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30/12/2021 | FRANCE | N°19PA01792

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 30 décembre 2021, 19PA01792


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Razel-Bec et la société Spie Sud-Est ont demandé au Tribunal administratif de Paris de :

1°) les décharger des pénalités à hauteur de 266 800 euros que la SNCF leur a appliquées dans le cadre de l'exécution du marché de travaux de mise en accessibilité des personnes à mobilité réduite à la gare de Cannes centre ;

2°) rejeter la demande reconventionnelle de SNCF Réseau au titre du solde négatif du décompte général de ce marché à hauteur de 244 607,03 euros ;
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Razel-Bec et la société Spie Sud-Est ont demandé au Tribunal administratif de Paris de :

1°) les décharger des pénalités à hauteur de 266 800 euros que la SNCF leur a appliquées dans le cadre de l'exécution du marché de travaux de mise en accessibilité des personnes à mobilité réduite à la gare de Cannes centre ;

2°) rejeter la demande reconventionnelle de SNCF Réseau au titre du solde négatif du décompte général de ce marché à hauteur de 244 607,03 euros ;

3°) condamner SNCF Réseau à lui régler la somme de 991 036,536 euros toutes taxes comprises, au titre du solde de ce marché, somme assortie des intérêts moratoires à compter du

4 mai 2016.

Par un jugement n° 1702022/4-2 du 29 mars 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande, condamné la société Razel-Bec et la société Spie Sud-Est à verser à SNCF Réseau la somme de la somme de 162 359,56 euros avec intérêts au taux légal à compter du

24 mars 2016 et la capitalisation des intérêts échus à la date du 24 mai 2017 puis à chaque échéance annuelle.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 mai 2019 et le 28 juillet 2021, la société Razel-Bec et la société Spie Citynetworks venant aux droits de la société Spie Sud-Est, représentées par Me Vignon, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1702022/4-2 du 29 mars 2019 en tant que le Tribunal administratif de Paris a rejeté d'une part, à l'article 2 de son dispositif, l'ensemble de leurs demandes indemnitaires et d'autre part, à l'article 3 de son dispositif les a condamnées à régler à SNCF Réseau au titre du décompte général, la somme de 162 359,56 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 mars 2016 et prévu la capitalisation à compter du 24 mai 2017 ;

2°) de confirmer le jugement du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté le surplus des demandes reconventionnelles de SNCF Réseau ;

3°) de les décharger des pénalités à hauteur de 266 800 euros, en tant qu'elles sont infondées et injustifiées ;

4°) de condamner SNCF Réseau à leur régler la somme de 991 036,536 euros TTC au titre du solde du marché ;

5°) de condamner SNCF Réseau à leur payer les intérêts moratoires à valoir sur le principal à compter du 4 mai 2016, avec capitalisation à compter du 4 mai 2017 ;

6°) de mettre à la charge de SNCF Réseau le versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les sociétés soutiennent que c'est à tort que les premiers juges :

- n'ont retenu que partiellement les demandes indemnitaires au titre du décompte général et définitif du marché, s'agissant du paiement de travaux supplémentaires réalisés sur commande à hauteur de 13 218 euros HT ;

- ont rejeté la demande de paiement au titre des des travaux de forage pour un montant de 9 700 euros HT et des dépenses contrôlées d'un montant de

12 979,65 euros HT ;

- ont omis d'analyser la responsabilité contractuelle de SNCF Réseau au titre de la modification des conditions initiales d'exécution des travaux définies au marché en cas de non-respect de la durée d'intervention contractuelle garantie prévue par l'article 43.7 du CCAG, la notice descriptive des travaux et l'article 5.1.3 du CPS et ont écarté à tort la faute commise par SNCF Réseau en méconnaissance des missions qui étaient les siennes au titre de ses différentes qualités ; en effet, la reconnaissance de la responsabilité est conditionnée à la seule démonstration d'un préjudice résultant de la réduction de la durée d'intervention contractuelle, sans condition préalable de dépassement du délai global d'exécution ou des délais particuliers ;

- ont considéré que le dépassement du délai maximal d'exécution n'était pas démontré et que les requérantes ne justifiaient d'aucune difficulté exceptionnelle et imprévisible extérieure aux parties ;

- n'ont pas retenu la responsabilité de SNCF Réseau au titre des manquements aux obligations qui lui incombaient d'une part, en sa qualité de maître d'ouvrage, au regard de ses fautes dans son pouvoir de direction et de contrôle du chantier et d'autre part, au titre des manquements aux obligations de maître d'œuvre qui lui ont été transférées par l'effet de l'article 29 de la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire ;

- ont admis le bien-fondé des pénalités à hauteur de 218 000 euros ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2020, Réseau Ferré de France représenté par Me Melmouk conclut au rejet de la requête et demande de réformer le jugement en tant qu'il a réduit de 59 000 euros HT le montant des pénalités inscrit au décompte général et qu'il a réintégré un montant de 2 706,22 euros HT au crédit du décompte général, au titre des dépenses contrôlées, à la condamnation solidaire des sociétés requérantes à lui verser la somme de 244 607,03 euros TTC, assortie des intérêts moratoires à compter du 24 mars 2016 et de la capitalisation des intérêts à compter de cette même date et à ce que soit mise à la charge des sociétés requérantes la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

SNCF Réseau soutient que :

- aucune des critiques invoquées par le Groupement dans sa requête en appel ne justifie la réformation du jugement ;

- l'ensemble des demandes présentées par le Groupement sont irrecevables dès lors que le mémoire en réclamation ne respecte pas les formes prévues au CCCG applicable aux marchés de travaux et que la requête intègre des demandes nouvelles par rapport au projet de décompte final et au mémoire en réclamation.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des transports ;

- la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 ;

- le cahier des clauses et conditions générales applicables aux marchés de travaux passés par RFF et/ou la SNCF, dans sa version n° 2 du 24 novembre 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Briançon,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- les observations de Me Rambaud, représentant la société Razel-Bec et la société Spie Citynetworks,

- et les observations de Me Gaboriau, représentant SNCF Réseau.

Considérant ce qui suit :

1. Par un marché public de travaux conclu le 19 décembre 2013, la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), agissant au nom et pour le compte de Réseau Ferré de France (RFF), a confié au groupement solidaire composé de la société Razel-Bec et de la société Spie Sud-Est aux droits de laquelle vient la société Spie Citynetworks, les travaux de mise en conformité pour les personnes à mobilité réduite de la gare de Cannes centre. Ce marché a fait l'objet d'un bon de commande n° 59135-0000004315 pour un montant de 1 932 974,60 euros HT et un délai global d'exécution de 432 jours calendaires à compter de la date fixée par ordre de service. Ce montant a été porté à 2 113 221,40 euros HT par un avenant n° 2 signé le

20 janvier 2015. Les travaux, objet de cette commande, ont été réceptionnés le 23 février 2015. En réponse au projet de décompte final du groupement d'un montant total de 2 959 965,57 euros faisant ressortir un solde de 1 006 544,78 euros TTC, la SNCF, en sa qualité de maître d'œuvre, lui a notifié, par ordre de service du 22 mars 2016, un décompte général s'établissant à la somme de 2 320 796,10 euros, soit un solde de 224 607,03 euros TTC en sa faveur, après application de pénalités d'un montant total de 277 000 euros. Par un jugement du 29 mars 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande des sociétés requérantes tendant à les décharger des pénalités à hauteur de 266 800 euros et à la condamnation de SNCF Réseau à leur verser la somme de 991 036,536 euros TTC, au titre du solde du marché. Les sociétés requérantes relèvent appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, SNCF Réseau demande de rejeter la requête, de réformer le jugement en tant qu'il a réduit de 59 000 euros HT le montant des pénalités inscrit au décompte général et qu'il a réintégré un montant de 2 706,22 euros HT au crédit du décompte général, au titre des dépenses contrôlées, ainsi qu'à la condamnation solidaire des sociétés requérantes à lui verser la somme de 244 607,03 euros TTC.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article 13.31 du cahier des clauses et conditions générales applicable aux marchés de travaux passés par RFF et/ou par la SNCF, dans sa version du 24 novembre 2008 : " Dans les quarante-cinq jours suivant la date d'établissement du

procès-verbal de réception des travaux, l'entrepreneur dresse et remet au maître d'œuvre le projet de décompte final établissant le montant total des sommes auxquelles il peut prétendre du fait de l'exécution du marché. (...) ". Aux termes de l'article 13.32 de ce même cahier " Sous peine de forclusion l'entrepreneur joint au projet de décompte final toutes les réserves antérieurement formulées. L'entrepreneur est lié par les indications figurant dans un projet de décompte final, sauf sur le montant définitif des intérêts moratoires de paiement (...) ". Aux termes de l'article 13.35 du même cahier : " L'entrepreneur dispose d'un délai de quarante-cinq jours pour signer et renvoyer au maitre d'œuvre ce décompte général, sans ou avec réserves. / Si la signature est donnée sans réserve, cette acceptation lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne les intérêts moratoires ; ce décompte devient ainsi le décompte général et définitif du marché. (...) / Si la signature est donnée avec réserve, l'entrepreneur doit motiver ces réserves dans un mémoire de réclamation joint au renvoi du décompte qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires, en reprenant, sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et n'ayant pas fait l'objet de paiement définitif. Le règlement du différend intervient alors selon les modalités prévues à l'article 85. (...) ". Aux termes de l'article 13.38 du même cahier : " Tout décompte devenu définitif est intangible. L'intangibilité du décompte général définitif et des éventuels décomptes partiels définitifs ne peut être remise en cause que pour les seuls motifs suivants : faux, acte ou fait à caractère dolosif ou frauduleux intervenus soit pour l'obtention du marché, soit au cours de l'exécution de celui-ci. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 85.2 du cahier des clauses et conditions générales applicable aux marchés de travaux de la SNCF : " Si l'entrepreneur refuse de signer sans réserve le décompte général, la personne responsable du marché dispose, à compter de la date de réception par le maître d'œuvre du mémoire en réclamation, exprimant ces réserves et remis dans les conditions du paragraphe 35 de l'article 13, d'un délai de six mois pour notifier sa décision. / (...) Si, dans le délai de trois mois à partir de la notification de la décision ou de l'expiration du délai de réponse de six mois de la personne responsable du marché, l'entrepreneur n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal compétent, il est considéré comme ayant adhéré à la décision de la personne responsable du marché et toute réclamation se trouve éteinte. ". Aux termes de l'article 85.3 de ce cahier : " L'entrepreneur ne peut porter devant le tribunal que les chefs et motifs de réclamation énoncés dans le mémoire de réclamation remis au maître d'œuvre. ".

4. Le mémoire du titulaire du marché ne peut être regardé comme une réclamation au sens des stipulations précitées de l'article 13.35 du cahier des clauses et conditions générales que s'il comporte l'énoncé d'un différend et expose, de façon précise et détaillée, les chefs de la contestation en indiquant, d'une part, les montants des sommes dont le paiement est demandé et, d'autre part, les motifs de ces demandes, notamment les bases de calcul des sommes réclamées. Si ces éléments ainsi que les justifications nécessaires peuvent figurer dans un document joint au mémoire, celui-ci ne peut pas être regardé comme une réclamation lorsque le titulaire se borne à se référer à un document antérieurement transmis au représentant du pouvoir adjudicateur ou au maître d'œuvre sans le joindre à son mémoire.

5. Il résulte de l'instruction que les sociétés requérantes ont demandé dans le projet de décompte final adressé le 20 août 2015, la somme de 13 2018 euros portant sur les travaux en attente de bons de commande complémentaires en précisant notamment la base de calcul de ce montant qui comprend la réalisation de l'alimentation des panneaux publicitaires dans le passage souterrain (PASO), les luminaires dans le PASO existant et l'installation d'une paroi coupe-feu. Si le mémoire de réclamation du 26 avril 2016 pouvait justifier sa demande en reprenant les termes du décompte final adressé le 20 août 2015, ce document devait être de nouveau transmis et joint au mémoire de réclamation. Par ailleurs, les chefs de contestation doivent être appréciés poste par poste et chaque réserve doit faire l'objet d'une motivation spécifique. Ainsi, la réclamation relative aux travaux en attente de bons de commande ne saurait valoir réclamation au sens des stipulations précitées du cahier des clauses et conditions générales. Par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevables les conclusions afférentes aux travaux en attente de bons de commande pour un montant de 13 218 euros.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la recevabilité des demandes :

S'agissant du caractère définitif du décompte général :

6. SNCF Réseau, par la voie de l'appel incident, soutient que le projet de décompte général notifié par ordre de service n° 25 en date du 22 mars 2016 est devenu définitif, en l'absence d'un mémoire en réclamation suffisamment motivé et de justifications des bases de calcul des sommes revendiquées et des pénalités comme l'exige l'article 13.35 du CCCG Travaux. Toutefois, il résulte de l'instruction que le projet de décompte général a été retourné signé le 24 mars 2016 avec réserves et que la société Razel-Bec a, par courrier recommandé du

26 avril 2016, reçu le 4 mai suivant, dans le délai de 45 jours prévu par les stipulations de l'article 13.35 du cahier des clauses et conditions générales, adressé à la SNCF un mémoire de réclamation qui comporte de manière suffisamment précise les différents chefs de la contestation, hormis la demande concernant les travaux en attente de bons de commande. Ce document précise, d'une part, les montants des sommes dont le paiement est demandé et, d'autre part, les motifs de ces demandes, notamment les bases de calcul des sommes réclamées pour une somme de 1 016 667,78 euros TTC. S'agissant de la contestation du bien-fondé des pénalités de retard, le mémoire en réclamation expose également de façon détaillée les motifs de la contestation.

7. Il résulte de ce qui précède que SNCF Réseau n'est pas fondée à soutenir que le décompte général établi le 22 mars 2016 serait devenu définitif et qu'ainsi l'ensemble des demandes du mémoire en réclamation serait irrecevable.

S'agissant des pénalités pour reddition tardive des voies:

8. Il résulte des stipulations citées aux points 2 et 3 que le projet de décompte final dont le constructeur a saisi le maître d'œuvre après la réception des travaux a vocation à retracer l'ensemble des sommes auxquelles peut prétendre l'entrepreneur du fait de l'exécution du marché afin de permettre au maître d'œuvre, s'il le souhaite, de rectifier ce projet dans le cadre de la procédure d'établissement du décompte général.

9. Si SNCF Réseau soutient, par la voie de l'appel incident, que les sociétés requérantes persistent à présenter une demande nouvelle par rapport à leur réclamation s'agissant des pénalités pour reddition tardive des voies d'un montant de 33 000 euros dont elle ne conteste pas le principe mais seulement le montant qu'elles admettent à hauteur de 12 375 euros HT, il résulte de l'instruction, comme l'a relevé le Tribunal, que le groupement a, dans son mémoire de réclamation, demandé la non-application de ces pénalités pour reddition tardive. Par suite, SNCF Réseau n'est pas fondée à soutenir que les sociétés requérantes seraient irrecevables à contester l'application des pénalités pour reddition tardive des voies.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

10. L'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. Ce compte inclut, au profit de l'entreprise, la rémunération de ses travaux et, à sa charge, s'il y a lieu, le coût de la réparation des malfaçons qui lui sont imputables et les pénalités contractuelles qui peuvent éventuellement lui être appliquées. Il appartient au juge du contrat, en l'absence de décompte général devenu définitif, comme en l'espèce, de statuer sur les réclamations pécuniaires présentées par chacune des deux parties et de déterminer ainsi le solde de leurs obligations contractuelles respectives.

Sur les travaux supplémentaires relatifs aux travaux de forage pour un montant de 9 700 euros HT :

11. D'une part, aux termes de l'article 1.3.2.3.2 de la notice descriptive des travaux de génie civil et d'ouvrage d'art du marché en litige : " Face à la configuration du site les fosses seront obligatoirement réalisées à l'intérieur d'une enceinte blindée de section rectangulaire. Les blindages employés sont prévus en micropieux sécants. Ils serviront à maintenir en exploitation les quais et voies ferrées et devront permettre de ne pas déstabiliser les ouvrages situés à proximité. La mise en place des éléments de blindage se fera pas forage. (...) / Les blindages seront réalisés contre le passage souterrain en arrière des maçonneries des piédroits. Par conséquent chaque enceinte sera composée sur trois côtés des blindages de type micropieux sécants et un côté sera au nu des maçonneries existantes (...) ". L'article 3.2.4.3 de cette notice précise, s'agissant des blindages provisoires, les prescriptions concernant la réalisation des micropieux sécants. L'article 9.1 du cahier des prescriptions spéciales, relatif à l'établissement des prix, stipule que les travaux d'ouvrage d'art, dont font partie les blindages provisoires, sont payés aux prix des bordereaux de prix joints à la commande. Cet article précise : " Le règlement des travaux supplémentaires dont la réalisation ou la modification est décidée par le maître d'œuvre et validée par le maître d'ouvrage est effectué, au moyen des prix contractuels figurant dans les bordereaux de prix joints à la commande ".

12. D'autre part, le caractère forfaitaire et définitif des prix unitaires d'un marché sur bordereau de prix ne fait pas obstacle à ce que les entrepreneurs obtiennent une indemnité pour difficultés exceptionnelles et imprévisibles rencontrées dans l'exécution des travaux. Ne peuvent être regardées comme des sujétions techniques imprévues pour l'entrepreneur, de nature à justifier l'indemnisation de leurs conséquences dommageables, que des difficultés matérielles rencontrées lors de l'exécution d'un marché, présentant un caractère exceptionnel, imprévisibles lors de la conclusion du contrat et dont la cause est extérieure aux parties.

13. Il résulte de l'instruction que le marché en litige a été conclu à prix unitaires s'agissant de la plupart des prestations, en particulier celles relatives au forage. Par ordre de service n° 3 du 2 avril 2014, la SNCF a notifié au groupement le nouveau prix forfaitaire PN 02 d'un montant de 175 000 euros HT pour la réalisation du blindage provisoire des parois des fosses d'ascenseurs en micro pieux sécants. Le groupement solidaire a, par courrier du

18 avril 2014, accusé réception de cet ordre de service et l'a signé avec réserves portant sur les coûts indirects liés à la prolongation du délai et à la modification de l'ordonnancement des tâches, en précisant toutefois que le prix notifié de 175 000 euros n'appelait pas d'observations de sa part. Enfin, le 17 décembre 2014, les parties ont convenu, en application des stipulations de l'article 14.2 du cahier des clauses et conditions générales, d'un bordereau des prix unitaires complémentaire afin de rémunérer les " travaux supplémentaires " prévus par l'avenant n° 2. Ce bordereau complémentaire a intégré le prix forfaitaire PN 02 d'un montant de 175 000 euros HT correspondant à la réalisation des blindages provisoires des parois des fosses d'ascenseurs en micropieux sécants.

14. Les requérantes soutiennent que si le courrier du 18 avril 2014 indique que le groupement n'a pas d'observations sur le prix des travaux de réalisation des micropieux sécants, il précise que " les réserves du groupement portent sur les coûts directs et indirects ainsi que sur les délais ", et plus particulièrement sur l'adaptation de l'organisation du chantier et qu'à ce titre, la mobilisation d'une équipe supplémentaire a été sollicitée postérieurement à l'établissement de l'OS n°3 sur demande du maître d'œuvre et du maître d'ouvrage. Toutefois, d'une part, les réserves ne portent pas sur la nécessité d'une équipe supplémentaire et, d'autre part, l'accord des parties sur le prix a été formalisé par l'avenant n° 2 intégrant le PN 02 " Blindages provisoires de type micropieux sécants " à hauteur de 175 000 euros HT. Par ailleurs, si les requérantes soutiennent que les sujétions indirectes correspondent à la mobilisation d'une équipe supplémentaire, le bordereau des prix unitaires complémentaires établi le 17 décembre 2014 précise que le nouveau prix forfaitaire PN 02 relatif aux Blindages provisoires de type micropieux sécants " rémunère forfaitairement la réalisation de la totalité des blindages provisoires permettant la construction des fosses ascenseurs " et comprend " toutes sujétions de matériel, matériaux et main d'œuvre ". Par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le Tribunal a rejeté leur demande de paiement de travaux supplémentaires relatifs aux travaux de forage pour une somme de 9 700 euros HT.

Sur les dépenses contrôlées :

15. Aux termes de l'article 9.1.2 du cahier des prescriptions spéciales, relatif aux travaux accessoires non métrables : " En dehors des travaux faisant l'objet principal du marché, si la personne responsable du marché le demande, l'entrepreneur est tenu d'exécuter, en dépenses contrôlées, certains travaux accessoires non métrables. / (...) En ce qui concerne la main-d'œuvre, les travaux sont réglés sur la base de prix horaires moyen hors TVA appliqués au temps effectivement passé tel qu'il résulte des attachements relevés sur le chantier. / Ces prix couvrent les salaires, (...) frais de chantier et frais généraux. (...) / Les autres dépenses diverses, comme la fourniture de matériaux, les frais de location de matériel lui sont remboursées sur justifications, avec une majoration forfaitaire et non révisable correspondant aux frais de fonctionnement indiqués dans les sous-détails de prix (...) ". Aux termes de l'article 12.11 du cahier des clauses et conditions générales : " A la demande de l'entrepreneur ou du maître d'œuvre, il est pris attachement, à partir des constatations faites sur le chantier, des éléments qualitatifs et quantitatifs relatifs aux travaux exécutés qui doivent être ultérieurement cachés ou inaccessibles, ainsi qu'aux prestations ou faits dont il serait ultérieurement impossible d'établir l'existence. ". Aux termes de l'article 12.12 de ce même cahier : " Les attachements sont pris contradictoirement, au fur et à mesure de l'avancement des travaux, par l'agent désigné par le maître d'œuvre, en présence de l'entrepreneur convoqué à cet effet ou de son représentant agréé. (...) ".

Sur les attachements non retenus par le tribunal :

16. Les sociétés requérantes soutiennent que le Tribunal n'a pas statué sur les dix-neuf attachements sur la base desquels la demande de paiement des dépenses contrôlées est également fondée et qui auraient dû être pris en compte au même titre que les sept autres dans la mesure où

" SNCF Réseau a précisément utilisé ces documents pour calculer lesdites dépenses contrôlées et les retranscrire dans le décompte général " notamment les attachements n° 58, n° 66 et n° 68 pour un différentiel de 7507 euros HT et les attachements n° 60, n° 61 et n° 66 pour un différentiel de 1400 euros HT. Toutefois, il résulte de l'instruction, à supposer même que malgré l'absence de signature, les attachements aient pu être pris contradictoirement, que l'absence de production des attachements en cause, sur la base desquels se fonde la réclamation, ne permet pas d'identifier et de vérifier le montant de ces dépenses contrôlées.

Sur les attachements n° 2, n° 7 et n° 38 partiellement retenus :

17. S'agissant de l'attachement n° 2 concernant le transport de chambre de tirage d'Antibes à Cannes-Bocca d'un montant de 174 euros HT correspondant à la mobilisation d'un chef d'équipe, d'un ouvrier et d'une camionnette, la SNCF a réglé la somme de 158 euros HT. Les requérantes soutiennent que le coût de la location d'une camionnette et des frais de siège et de chantier associés qui n'a pas été intégré doit être pris en compte dès lors qu'il est indiqué explicitement sur le constat contradictoire qu'une camionnette a été utilisée pendant 2 heures pour un coût total de 17,68 euros dont 13,33 euros de fournitures. Toutefois, cette mention ne dispensait pas les requérantes de produire le justificatif exigé par les stipulations précédemment rappelées de l'article 9.1.2 du cahier des prescriptions spéciales. Par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à réclamer la somme de 16 euros correspondant au différentiel entre la somme réclamée au titre de l'attachement n°2 et celle intégrée à ce titre dans le décompte général.

18. S'agissant de l'attachement n° 7 concernant la remise en place de prismes d'un montant de 375 euros HT, la SNCF a réglé la somme de 348 euros HT correspondant à la mobilisation de deux ouvriers et d'une camionnette. Pour les mêmes raisons que celles évoquées ci-dessus, les sociétés requérantes qui ne produisent pas de justificatif à l'appui de leur demande ne sont pas fondées à réclamer la somme de 27 euros correspondant au différentiel entre la somme réclamée au titre de l'attachement n° 7 et celle intégrée à ce titre dans le décompte général.

19. S'agissant de l'attachement n° 38 relatif au démontage de la palissade du quai latéral d'un montant de 259 euros HT pour lequel la SNCF a, par erreur, réglé au groupement la somme de 348 euros HT, compte tenu de l'absence de justification des frais de location d'une camionnette et des frais de siège et de chantier associés pour un montant de 27 euros, les requérantes ne peuvent, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, prétendre qu'au paiement de la somme de 232 euros HT. Au regard du montant déjà réglé par la SNCF, le différentiel d'un montant de 116 euros HT doit être réintégré dans le décompte des dépenses contrôlées au bénéfice de SNCF Réseau, sans que les requérantes puissent utilement opposer le caractère définitif du décompte général dès lors que ses propres réserves portaient sur ce chef de réclamation.

20. Il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 16 à 19 que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le Tribunal a limité à la somme de 2 706,22 euros HT les dépenses contrôlées devant être intégrées au crédit du décompte général.

Sur les préjudices résultant de l'allongement du délai du chantier :

21. Les sociétés requérantes soutiennent qu'elles ont dû supporter une prolongation du délai d'exécution du chantier de quarante-cinq jours ouvrés en raison de difficultés d'exécution du contrat imputables au maître d'ouvrage et sollicitent, en conséquence, une indemnisation d'un montant total de 761 235 euros HT.

22. L'article 5.1.3 du cahier des prescriptions spéciales annexé au marché définit les jours et durées d'intervention dont dispose en principe l'entrepreneur pour réaliser les travaux de nuit, lesquelles prévoient pour chaque travail, une durée de 5 heures 10, comprises entre

23 heures 30 et 4 heures 40. Il prévoit par ailleurs que pour les opérations nécessitant une annonce des circulations, l'entrepreneur devra présenter une demande de mise à disposition du personnel de la SNCF auprès du maître d'œuvre au plus tard un mois à l'avance, ce préavis devant être validé par ce dernier lors de la réunion préalable du chantier. Cet article précise que : " Si les durées d'intervention journalières (...) sont réduites pour des raisons étrangères à l'entrepreneur, ce dernier ne peut présenter aucune réclamation à ce sujet tant que, pour l'ensemble des travaux nécessitant des interruptions de circulation ou des suppressions de tension, la durée moyenne des interventions n'est pas inférieure aux 9/10ème de la durée moyenne journalière contractuelle ; cette durée moyenne journalière contractuelle est calculée sur la base des durées d'interventions prévues au présent marché en considérant l'ensemble des jours pour lesquels l'entrepreneur a formulé, en accord avec le maître d'œuvre, des demandes d'interruption ou de suppression de tension. / Le calcul de l'indemnité susceptible d'être accordée, en raison du préjudice éventuellement subi par l'entreprise, est fondé en ne prenant en compte que la différence entre la durée moyenne journalière des durées d'interventions réellement obtenues et la durée journalière contractuelle diminuée de 1/10ème. (...) ". L'article 4.4 du cahier des prescriptions spéciales précise : " En cas de contradiction, divergence d'interprétation entre certains documents contractuels, le document de rang supérieur dans l'ordre de priorité prévaut. ".

23. D'une part, il résulte de l'instruction que le délai global d'exécution du marché en litige, prévu par l'article 3.2 du cahier des prescriptions spéciales, était de 432 jours calendaires à partir de la date fixée par ordre de service. L'ordre de service n° 1 a fixé cette date au

19 décembre 2013 portant la date théorique de fin du délai contractuel au 24 février 2015. Si le programme d'exécution des travaux établi le 20 janvier 2014 fixe une date d'achèvement des travaux au 12 novembre 2014, la date d'achèvement prévue dans ce document ne peut, en vertu de l'article 4.4 du cahier des prescriptions spéciales, se substituer au terme du marché fixé par le cahier de prescriptions spéciales. Il résulte du procès-verbal de réception des travaux du marché en litige, dressé le 8 juin 2015 et signé le 30 juin 2015 avec réserves que le maître d'œuvre a proposé la date du 6 février 2015 comme date d'achèvement des travaux. Par courrier du 15 janvier 2015, les sociétés requérantes avaient indiqué que cette date serait fixée au 23 janvier 2015, date antérieure à la date théorique d'achèvement des travaux correspondant au délai contractuel du marché. Il résulte de l'instruction que la SNCF a finalement retenu la date du 23 février 2015 pour établir le décompte général. Dans ces conditions, les requérantes qui ne justifient d'aucune difficulté exceptionnelle et imprévisible qui serait extérieure aux parties, ne sont pas fondées à invoquer un quelconque allongement de la durée du chantier alors d'ailleurs qu'il ne résulte pas de l'instruction que la SNCF ait appliqué une pénalité pour non-respect par le groupement titulaire du délai global d'exécution du marché.

24. D'autre part, les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

25. Les requérantes soutiennent que le retard pris dans l'exécution des travaux du fait de la réduction des durées d'intervention journalière lui a causé un préjudice et que la désorganisation du chantier résulte de la réduction ou de la neutralisation par SNCF Réseau des durées d'intervention dont disposait le groupement pour exécuter les travaux. Toutefois, si les sociétés requérantes indiquent que SNCF Réseau a manqué à ses différentes obligations contractuelles en n'assurant pas la libération des emprises aux horaires requis et qu'elle a annulé les autorisations d'intervention de 29 nuits pour les travaux sur les quais en raison de l'absence des agents de voies, qu'elle justifie par ailleurs de près de 300 attachements d'interdiction temporaire de circulation (AITC) et que les durées moyennes d'intervention journalières ont été réduites de plus de 20%, elles n'établissent pas avoir sollicité du maître d'œuvre une demande de mise à disposition du personnel conformément à la procédure prévue par les stipulations précitées de l'article 5.1.3 du cahier des prescriptions spéciales et fait procéder à une constatation contradictoire des faits en cause par la procédure des attachements, en application de l'article 12.17 du cahier des clauses et conditions générales applicables aux marchés de travaux de RFF et de la SNCF. Ainsi, les sociétés requérantes ne justifient d'aucun manquement du maître d'ouvrage au regard de ses obligations de direction et de contrôle du chantier susceptible d'engager la responsabilité pour faute de SNCF Réseau sur le fondement de l'article 5.1.3 du cahier des prescriptions spéciales, les difficultés invoquées n'excédant pas les contraintes relevant des caractéristiques spécifiques du service public ferroviaire qui, comme il a été dit précédemment, n'ont au demeurant eu aucune incidence sur la durée globale contractuelle d'exécution du marché.

26. Enfin, les sociétés requérantes ont demandé dans leur requête introductive d'instance enregistré le 3 février 2017 devant le Tribunal la seule condamnation de SNCF Réseau à les indemniser sur le fondement de sa responsabilité contractuelle. Elles n'ont invoqué devant le Tribunal la responsabilité quasi-délictuelle au titre de ses missions de maîtrise d'œuvre, qui lui ont été transférées par l'effet de l'article 29 de la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire et opérant transfert de l'ensemble des droits et obligations attachés aux missions de gestion de l'infrastructure ferroviaire, que dans le mémoire enregistré le 8 mars 2018. Dès lors, cette demande, qui repose sur une cause juridique distincte de la responsabilité contractuelle, présentée après l'expiration du délai de recours prévu à l'article R. 421-1 du code de justice administrative rendu applicable aux marchés de travaux publics par le décret n° 2016-480 du 2 novembre 2016, est tardive et par suite irrecevable.

27. Il résulte de ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le Tribunal a rejeté la réclamation d'un montant total de 761 235 euros HT au titre de l'allongement du délai du chantier.

Sur les pénalités appliquées par la SNCF :

S'agissant des pénalités de retard pour non-respect du délai partiel applicable aux prestations de génie civil :

28. En application du premier alinéa de l'article 3.3 du cahier des prescriptions spéciales (CPS), les travaux de génie civil et d'alimentation pour les ascenseurs devaient être exécutés dans un délai de 344 jours de calendrier, à partir de la date fixée par ordre de service. Cette date a été fixée au 19 décembre 2013 par ordre de service n° 1 du même jour. L'article 11.2 du même cahier prévoyait qu'en cas de retard sur ce délai particulier, une pénalité forfaitaire de 2 000 euros par jour de retard serait appliquée d'office à l'entrepreneur sans mise en demeure préalable. Les 20 et 28 janvier 2015, les parties ont signé un avenant n°2 qui prévoit aux termes de l'article 1 " la prise en compte des pénalités applicables sur le délai particulier de réalisation des travaux de génie civil et alimentation pour les ascenseurs ". Cet avenant précise que, suite à la réception partielle de ces travaux, " l'étude de délai fait ressortir un nombre de jours de retard dont la responsabilité est imputable à l'entreprise ". Par cet avenant, les parties ont convenu de l'application au décompte général d'une pénalité de retard pour la réalisation des travaux en cause d'un montant compris entre 84 000 et 110 000 euros, correspondant à une fourchette de jours pénalisables comprise entre 42 et 55 jours, conformément à l'article 11.2 du cahier des prescriptions spéciales.

29. Contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes l'avenant n° 2 ne porte pas exclusivement sur les " études d'exécution " mais également sur la " Réalisation des travaux ". Il a pour objet de constater, après la réception partielle des travaux soumis au délai particulier de l'article 3.3 du CPS concernant " la réalisation des travaux de génie civil et alimentation pour les ascenseurs ", un nombre de jours de retard dont la responsabilité est imputable uniquement à l'entreprise et ne peut dès lors être compensé par les préjudices du fait des retards qui pourraient être imputés au maître d'ouvrage. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que les pénalités en cause auraient été doublement facturées. Ainsi, en l'absence de justification particulière, il y a lieu s'agissant du montant de la pénalité de confirmer sur ce point le jugement attaqué par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

S'agissant des pénalités de retard pour non-respect du délai partiel applicable aux travaux de réfection du passage souterrain côté Marseille :

30. En application du second alinéa de l'article 3.3 du CPS, les travaux de réfection du passage souterrain côté Marseille devaient être exécutés dans un délai de 145 jours de calendrier, à partir de la date fixée par ordre de service. Ainsi qu'il a été dit au point 24, l'article 11.2 du même cahier prévoyait qu'en cas de retard sur ce délai particulier, une pénalité forfaitaire de 2 000 euros par jour de retard serait appliquée d'office à l'entrepreneur sans mise en demeure préalable.

31. Les sociétés requérantes contestent la pénalité de 68 000 euros appliquée par la SNCF pour non-respect du délai partiel applicable aux travaux en question. Il résulte de l'instruction que, par ordre de service n° 13 du 11 juillet 2014, signé avec réserves le 16 juillet suivant par la société Razel-Bec, le délai particulier pour ces travaux a été prolongé de 188 jours, la date d'achèvement devant intervenir le 14 novembre 2014 afin de réaliser des travaux d'étanchéité et de pose de marbre. Il résulte du procès-verbal de réception partielle que les travaux concernés ont été achevés le 19 décembre 2014, soit avec un retard de 34 jours. Les requérantes soutiennent que les travaux du passage souterrain ont été retardés d'une part, par la réduction importante des durées d'intervention sur cette emprise et par la neutralisation de plusieurs nuits prévues au planning contractuel et d'autre part, en raison des autres prestations à réaliser dans la gare et par les autres chantiers considérés comme plus prioritaires. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 25 que les requérantes, en signant l'avenant n° 2, ont reconnu leur responsabilité dans le retard de ces travaux. Par ailleurs, elles n'établissent pas que le retard serait dû à une désorganisation du chantier provoquée par le maître d'ouvrage et son mandataire. Par suite, il y a lieu de confirmer la pénalité de retard de 68 000 euros appliquée par la SNCF pour non-respect du délai partiel applicable aux travaux de réfection du passage souterrain.

S'agissant des pénalités au titre du délai de fourniture du Dossier des Ouvrages Exécutés (DOE) :

32. D'une part, selon l'article 6.7.4 du cahier des prescriptions spéciales du marché en litige, le dossier de récolement devait être remis dans un délai de 30 jours à partir de la date d'achèvement des travaux, en cinq exemplaires, selon trois supports (papier, calque et informatique). L'article 11.3 de ce même cahier prévoit qu'une pénalité journalière de 200 euros à partir du premier jour de retard pouvait être infligée à l'entrepreneur en cas de retard dans la remise de documents divers dont le dossier de récolement.

33. D'autre part, aux termes de l'article 71 du cahier des clauses et conditions générales : " Dès l'achèvement des travaux, l'entrepreneur en avise par écrit la personne responsable du marché et le maître d'œuvre. / Le maître d'œuvre exécute la procédure préalable à la réception des ouvrages dans un délai de vingt-et-un jours à compter de la date de réception de l'avis donné par l'entrepreneur ". Aux termes de l'article 72.2 de ce même cahier, relatif à la procédure préalable à la réception : " Ces opérations sont accomplies par le maître d'œuvre en présence : (...) / -de l'entrepreneur ou sans lui, dûment convoqué. / Elles font l'objet d'un procès-verbal rédigé sur le champ par le maître d'œuvre et signé par lui et par l'entrepreneur ; si ce dernier refuse de le signer, il en est fait mention. / En cas d'absence de la personne responsable du marché ou de l'entrepreneur, il en est fait mention au procès-verbal. / Le procès-verbal indique la proposition du maître d'œuvre à la personne responsable du marché de prononcer ou non la réception des ouvrages. Dans l'affirmative, il indique la date d'achèvement des travaux qu'il a proposé de retenir, ainsi que les éventuelles réserves ou réfactions dont il propose d'assortir la réception. Une copie du procès-verbal est remise à l'entrepreneur ou, en cas d'absence de celui-ci, lui est notifiée par ordre de service. (...) ".

34. Les sociétés requérantes contestent la pénalité d'un montant de 66 000 euros HT appliquée par la SNCF au titre de la remise tardive du dossier des ouvrages exécutés. D'une part, comme il a été rappelé au point 19, si les sociétés requérantes ont demandé par courrier du

15 janvier 2015 que la date d'achèvement des travaux soit fixée au 23 janvier 2015, la date finalement retenue dans le décompte général est le 23 février 2015. D'autre part, il ressort du bordereau d'envoi de documents en date du 25 janvier 2016 que le dossier des ouvrages exécutés (DOE) a été remis en main propre au maître d'œuvre en cinq exemplaires papier et CD ROM, le 18 février 2016 et non 2015 comme indiqué par erreur dans ce document, soit un retard de 330 jours à compter du 25 mars 2021. Les sociétés requérantes soutiennent que la pénalité n'aurait dû s'appliquer qu'à compter du délai de 30 jours suivant la date à laquelle le groupement a reçu le procès-verbal de réception des travaux, le 24 juin 2015. Toutefois, et alors qu'il appartenait à l'entrepreneur d'aviser le maître d'œuvre de l'achèvement des travaux, en application de l'article 71 du cahier des clauses et conditions générales, pour déclencher la procédure préalable à la réception des ouvrages, le groupement, ne pouvait sérieusement ignorer qu'il lui revenait de remettre le dossier des ouvrages exécutés à partir de la date qu'il a proposée au maître d'œuvre comme date d'achèvement des travaux, soit le 23 janvier 2015. Enfin, si le dossier de récolement a été mis à disposition du maître d'œuvre, dès le 14 septembre 2015, sur une plateforme d'envoi de gros fichiers, cette mise à disposition ne vaut pas remise du document selon les modalités prévues par l'article 6.7.4 du cahier des prescriptions spéciales. Par suite, il y a lieu de confirmer la pénalité de 66 000 euros HT pour 330 jours de retard au titre de la remise tardive du DOE.

S'agissant des pénalités au titre des redditions tardives des voies :

35. L'article 11.3.1 du cahier des prescriptions spéciales définit le calcul de la pénalité forfaitaire en retard de restitution de voies selon un barème en fonction de tranche de retard en minutes, la première étant comprise entre 10 et 29 minutes de retard, et affecté d'un coefficient multiplicateur tenant compte du nombre d'agents de la SNCF resté sur le chantier par suite de la reddition tardive et de l'importance du trafic de la ligne. Cet article précise que " les dépassements des durées d'interception prévues et leurs causes sont constatés contradictoirement par l'entrepreneur et le maître d'œuvre " et que le montant de la pénalité " est imputé d'office, sur les sommes dues au titre du marché ". Ainsi qu'il a été précisé au point 23, l'article 5.1.3 du cahier des prescriptions spéciales définit les jours et durées d'intervention dont dispose en principe l'entrepreneur pour réaliser les travaux de nuit, lesquelles prévoient pour chaque travail, une durée de 5 heures 10, comprise entre 23 heures 30 et 4 heures 40.

36. Les sociétés requérantes soutiennent que les pénalités au titre des redditions tardives des voies sont infondées dès lors qu'elles sont imputables à la réduction des durées d'intervention. Il résulte du décompte général que la SNCF a appliqué des pénalités, selon le mode de calcul défini à l'article 11.3.1 du cahier des prescriptions spéciales, au regard de quatre retards compris entre 10 et 18 minutes, concernant quatre voies interceptées, constatés par attachements contradictoires, auxquels sont annexées des attestations d'interdiction temporaire de circulation. L'attestation d'interdiction temporaire de circulation n° 3, annexée à l'attachement n° 3, fait état d'un retard de 17 minutes le 13 février 2014, l'attestation n° 16, annexée à l'attachement n° 31, d'un retard de 18 minutes le 9 juillet 2014, l'attestation n° 14 annexée à l'attachement n° 42, d'un retard de 10 minutes le 16 octobre 2014, et l'attestation n° 7, annexée à l'attachement n° 45, d'un retard de 10 minutes le 15 novembre 2014. Toutefois, les retards ainsi constatés ont été déterminés sur la base d'une durée d'intervention journalière réduite par rapport à celles initialement prévues à l'article 5.1.3 du CPS, lequel fixe la fin d'intervention à 4 heures 40. Ainsi, la SNCF ne pouvait appliquer une pénalité pour reddition tardive des voies à hauteur de 33 000 euros par application de la première tranche du barème prévue par l'article 11.3.1 du cahier des prescriptions spéciales. Par suite, il y a lieu de confirmer l'annulation de cette pénalité prononcée par le Tribunal.

37. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les conclusions des sociétés Razel-Bec et Spie Citynetworks ainsi que les conclusions de SNCF Réseau doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

38. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société SNCF Réseau, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par les sociétés Razel-Bec et Spie Citynetworks, au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des sociétés Razel-Bec et Spie Citynetworks la somme demandée par SNCF Réseau, au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête des sociétés Razel-Bec et Spie Citynetworks et les conclusions de SNCF Réseau sont rejetées.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société Razel-Bec, à la société Spie Citynetworks et à SNCF Réseau.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Briançon, présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2021.

La présidente-rapporteure,

C. BRIANÇON

L'assesseur le plus ancien,

P. MANTZ

La greffière,

V. BREME

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N° 19PA01792


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01792
Date de la décision : 30/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Claudine BRIANÇON
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : SCP FRECHE et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-30;19pa01792 ?
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