Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 19 novembre 2020 portant rejet de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile, obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination et, à titre subsidiaire, d'annuler la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 19 novembre 2020 portant fixation du pays de destination.
Par un jugement n° 2013977 du 26 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé l'arrêté du 19 novembre 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis, a enjoint à ce dernier de procéder au réexamen de la situation de M. B... et de l'admettre provisoirement au séjour, en l'attente de l'instruction de son dossier par la Cour nationale du droit d'asile et a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros sur le fondement des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 24 février 2021 sous le n° 21PA00972, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2013977 du 26 janvier 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil.
Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a estimé que l'arrêté contesté méconnaissait les dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif que la décision de rejet de la demande d'asile de l'intéressé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides n'aurait pas été notifiée à M. B... alors que tel a été le cas ;
- les autres moyens soulevés par M. B... devant le premier juge ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2021, M. B..., représenté par Me Rapoport, sollicite le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, conclut au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi
du 19 novembre 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation administrative et de l'admettre au séjour durant l'instruction de son dossier devant la cour nationale du droit d'asile, à ce que la somme de 1 800 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du
31 mai 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.
II. Par une requête, enregistrée le 24 février 2021 sous le n° 21PA00973, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article
R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 2013977
du 26 janvier 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil.
Il soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont remplies.
La requête a été communiquée à M. B... qui n'a pas été produit de mémoire.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du
31 mai 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer les conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les observations de Me Rapoport, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant malien né le 12 mai 1995, a sollicité le 16 avril 2019 son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande d'asile a fait l'objet d'une décision de rejet de la part de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 1er juillet 2020. Par un arrêté du 19 novembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel du jugement du 26 janvier 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté et demande, en outre, à la cour d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
2. Les requêtes susvisées n° 21PA00972 et n° 21PA00973, présentées par le préfet de la Seine-Saint-Denis tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement du 26 janvier 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle :
3. Par une décision du 31 mai 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. En conséquence, il n'y a pas lieu de se prononcer sur les conclusions tendant à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Sur le moyen d'annulation retenu par le premier juge :
4. Pour annuler l'arrêté du 19 novembre 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis, le premier juge a estimé qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que la décision de l'OFPRA était devenue définitive et que l'intéressé avait, par suite, perdu son droit au maintien sur le territoire, en conséquence de quoi le requérant était fondé à soutenir que l'arrêté attaqué était entaché d'un défaut d'examen et d'une méconnaissance des dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".
6. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 743-1 alors en vigueur du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. (...) (...) ". Aux termes de l'article R. 723-19 dudit code : " I.- La décision du directeur général de l'office est notifiée à l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. (...) / III.- La date de notification de la décision de l'office (...) qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire. / IV.- La preuve de la notification de la décision du directeur général de l'office peut être apportée par tout moyen. ".
7. Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'OFPRA ou, si un recours a été formé devant elle, par la cour nationale du droit d'asile (CNDA). En l'absence d'une telle notification régulière, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour. En cas de contestation sur ce point, il appartient à l'autorité administrative de justifier que la décision de l'OFPRA ou de la CNDA a été régulièrement notifiée à l'intéressé, le cas échéant en sollicitant la communication de la copie de l'avis de réception auprès de l'office ou de la cour.
8. Le préfet de la Seine-Saint-Denis produit en appel le relevé des informations de la base de données "TelemOfpra" relative à l'état des procédures de demandes d'asile et tenue par l'OFPRA, mentionnant que la décision du 1er juillet 2020 par laquelle l'office a rejeté la demande d'asile de M. B... a été notifiée à ce dernier le 27 juillet suivant, à la dernière adresse connue de l'intéressé, soit une résidence Coallia pour demandeurs d'asile. M. B... soutient toutefois qu'il n'en a pas eu connaissance avant le 10 novembre 2020, qu'il a formé à son encontre un recours devant la CNDA le 16 décembre suivant et qu'il bénéficiait ainsi toujours, à la date de la décision attaquée, du droit au séjour provisoire sur le territoire français.
9. Il ressort d'un courriel adressé par le conseil de M. B... à la Plateforme93 que, le 21 juillet 2020, l'intimé s'est vu proposer un nouveau logement à l'Huda Addsea de Besançon (Doubs), ce dont il a avisé l'OFII et qu'il n'était ainsi plus domicilié chez Coallia à Aubervilliers lorsque le pli contenant la décision de l'OFPRA - dont il ne résulte au demeurant pas des pièces du dossier qu'il a été distribué - a été présenté à cette adresse, le 27 suivant ; il résulte également du même courriel qu'à la date du 15 septembre 2020, M. B... - qui n'avait toujours pas de nouvelle domiciliation - était dans l'attente d'une nouvelle notification de la décision de l'OFPRA, laquelle lui est en définitive parvenue le 10 novembre 2020. M. B... a ensuite formé une demande d'aide juridictionnelle devant le bureau d'aide juridictionnelle près la CNDA
le 19 novembre 2020, a été admis au bénéfice de cette aide le 3 décembre 2020 et a consécutivement saisi la CNDA, sans que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'allègue ni n'établisse que cette cour aurait rejeté ce recours comme irrecevable comme tardif. Ainsi, eu égard à la précarité des conditions de domiciliation de M. B... qui établit des circonstances qui l'ont mis dans l'impossibilité de retirer le pli contenant la décision de l'OFPRA
le 24 juillet 2020, il ne saurait lui être fait grief, dans les circonstances très particulières de l'espèce, de ne pas avoir avisé en temps et heure le préfet de la Seine-Saint-Denis de son changement d'adresse. Il en résulte que la décision du 1er juillet 2020 par laquelle l'office a rejeté la demande d'asile de M. B... ne peut dès lors être regardée comme lui ayant été régulièrement notifiée avant le 10 novembre 2020 et que M. B..., qui a régulièrement saisi la CNDA d'un recours, est fondé à soutenir qu'il disposait ainsi encore du droit de se maintenir en France à la date de l'arrêté attaqué. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis ne pouvait légalement l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions précitées du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 19 novembre 2020 pour défaut de base légale. Il y a lieu, par suite, de rejeter sa requête d'appel, enregistrée sous le n° 21PA00972.
11. La cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à l'annulation du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil du 26 janvier 2021, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête
n° 21PA00973 tendant au sursis à exécution de ce jugement.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sollicitée au profit de Me Rapoport sous réserve que celui-ci renonce à la part contributive de l'Etat.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire de M. B....
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 21PA00973.
Article 3 : La requête n° 21PA00972 du préfet de la Seine-Saint-Denis est rejetée.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me Rapoport sous réserve que ce dernier renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de la Seine-Saint-Denis, au ministre de l'intérieur, à M. C... B... et à Me Rapoport.
Délibéré après l'audience publique du 16 novembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Ivan Luben, président,
Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère,
Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 décembre 2021.
La rapporteure,
M-D. A...Le président,
I. LUBEN
Le greffier,
E. MOULINLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
1
N° 08PA04258
2
Nos 21PA00972 et 21PA00973