Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2008122 du 13 octobre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. B... et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour.
Procédure devant la Cour :
I. - Par une requête n° 20PA03372 enregistrée le 13 novembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2008122 du 13 octobre 2020 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Montreuil.
Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a fait droit au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 et de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les autres moyens soulevés en première instance par M. B... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 décembre 2021, M. B..., représenté par Me Paugam, demande à la Cour de rejeter la requête du préfet de la Seine-Saint-Denis et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75-1 de la loi du 19 juillet 1991.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
II. - Par une requête n° 20PA03373, enregistrée le 13 novembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil n° 2008122 du 13 octobre 2020.
Il soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont remplies.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 décembre 2021, M. B..., représenté par Me Paugam, demande à la Cour de rejeter la requête du préfet de la Seine-Saint-Denis.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 21 et 30 avril 2021.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Doré a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant mauritanien, a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, par une décision du 21 mai 2019, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 14 janvier 2020. Le préfet de la Seine-Saint-Denis a, par un arrêté du 1er juillet 2020, refusé de délivrer à M. B... un titre de séjour au titre de l'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel du jugement n° 2008122 du 13 octobre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté et demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
Sur la jonction :
2. L'appel et la demande de sursis à exécution présentés par le préfet de la Seine-Saint-Denis étant formés contre un même jugement, présentant à juger des mêmes questions et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour qu'ils fassent l'objet d'un même arrêt.
Sur le moyen d'annulation retenu par le magistrat désigné :
3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code, dans sa version applicable : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci (...) ". Aux termes du III de l'article R. 723-19 dudit code, dans sa version applicable : " La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire ".
4. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des mentions figurant dans la fiche extraite du système d'information " TelemOfpra " produite pour la première fois en appel, que le recours présenté par M. B... aux fins d'annulation de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 21 mai 2019 a été rejeté par une décision de la Cour nationale du droit d'asile qui lui a été notifiée le 27 janvier 2020. Cette mention fait foi, conformément aux dispositions du III de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, jusqu'à preuve du contraire. M. B... n'apportant pas cette preuve, il bénéficiait donc, en application de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'au 27 janvier 2020. Dès lors, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge, estimant que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaissait les dispositions précitées de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a annulé l'arrêté en litige pour ce motif.
5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.
Sur les autres moyens invoqués par M. B... en première instance :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, par un arrêté n° 2020-0665 du 16 mars 2020, régulièrement publié le même jour au bulletin d'informations administratives, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné délégation à Mme A... D..., signataire de l'arrêté contesté et cheffe du bureau de l'asile, à l'effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figurent la décision en litige, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi qu'elles n'auraient pas été absentes ou empêchées. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit par suite être écarté.
7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 1er juillet 2020, qui vise notamment l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que la demande d'asile présentée par M. B... a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et que la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa requête. Elle ajoute qu'il n'a pas déposé de demande de titre de séjour à un autre titre que l'asile et qu'il " ne justifie pas en France d'une situation personnelle et familiale à laquelle la présente décision porterait une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi ". Ainsi, la décision contestée expose les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est donc suffisamment motivée.
8. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation de M. B....
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires réglées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Aux termes de l'article 51 de cette charte : " 1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions et organes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l'application, conformément à leurs compétences respectives(...) ". Si le moyen tiré de la violation de l'article 41 précité par un Etat membre de l'Union européenne est inopérant, dès lors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article ne s'adresse qu'aux organes et aux organismes de l'Union, le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
10. Or, lorsqu'il présente une demande d'asile, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche, qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande d'asile, il pourra faire l'objet d'un refus de titre de séjour et, lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui a été définitivement refusé, d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, tant au cours de l'instruction de sa demande, qu'après que l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont statué sur sa demande d'asile, de faire valoir auprès de l'administration toute information complémentaire utile.
11. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté, que M. B... a été entendu par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et la Cour nationale du droit d'asile dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile. De plus si M. B... fait valoir qu'il a des attaches familiales sur le territoire français, il n'établit pas qu'il aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ou qu'il aurait été empêché de présenter ses observations avant que ne soit prise la mesure d'éloignement litigieuse. Par suite, et alors que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'était pas tenu d'inviter M. B... à formuler des observations avant l'édiction de cette mesure, le moyen tiré de la méconnaissance du droit de l'intéressé à être entendu ne peut qu'être écarté.
12. En dernier lieu, M. B... fait valoir qu'il a tissé des liens personnels et affectifs en France où il milite au mouvement initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste en Mauritanie et où vivent ses frères, admis au statut de réfugié. Il produit également un certificat médical relevant de nombreuses cicatrices et un traumatisme psychologique. Toutefois, cette seule pièce n'est pas suffisante pour établir la réalité des risques qu'il invoque en cas de retour dans son pays d'origine, alors d'ailleurs que sa demande d'asile tendant au bénéfice du statut de réfugié a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et la Cour nationale du droit d'asile. En outre, il ressort des pièces du dossier que M. B... est célibataire et n'est entré sur le territoire français qu'au mois d'août 2018, alors qu'il avait plus de 33 ans. Dès lors, en obligeant M. B... à quitter le territoire français, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé. Pour les mêmes motifs, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
13. En premier lieu, il résulte ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de l'exception, par voie d'illégalité, de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.
14. En deuxième lieu, il ressort de l'arrêté contesté qu'il précise l'ensemble des considérations de droit et de fait qui le fondent. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait insuffisamment motivée.
15. En troisième lieu, aux termes des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. (...) " et " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
16. Si M. B... soutient qu'il encourt de graves dangers en cas de retour en Mauritanie en raison de son engagement politique, il n'apporte aucun élément de preuve au soutien de ses allégations en se bornant à justifier de son engagement auprès du mouvement initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste en France. Au demeurant, sa demande de reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides confirmée par la Cour nationale du droit d'asile. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doit être écarté.
17. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 1er juillet 2020. Dès lors, il y a lieu d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Montreuil.
Sur la demande de sursis à exécution :
18. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n° 2008122 du tribunal administratif de Montreuil, les conclusions de la requête n° 20PA03373 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet.
Sur les frais liés à l'instance :
19. M. B... étant partie perdante dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions qu'il présente sur ce fondement.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2008122 du 13 octobre 2020 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Montreuil et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20PA03373 du préfet de la Seine-Saint-Denis.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... B....
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Doré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 février 2022.
Le rapporteur,
F. DORÉLe président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 20PA03372, 20PA03373