Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 19 décembre 2019 par laquelle le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office.
Par un jugement n° 2022086 du 14 avril 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 13 mai, 27 novembre et 14 décembre 2021, Mme A..., représentée par Me Lamine, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2022086 du 14 avril 2021 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2019 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas de reconduite à la frontière ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour vie privée et familiale, ou, à défaut, de lui enjoindre de réexaminer sa demande en saisissant à nouveau la commission du titre du séjourr, dans un délai d'un mois, sous astreinte de 20 euros par jour de retard sous les mêmes conditions d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- il a été prise en violation de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par des mémoires, enregistrés les 25 novembre et 10 décembre 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que la requête de Mme A... n'est pas fondée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Simon ;
- et les observations de Me Lamine pour Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., ressortissante de Guinée-Bissao, née en 1988, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 19 décembre 2019, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office. Elle demande à la Cour l'annulation du jugement du 14 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté son recours dirigé contre la décision préfectorale du 19 décembre 2019, ainsi que l'annulation de ladite décision.
2. Aux termes de l'article L 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) "
3. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
4. Mme A... est entrée en France en 2005 à l'âge de 17 ans, après le décès de sa mère, pour rejoindre son père, décédé en France en 2016. Elle a suivi des cours de langue française et de mathématiques de la Ville de Paris durant plusieurs années, avec succès. Son insertion est également avérée par son activité professionnelle dans des salons de coiffure où elle a acquis une qualification et une expérience professionnelles depuis 2014, et par la création de son propre salon en 2019, dont l'activité a pris progressivement de l'ampleur et lui permet d'ailleurs, postérieurement à la décision attaquée, de recruter du personnel. Si elle est célibataire et sans enfant à charge en France, elle y dispose de la présence de son oncle et de ses cousins, famille dont elle est proche, et soutient, sans être démentie, ne plus avoir de relation avec ses sœurs restées au pays depuis le décès de leur mère. Dans ces conditions, dans les circonstances très particulières de l'espèce, c'est par une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 313-14 que le préfet a refusé de délivrer à Mme A... un titre de séjour.
5. L'exécution du présent jugement implique nécessairement que le préfet de police délivre une carte de séjour temporaire à Mme A... portant la mention " vie privée et familiale ", au titre de l'admission exceptionnelle au séjour. Il y a ainsi lieu de faire injonction au préfet de la lui délivrer dans un délai de deux mois, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par Mme A... à l'occasion de l'instance et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2022086 du 14 avril 2021 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de police de Paris du 19 décembre 2019 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de Paris de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à Mme A... sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la requête de Mme A... sont rejetées pour le surplus.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président de chambre,
- M. Simon, premier conseiller,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 14 janvier 2022.
Le rapporteur,
C. SIMONLe président,
S. CARRERELa greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA02621