Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.
Par un jugement n° 2101191/3-3 du 29 juin 2021, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 23 décembre 2020, enjoint au préfet de police de délivrer à M. A... un titre de séjour dans un délai de deux mois et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 août 2021, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2101191/3-3 du 29 juin 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande de M. A... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a accueilli le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- s'agissant des autres moyens, il s'en remet aux écritures de première instance.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 octobre 2021, M. A..., représenté par Me Julien Mallet, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation et méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour ;
- le préfet de police a également méconnu l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie d'exception, entachée d'erreur manifeste d'appréciation et de méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une ordonnance du 20 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Platillero a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant burkinabais, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 23 décembre 2020, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. Le préfet de police relève appel du jugement du 29 juin 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... justifie d'une résidence sur le territoire français par des pièces nombreuses et variées depuis l'année 2011, même s'il a fait l'objet de précédentes obligations de quitter le territoire français prononcées les 8 juin 2016 et 11 janvier 2018, puis a été transféré en Italie, pays dans lequel il n'a séjourné que quelques semaines. Il ressort également des pièces du dossier que M. A... vit en couple avec une ressortissante congolaise munie d'un titre de séjour délivré en raison de son état de santé valable jusqu'au 30 décembre 2021. Le couple, dont la vie commune est attestée par l'enregistrement d'une demande de logement locatif social du 17 octobre 2019, est parent d'un enfant né en France le 5 décembre 2019, le requérant justifiant de sa participation à l'entretien de cet enfant, et la compagne de M. A... étant enceinte de leur second enfant à la date de l'arrêté attaqué. M. A... justifie également de l'exercice d'une activité salarié à temps partiel entre les mois de mai 2013 et février 2015 et d'un emploi au sein de la société Euro Investissement comme technicien de surface depuis le 2 mai 2018 qu'il occupe, depuis le 2 novembre suivant, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein pour une rémunération mensuelle brute supérieure au salaire minimum interprofessionnel de croissance, et produit une demande d'autorisation de travail signée par son employeur en juillet 2019 pour le même emploi. Enfin, l'infraction invoquée par le préfet de police, tirée de la falsification de documents d'identité et de circulation, ne caractérise pas une menace pour l'ordre public. Ainsi, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France de M. A..., le préfet de police, en refusant de lui délivrer un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par ces décisions, en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 23 décembre 2020, lui a enjoint de délivrer à M. A... un titre de séjour dans un délai de deux mois et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les frais liés au litige :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 500 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 15 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 décembre 2021.
Le rapporteur,
F. PLATILLEROLe président,
I. BROTONSLe greffier,
I. BEDRLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA04480