'un territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne mentionné au 1° de l'article 256-0 du code précité ou d'un département d'outre-mer, ou en provenance et à destination d'un tel Etat, territoire ou département ; commissions afférentes à ces transports ; 2° Chargement et déchargement des véhicules de transport et manutentions accessoires des marchandises désignées au 1° ; 3° Locations de véhicules et de matériels utilisés pour les opérations mentionnées au 1° et au 2° ; locations de contenants et de matériels pour la protection des marchandises ; 4° Gardiennage et magasinage des marchandises et, en cas d'application d'un des régimes douaniers communautaires mentionnés au b du 2 du I de l'article 291 du code précité, dans la limite de la durée d'application de ce régime ; 5° Emballage des marchandises destinées à l'exportation ; 6° Opérations effectuées par des commissionnaires agréés en douane et inhérentes à l'exportation ou aux régimes douaniers communautaires mentionnés au b du 2 du I de l'article 291 du code précité, à l'exception, dans ce dernier cas, de celles qui sont concomitantes ou postérieures à la mise à la consommation ; (...) 8° Prestations qui consistent à convoyer un moyen de transport entre deux points, sans transporter à titre onéreux des passagers ou des marchandises ". Aux termes de l'article 263 de ce code : "Les prestations de services effectuées par les intermédiaires qui agissent au nom et pour le compte d'autrui, lorsqu'ils interviennent dans des opérations exonérées par l'article 262 ainsi que dans les opérations réalisées hors du territoire des Etats membres de la Communauté européenne sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée ".
4. Il résulte de l'instruction que, dans le cadre de contrats de gestion de la détaxe touristique conclus avec des boutiques de vente de biens, la société Innova Tax Free France assure une prestation de service permettant aux touristes non-résidents de l'Union européenne de bénéficier de l'exonération de taxe prévue au 2° du I de l'article 262 du code général des impôts pour leurs achats réalisés en France. La prestation réalisée par la requérante consiste à gérer la procédure dite du bordereau de vente, lequel est présenté par l'acheteur au bureau de la douane à la sortie du territoire de l'Union européenne. Cette procédure permet aux clients d'obtenir de la société le remboursement d'une partie de la taxe réglée lors de l'achat toutes taxes comprises (TTC) des produits en boutique. Les modalités de rémunération de la prestation ainsi réalisée par la société varient selon les contrats conclus entre les boutiques, le taux de remboursement appliqué à l'acheteur variant entre 12 % et 13 % du prix payé TTC par ce dernier. La différence constitue la rémunération de la société Innova Tax Free France. En outre, certains contrats prévoient également que la société rétrocède au cocontractant un pourcentage du prix TTC encaissé après validation des bordereaux de détaxe par le service des douanes.
5. La société soutient que la commission qu'elle perçoit, issue du remboursement partiel de la taxe aux acheteurs, est exonérée de taxe sur la valeur ajoutée au motif que, par l'effet de la subrogation, elle a la qualité de vendeur-exportateur et réalise ainsi une vente à l'exportation exonérée de taxe au sens de l'article 262 du code général des impôts. Il résulte toutefois de l'instruction que la prestation réalisée par la société requérante est une prestation de services, indépendante de la vente des biens, et qui n'est pas indispensable à cette opération de vente. Il n'est d'ailleurs pas contesté que la subrogation invoquée ne libère pas le vendeur initial de ses obligations contractuelles en termes de qualité du produit et de service après-vente. La rémunération perçue par la société Innova Tax Free France est par suite la contrepartie d'un service de " gestion de la procédure de détaxe " rendu au client étranger et non d'une livraison de biens au sens des dispositions précitées de l'article 262 du code général des impôts. Par ailleurs, la société requérante, en se bornant à se prévaloir d'un simple modèle de contrat non signé qui régit les relations entre le vendeur des produits et la société chargée de la détaxe, et en l'absence tant des contrats effectivement signés avec les vendeurs assortis des précisions chiffrées permettant de déterminer les commissions réalisées dans le cadre des transactions effectuées avec chacun d'eux, que de tout document permettant de constater que la société chargée de la détaxe s'est effectivement subrogée au vendeur auprès de l'acquéreur étranger dans l'opération de vente, n'apporte pas à l'appui de son moyen les éléments permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé et la portée. Par suite, la société Innova Tax Free France, qui ne peut dans ces conditions utilement soutenir qu'elle ne saurait être soumise à des obligations formalistes, ne peut se prévaloir des dispositions précitées de l'article 262 du code général des impôts, ni de celles de l'article 73 G de l'annexe III à ce code. Ainsi, les commissions perçues par la société Innova Tax Free France ne pouvaient bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée. Aucun document ne permettant non plus de constater que la société requérante intervenait comme le mandataire d'une des parties dans une opération d'exportation, elle ne saurait se prévaloir des dispositions de l'article 263 du code général des impôts. En se bornant à produire une attestation d'un expert-comptable faisant état de la prise de position du service à une date non précisée et à l'égard d'un tiers non identifié, la société requérante n'invoque aucune interprétation formelle du texte fiscal ou de sa situation de fait au regard d'un texte fiscal dont elle pourrait se prévaloir sur le fondement des articles L 80 A ou L. 80 B du livre des procédures fiscales. Elle ne saurait par suite et en tout état de cause faire valoir qu'elle a fait l'objet d'un traitement discriminatoire contraire aux articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que la société Innova Tax Free France, qui ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article 262 0 bis du code général des impôts issu de la loi n°2016-1918 du
29 décembre 2016, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, les premiers juges s'étant prononcés sur la nature de la rémunération perçue par la requérante, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Innova Tax Free France est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Innova Tax Free France et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Platillero, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2021.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA00398