Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les arrêtés du 10 septembre 2020 par lesquels le préfet de Seine-et-Marne leur a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours.
Par jugements n° 2007767 et n° 2007768 du 22 mars 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la Cour :
I - Par une requête, enregistrée le 17 juin 2021 sous le n° 21PA03347, M. B... A..., représenté par Me Mechri, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2007767 du 22 mars 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 10 septembre 2020 par lequel il lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai d'un mois ;
3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer un titre de séjour vie privée et familiale dans un délai de 15 jours ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- l'arrêté préfectoral attaqué est insuffisamment motivé et se trouve entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- il est intervenu sans respect du principe du contradictoire ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 janvier 2022, le préfet de Seine-et-Marne conclut au rejet de la requête de M. A....
Il soutient que l'ensemble des moyens soulevés ne sont pas fondés.
II - Par une requête, enregistrée le 17 juin 2021 sous le n° 21PA03348, Mme D... A..., représentée par Me Mechri, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2007768 du 22 mars 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 10 septembre 2020 par lequel il lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai d'un mois ;
3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer un titre de séjour vie privée et familiale dans un délai de 15 jours ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- l'arrêté préfectoral attaqué est insuffisamment motivé et se trouve entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- il est intervenu sans respect du principe du contradictoire ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 janvier 2022, le préfet de Seine-et-Marne conclut au rejet de la requête de Mme A....
Il soutient que l'ensemble des moyens soulevés ne sont pas fondés.
III - Par une requête, enregistrée le 17 juin 2021 sous le n° 21PA03349, M. A..., représenté par Me Mechri, demande à la Cour de prononcer le sursis à l'exécution du jugement n° 2007767 du 22 mars 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun.
Il soutient que l'exécution du jugement et de l'arrêté préfectoral aurait des conséquences difficilement réparables et qu'un doute sérieux entache le jugement attaqué.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 janvier 2022, le préfet de Seine-et-Marne conclut au rejet de la requête de M. A....
Il soutient que l'ensemble des moyens soulevés ne sont pas fondés.
IV - Par une requête, enregistrée le 17 juin 2021 sous le n° 21PA03350, Mme A..., représentée par Me Mechri, demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2007768 du 22 mars 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun.
Elle soutient que l'exécution du jugement et de l'arrêté préfectoral aurait des conséquences difficilement réparables et qu'un doute sérieux entache le jugement attaqué.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 janvier 2022, le préfet de Seine-et-Marne conclut au rejet de la requête de Mme A....
Il soutient que l'ensemble des moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par décisions du 23 juin 2021.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi sur l'aide juridictionnelle ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Simon,
- les observations de Me Mechri pour M. et Mme A...,
- et les observations de Mlle C... A....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A..., ressortissants kosovars nés respectivement en 1974 et 1985, entrés en France en 2016, ont demandé leur admission au séjour au titre de l'asile. Après le rejet de leur demande initiale, ainsi que de leur demande de réexamen, par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 août 2016 et du 30 juin 2017, confirmées par décisions de la Cour nationale du droit d'asile, respectivement, du 26 avril 2017 et du 17 octobre 2017, le préfet de la Seine-et-Marne leur a fait obligation de quitter le territoire par arrêtés du 14 novembre 2019, annulés par le magistrat délégué du tribunal administratif de Melun par jugement n° 1910943 -1910944 du 28 février 2020. Ils demandent l'annulation des jugements n° 2007767 et 2007768 du tribunal administratif de Melun, en date du 22 mars 2021, par lesquels cette juridiction a rejeté les recours dirigés contre les arrêtés en date du 10 septembre 2020 par lesquels, faisant suite à l'injonction de réexamen de leur situation qui lui a été faite par le tribunal administratif de Melun par jugement mentionné du 28 février 2020, le préfet de la Seine-et-Marne leur a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être renvoyés. Ils demandent également l'annulation des arrêtés du 10 septembre 2020 mentionnés. Ils demandent, en outre, qu'il soit sursis à l'exécution de ces jugements.
Sur l'obligation de quitter le territoire :
2. Les requêtes des époux A... présentent entre elles un lien de connexité et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par une même décision.
3. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : (...) 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière (...) ". Aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ".
4. En premier lieu, M. et Mme A... ont été reçus par les services de la préfecture de Seine-et-Marne en exécution du jugement du 28 février 2020, mentionné au point 1 du présent arrêt, prescrivant un tel réexamen. Les époux A... ont ainsi pu faire valoir tout élément qui leur paraissait utile y compris sur la perspective de leur éloignement qu'ils ne pouvaient ignorer compte tenu des décisions préfectorales antérieures. Ils ne sont ainsi pas fondés à soutenir qu'ils ont été privés d'une procédure contradictoire préalable.
5. En deuxième lieu, il ressort des décisions du 10 septembre 2020 attaquées que celles-ci mentionnent la présence de quatre enfants du couple en France ainsi que leur scolarisation. Les arrêtés attaqués mentionnent en outre l'ensemble des considérations de fait et de droit pertinentes, qui en constituent le fondement. Ils sont ainsi suffisamment motivés. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Seine-et-Marne n'ait pas fait précéder ses décisions d'un examen particulier de la situation personnelle des requérants.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif au droit au respect de la vie privée et familiale : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...). ".
7. M. et Mme A... font valoir qu'ils sont présents en France depuis 2016, soit depuis quatre ans à la date de la décision attaquée, en compagnie de leurs quatre enfants, nés en 2002, 2005, 2007 et 2015, scolarisés en France. Ils bénéficient du soutien d'une partie de la population locale, Mme A... s'est impliquée dans ses fonctions de parent d'élève, et leurs enfants, régulièrement scolarisés et obtenant de très bons résultats, sont en voie d'intégration dans la société française. Il ressort toutefois des pièces du dossier, compte tenu de la durée et des conditions de leur séjour en France, de l'absence d'activité professionnelle de M. et Mme A..., de leur absence de maîtrise de la langue française, et de l'absence d'obstacle justifié à la poursuite de leur vie privée et familiale en cas de retour dans leur pays d'origine, dans lequel il n'est pas établi qu'ils ne disposent pas de liens privés et familiaux, que les décisions portant obligation de quitter le territoire n'a pas porté à leur droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises.
8. En quatrième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
9. M. et Mme A... soutiennent que les décisions attaquées contreviennent à l'intérêt supérieur de leurs enfants scolarisés en lycée professionnel, en collège et en école élémentaire. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier, que, quelle que soit la qualité des résultats scolaires de leurs filles aînées, lesquelles ont déjà effectué une partie de leur scolarité dans leur pays d'origine qu'elles n'ont quitté qu'à l'âge de 14 et 11 ans, quatre ans avant la date des décisions attaquées, leurs enfants ne pourraient poursuivre normalement leur scolarité en cas de retour dans ce dernier pays. Par suite, les décisions attaquées, qui n'impliquent aucune séparation des requérants de leurs enfants, ne peuvent être regardées comme ayant méconnu les stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
10. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, et eu égard à ce qu'a été dit aux points 7 et 9 du présent arrêt, que les décisions portant obligation de quitter le territoire seraient entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des requérants, dont les demandes d'admission au séjour au titre de l'asile ont par ailleurs été rejetées.
Sur la fixation du pays de destination :
11. Pour les motifs énoncés aux points 5, 7 et 10 du présent arrêt, les décisions désignant le Kosovo comme pays de destination dans l'hypothèse d'une exécution d'office des obligations de quitter le territoire sont suffisamment motivées et ne sont pas contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ou entachées d'erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation des requérants et de leurs enfants.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements du 22 mars 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté leurs demandes dirigées contre les arrêtés préfectoraux du 10 septembre 2020. Il n'y a plus lieu, dès lors, de statuer sur les conclusions des requêtes tendant au sursis à exécution desdits jugements. Leurs conclusions tendant au prononcé de mesures d'injonction ou au bénéfice des frais d'instance doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu à statuer sur les requêtes n° 21PA03349 et n° 21PA03350 de M. et Mme A....
Article 2 : Les requêtes n° 21PA03347 et n° 21PA03348 de M. et Mme A... sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président de chambre,
- M. Simon, premier conseiller,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 11 février 2022.
Le rapporteur,
C. SIMONLe président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA03347, 21PA03348, 21PA03349, 21PA03350