Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2020 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.
Par un jugement n° 2013675 du 3 décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté préfectoral du 29 juillet 2020 et a enjoint au préfet de police de Paris de délivrer à M. A... une carte de résident, sur le fondement des dispositions de l'article L. 314-11 8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur.
Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif, enregistrés le 29 décembre 2020 et le 23 février 2021, le préfet de police de Paris demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2013675 du 3 décembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande de M. A....
Il soutient que :
- l'administration a statué sur la seule demande d'admission exceptionnelle au séjour de M. A... qui lui avait été présentée ; il ne peut lui être reproché de ne pas avoir statué sur la demande de carte de résident au titre de l'asile présentée ultérieurement peu avant la date de l'arrêté attaqué ;
- M. A... a perdu la qualité de réfugié du fait de sa naturalisation et s'est lui-même placé sous la protection des autorités mauritaniennes ;
- l'arrêté attaqué n'a pas méconnu le droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense et des pièces complémentaires, enregistrés les 21 mai et 3 septembre 2021, M. A..., représenté par Me Maugin, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens invoqués par le préfet de police de Paris ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de protection des réfugiés et apatrides ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Simon,
- et les observations de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet de police à Paris demande à la Cour l'annulation du jugement du 3 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté préfectoral du 29 juillet 2020 refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. A..., ressortissant mauritanien né en 1982, pour défaut d'examen de sa situation eu égard à la conservation de son statut de réfugié, et a enjoint à l'autorité administrative de délivrer une carte de résident à M. A..., en qualité de réfugié, sous réserve d'une absence de changement des circonstances de fait et de droit.
2. Aux termes de 1'article L. 314-11 du code de 1'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 8° A l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application du livre VII du présent code ainsi qu'à son conjoint et à ses enfants dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, lorsque le mariage est antérieur à la date de cette obtention ou, à défaut, lorsqu'il a été célébré depuis au moins un an, sous réserve d'une communauté de vie effective entre les époux ainsi qu'à ses ascendants directs au premier degré si l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié est un mineur non accompagné ; (...) ".
3. Aux termes du 2° du paragraphe A de l'article 1er de la convention de Genève, la qualité de réfugié est notamment reconnue à " toute personne (...) qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait (...) de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (...) ". Le paragraphe C de l'article 1 de la même convention dispose que : " Cette convention cessera, dans les cas ci-après d'être applicable à toute personne visée par les dispositions de la section A ci-dessus : (...) 3° Si elle a acquis une nouvelle nationalité et jouit de la protection du pays dont elle a acquis la nationalité ;(...) ou 5° Si les circonstances à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugiée ayant cessé d'exister, elle ne peut plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité (...). ". L'article L. 711-4 du code de 1'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides met fin, de sa propre initiative ou à la demande de l'autorité administrative, au statut de réfugié lorsque la personne concernée relève de l'une des clauses de cessation prévues à la section C de l'article 1° " de la convention de Genève, du 28 juillet 1951. Pour l'application des 5 et 6 de la même section C, le changement dans les circonstances ayant justifié la reconnaissance de la qualité de réfugié doit être suffisamment significatif et durable pour que les craintes du réfugié d'être persécuté ne puissent plus être considérées comme fondées. ". Les articles L. 724-et L. 724-2 du même code prévoient que 1'Office informe par écrit la personne concernée de l'engagement de cette procédure et de ses motifs et la met à même de présenter par écrit ses observations ou l'entend au cours d'un entretien. Enfin, en vertu de l'article 22 du code civil : " La personne qui a acquis la nationalité française jouit de tous les droits et est tenue à toutes les obligations attachées à la qualité de Français, à dater du jour de cette acquisition. ". Il résulte de ces stipulations et dispositions que l'acquisition d'une nouvelle nationalité par une personne ayant la qualité de réfugié constitue un motif légitime de cessation du statut dont elle bénéficie. Dans le cas où celui-ci est devenu français et jouit ainsi de tous les droits attachés à cette qualité, dont la protection de la France, cette naturalisation met fin par elle-même à son statut de réfugié, sans qu'il soit besoin pour l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) de prendre une décision ni de respecter cette procédure.
4. M. A..., ressortissant mauritanien, s'est vu reconnaître le statut de réfugié en décembre 2004 puis s'est vu délivrer une carte de résident sur le fondement de l'article L. 314-11, en qualité de réfugié, valable jusqu'en 2015. M. A... a, entretemps, obtenu la nationalité française par décret de 2010, rapporté en septembre 2017. Si l'octroi de sa nationalité française lui a fait perdre, de plein droit sa qualité de réfugié, le retrait rétroactif de sa naturalisation, prononcé en septembre 2017, ne lui a pas fait recouvrer de plein droit cette qualité. Dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a estimé que le préfet de police de Paris devait délivrer à M. A... une carte de résident et lui a fait injonction de la lui délivrer, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait.
5. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens de la demande de M. A....
6. Il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par M. A..., le préfet de police de Paris n'a pris en compte ni la qualité de réfugié qui était celle du demandeur de décembre 2004 à 2010, ni de celle de citoyen français de 2010 à 2017, circonstances qu'il ne pouvait ignorer, et ne s'est pas interrogé sur les éléments de son intégration à la société française lorsqu'il résidait de manière régulière sur le territoire. Dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour du 29 juillet 2020 est entachée de défaut d'examen et doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours, et fixation du pays de destination dont elle est assortie.
En ce qui concerne les mesures d'injonction :
7. L'exécution du présent arrêt implique seulement le réexamen, dans un délai de deux mois, de la situation d'ensemble et des demandes de séjour de M. A..., ainsi que la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour durant ce réexamen, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police de Paris est seulement fondé à demander la réformation du jugement du 3 décembre 2020, en tant que le tribunal lui a enjoint de délivrer une carte de résident en qualité de de réfugié à M. A.... Les conclusions de M. A..., relatives aux frais de l'instance ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Paris du 3 décembre 2020 est annulé.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de Paris de réexaminer la demande de M. A... dans un délai de deux mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant ce réexamen.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de M. A... relatives aux frais de l'instance sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et M. B... A....
Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.
Délibéré après l'audience du 19 novembre2021, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président de chambre,
- M. Soyez, président assesseur,
- M. Simon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 décembre 2021.
Le rapporteur,
C. SIMONLe président,
S. CARRERE
La greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA04277