Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... épouse D..., a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 13 juin 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pouvait être éloignée.
Par un jugement n° 1912093 du 17 juillet 2020 le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 27 mars 2021, Mme B... C..., représentée par Me Tavares de Pinho, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 17 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 juin 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire, dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle pouvait être éloignée ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un certificat de résidence mention " vie privée et familiale " à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 6 7° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, compte tenu de la gravité de la pathologie de sa fille et de l'inaccessibilité des soins en Algérie et les premiers juges ne se sont pas prononcés sur la méconnaissance de cet article ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 6 5° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire :
- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- le préfet s'est cru, à tort, en compétence liée pour prononcer une mesure d'éloignement ;
- elle ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, dès lors qu'elle pouvait bénéficier d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement de l'article 6 alinéa 5 de l'accord franco-algérien, combiné avec celui de l'article 6 alinéa 7 ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le délai de départ volontaire :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Mme B... C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 janvier 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Versailles.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313 22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Renaudin a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante algérienne, qui était alors l'épouse de M. D..., avant son divorce en septembre 2020, a sollicité en mars 2017 la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant malade, concernant sa fille A... née en octobre 2005. Elle relève appel du jugement du 17 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2019, par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligée à quitter dans le délai de trente jours le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pouvait être éloignée.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort du jugement attaqué que, comme le soutient Mme C..., alors qu'elle avait soulevé le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 7° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, lequel est visé par le jugement, les premiers juges ne se sont pas prononcés sur la méconnaissance de ces dispositions. Le jugement attaqué est par conséquent entaché d'irrégularité et doit pour ce motif, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens tirés de son irrégularité, être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Montreuil.
Sur la légalité de l'arrêté du 13 juin 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis :
4. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 6 l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". Aux termes des dispositions, alors en vigueur, de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 (...) sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. (...) ". Si ces dispositions, qui prévoient la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour au bénéfice des parents d'enfants dont l'état de santé répond aux conditions prévues par le 11° de l'article L. 313-11 du même code, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que le préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, délivre à ces ressortissants un certificat de résidence pour l'accompagnement d'un enfant malade. Si la procédure consultative médicale prévue par les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est, dès lors, pas applicable dans le cas du ressortissant algérien sollicitant le séjour en qualité de parent d'un enfant mineur dont l'état de santé justifierait le maintien sur le territoire français, il est toutefois loisible à l'administration, alors même qu'une consultation n'est pas requise par les textes applicables, d'y procéder, afin d'éclairer utilement sa décision et une irrégularité éventuellement commise dans le déroulement d'une procédure suivie à titre facultatif par l'administration n'est normalement de nature à vicier la légalité de la décision intervenue que dans la mesure où cette irrégularité a exercé, en fait, une influence sur cette décision.
5. Aux termes de l'article R. 313-22, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration./ L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code, alors en vigueur : " (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. (...) ".
6. Mme C..., dans un mémoire complémentaire enregistré le 29 novembre 2019 au greffe du tribunal administratif de Montreuil, a soulevé le moyen tiré du défaut de collégialité de l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 3 avril 2019. Toutefois, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas produit en première instance l'avis de ce collège, pas plus qu'en appel, malgré une mesure d'instruction faite en ce sens. Le caractère collégial de cet avis n'est donc pas établi par les pièces du dossier, et son défaut est susceptible d'avoir eu une influence sur la décision attaquée.
7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à demander l'annulation de l'arrêté attaqué du 13 juin 2019, par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter dans le délai de trente jours le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pouvait être éloignée.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
8. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ".
9. L'exécution du présent arrêt implique seulement, eu égard au motif d'annulation sur lequel il se fonde, que le préfet de la Seine-Saint-Denis réexamine la demande de titre de séjour de Mme C.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de délivrer à Mme C... dans cette attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser au conseil de Mme C..., Me Tavares de Pinho, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1912093 du 17 juillet 2020 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 13 juin 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de délivrer à Mme C... un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire, dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle pouvait être éloignée est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis, de réexaminer la demande de titre de séjour de Mme C..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours.
Article 4 : L'Etat versera au conseil de Mme C..., Me Tavares de Pinho, une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme C... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... épouse D..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 18 novembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, premier vice-président,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Renaudin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 décembre 2021.
La rapporteure,
M. RENAUDINLe président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA01613