Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... A... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012.
Par un jugement n° 1719465/1-1 du 2 octobre 2019, le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de 1 036 501 euros en droits et 921 826 euros en majorations et rejeté le surplus des conclusions de leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 décembre 2019 et 12 octobre 2020, M. et Mme A..., représentés par Me Eric Planchat, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1719465/1-1 du 2 octobre 2019 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée devant le tribunal ;
3°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle suivante : " Dans son arrêt du 26 février 2013, Aklagaren c/ Hans Åkerberg Fransson, la Cour de justice des communautés européennes a considéré que l'article 50 de la charte des droits fondamentaux est applicable dans un litige concernant la taxe sur la valeur ajoutée. Le financement français de l'Union Européenne s'opère, en application de l'article 6 de la loi organique relative aux lois de finances, par la technique d'un prélèvement sur recettes sur le budget général de sorte que la ressource propre " taxe sur la valeur ajoutée " et la ressource propre " revenu national brut " sont toutes deux alimentées par l'ensemble des impositions perçues par l'Etat. Il y aurait ainsi, au sens de la jurisprudence européenne, un " lien direct " entre la perception des impositions nationales et la mise à disposition du budget de l'Union des ressources propres. Dans ces conditions, la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne a-t-elle vocation à s'appliquer non seulement en matière de taxe sur la valeur ajoutée mais plus largement dans le cadre de procédures afférentes à des impôts directs ' " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement n'est pas motivé en ce qui concerne l'irrégularité de la vérification de comptabilité dont la société Terre Neuve a fait l'objet ;
- la procédure d'imposition a méconnu l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les principes constitutionnels d'égalité devant la loi et des droits de la défense, l'absence d'accès à l'intégralité du dossier que l'administration fiscale a consulté auprès de l'autorité judiciaire constituant une atteinte au principe d'égalité des armes ;
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, ce qui constitue une erreur substantielle au sens de l'article L. 80 CA du même livre ;
- l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle est irrégulier, dès lors que la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Paris a prononcé la nullité d'actes et que l'administration ne leur a pas communiqué les écoutes téléphoniques ordonnées par l'autorité judiciaire ;
- la procédure d'imposition est irrégulière, dès lors que les rectifications sont fondées sur la vérification de comptabilité irrégulière de la société Terre Neuve, qui a été privée de débat oral et contradictoire sur les documents comptables que l'administration a consultés auprès de l'autorité judiciaire, sans inviter son gérant à l'accompagner, l'examen des pièces comptables ne s'étant pas déroulé sur place ;
- la proposition de rectification insuffisamment motivée n'a pas interrompu le cours de la prescription du droit de reprise ;
- l'administration n'établit pas l'existence et le montant des revenus imposés sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts, ainsi que leur appréhension ;
- l'administration a méconnu les dispositions de l'article 8 et du 2ème alinéa du I de l'article 238 bis K du code général des impôts en estimant que les résultats de la SCI Bergame revenant à la SCI Varese généraient des revenus fonciers, ces résultats devant être déterminés suivant les règles applicables aux bénéfices industriels et commerciaux ;
- les revenus d'origine indéterminée ne peuvent être fondés sur des pièces de la procédure pénale annulées par la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Paris ;
- ils subissent une double imposition.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 août 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. et Mme A... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 8 octobre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 6 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Platillero,
- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Planchat, pour M. et Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, à l'issue duquel une proposition de rectification du 29 octobre 2014 leur a été adressée. Au terme de la procédure, ils ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sur les hauts revenus et de contributions sociales, assorties d'intérêts de retard et de pénalités, au titre des années 2011 et 2012. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 2 octobre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de 1 036 501 euros en droits et 921 826 euros en majorations, a rejeté le surplus des conclusions de leur demande tendant à la décharge de ces impositions.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A..., le tribunal a suffisamment répondu, au point 3 du jugement attaqué, aux moyens tirés de ce que la vérification de comptabilité de la société Terre Neuve, dont M. A... était associé et gérant, avait été irrégulière et de ce que les éléments recueillis à cette occasion ne leur étaient pas opposables. Les requérants, qui ne peuvent utilement contester le bien-fondé du jugement pour en remettre en cause la régularité, ne sont ainsi pas fondés à soutenir que le tribunal aurait omis de répondre à leurs moyens.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne l'application de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales :
3. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 (...) Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". L'obligation ainsi faite à l'administration fiscale de tenir à la disposition du contribuable qui le demande, avant la mise en recouvrement d'impositions établies au terme d'une procédure de rectification contradictoire, les documents ou copies de documents qui contiennent les renseignements qu'elle a utilisés pour procéder aux rectifications correspondantes, sauf dans le cas où ces renseignements sont librement accessibles au public, permet au contribuable de vérifier l'authenticité de ces documents et d'en discuter la teneur ou la portée et constitue ainsi une garantie pour l'intéressé. Cette obligation ne peut toutefois porter que sur les documents originaux ou les copies de ces documents effectivement détenus par les services fiscaux. Par suite, au cas notamment où les documents que le contribuable demande sont détenus non par l'administration fiscale, qui en a seulement pris connaissance dans l'exercice de son droit de communication, mais par l'autorité judiciaire, il appartient à l'administration fiscale de renvoyer l'intéressé vers cette autorité. En revanche, au cas où l'administration, dans l'exercice de son droit de communication, a pris des copies des documents détenus par un autre service, elle est tenue, en principe, de mettre l'intégralité de ces copies à la disposition du contribuable. Cependant, les dispositions législatives protégeant le secret professionnel peuvent faire obstacle à la communication par l'administration à un contribuable de renseignements concernant un tiers, sans le consentement de celui-ci ou de toute personne habilitée à cet effet. Peuvent, dès lors, être régulièrement établies des rectifications fondées sur des documents dont les copies détenues par les services fiscaux n'ont été communiquées au contribuable qu'après occultation des informations couvertes par un tel secret.
4. Il résulte de l'instruction que pour imposer au nom des requérants, sur le fondement des dispositions du c) de l'article 111 du code général des impôts, les sommes correspondant à des charges comptabilisées par la société Terre Neuve au titre de factures qui auraient été émises par la société Reds, au motif que ces factures ne correspondaient à aucune prestation réelle mais à des revenus occultes de M. A..., l'administration fiscale a exercé son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, autorisé par le procureur de la République le 23 octobre 2013 et le juge d'instruction le 6 novembre 2013, en application des articles L. 81, L. 82 C, L. 101 et R. 81-4 du livre des procédures fiscales, en vue de consulter la procédure n° P 12 117 6130/4 ouverte devant le Tribunal de grande instance de Paris. Elle a ainsi consulté la procédure le 6 novembre 2013 et les scellés le 20 novembre 2013 et a utilisé, ainsi que le mentionne la proposition de rectification du 29 octobre 2014, des procès-verbaux qui figuraient dans la procédure pénale, portant notamment les cotes D890, D1194 et D1313.
5. Par un courrier du 8 janvier 2015, M. et Mme A... ont demandé que leur soit communiquée " l'intégralité des copies des pièces et scellés du dossier n° P 12 117 6130/4 consulté auprès de l'autorité judiciaire ". Par un courrier du 4 février 2015, l'administration, après avoir rappelé qu'elle n'avait pas pris copie de l'intégralité des pièces et scellés et qu'elle avait déjà communiqué une partie des pièces à la suite d'une première demande du 23 janvier 2014, a communiqué les pièces utilisées pour fonder les rectifications qui ne l'avaient pas encore été. Les requérants n'apportent aucun élément qui permettrait de supposer que le dossier pénal aurait contenu des documents ou informations de nature à leur permettre de se défendre utilement en faisant douter de l'inexistence des prestations prétendument assurées par la société Reds, alors qu'il est constant que M. A... a été mis en examen et a ainsi eu accès à la procédure. Dans ces conditions, l'administration a rempli les obligations qui lui incombaient en application de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir qu'ils auraient été privés d'une garantie.
6. A cet égard, en l'absence de toute allégation sérieuse permettant de supposer que le dossier pénal consulté par l'administration aurait contenu des documents ou informations faisant douter de l'inexistence des prestations prétendument assurées par la société Reds au titre des années en litige, M. et Mme A... ne sont en tout état de cause pas fondés à soutenir que la procédure d'imposition aurait méconnu l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les principes constitutionnels d'égalité devant la loi et des droits de la défense, au seul motif qu'ils n'ont pas eu accès en cours de contrôle à l'intégralité du dossier pénal consulté par l'administration, qui n'était pas tenue de préciser la date à laquelle elle a été informée de l'instruction judiciaire en cours et la date de sa demande d'exercice du droit de communication, les stipulations et principes invoqués n'imposant pas par principe à cette dernière d'organiser un tel accès.
7. Par ailleurs, s'agissant des revenus d'origine indéterminée, il résulte de la proposition de rectification que l'administration a consulté et utilisé des procès-verbaux qui figuraient également dans la procédure pénale, portant notamment les cotes D652, D866 et D1313, et qui ont révélé la remise de fonds en espèces au profit de M. A.... Si le procès-verbal portant la cote D652 a été établi à partir d'écoutes téléphoniques, l'administration n'a fondé les rectifications que sur ce procès-verbal et non pas sur ces écoutes téléphoniques. Dans ces conditions, M. et Mme A..., qui ne soutiennent d'ailleurs pas que ce procès-verbal contiendrait des éléments erronés alors que l'époux a eu accès à la procédure pénale, ne sont pas fondés à soutenir que l'administration aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales en ne leur communiquant pas les écoutes téléphoniques précédemment mentionnées.
En ce qui concerne la motivation de la proposition de rectification :
8. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ".
9. La proposition de rectification du 29 octobre 2014 comporte la désignation des impositions concernées, des années d'imposition et des bases d'imposition. Elle précise que l'administration a exercé son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, autorisé par le procureur de la République le 23 octobre 2013 et le juge d'instruction le 6 novembre 2013, en application des articles L. 81, L. 82 C, L. 101 et R. 81-4 du livre des procédures fiscales, en vue de consulter la procédure n° P 12 117 6130/4 ouverte devant le Tribunal de grande instance de Paris, et a consulté la procédure le 6 novembre 2013 et les scellés le 20 novembre 2013. Elle précise également que les éléments issus de la procédure judiciaire démontrent que la société Terre Neuve, dont M. A... est gérant et associé, a comptabilisé en charges déductibles des factures fictives émises par la société de droit américain Reds et cite les éléments de fait résultant des procès-verbaux portant notamment les cotes D890, D1194 et D1313, qui sont mentionnés et qui justifient l'existence de factures fictives, les éléments de la procédure judiciaire utilisés étant reproduits en annexe à la proposition de rectification. Elle comporte en outre un tableau qui identifie précisément les paiements effectués par la société Terre Neuve sur le fondement de fausses factures à l'en-tête de la société Reds et cite ainsi précisément les sommes concernées. Elle mentionne enfin les motifs pour lesquels ces sommes sont regardées comme des revenus distribués au profit de M. A..., imposables sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts.
10. Il résulte de ce qui précède que la proposition de rectification est suffisamment motivée en application de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, permettant à
M. et Mme A... de formuler utilement des observations, l'administration n'étant pas tenue, compte tenu de la teneur de la proposition de rectification adressée aux requérants, de leur adresser ou de reproduire en outre les propositions de rectification notifiées à la société Terre Neuve. Par suite, le moyen tiré de l'application de l'article L. 80 CA du même livre doit également être écarté.
En ce qui concerne la régularité de l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle :
11. Il résulte de la proposition de rectification du 29 octobre 2014 que l'administration fiscale a fondé les rectifications en matière de revenus d'origine indéterminée sur la transcription d'écoutes téléphoniques portant la cote D652 dans le cadre de la procédure n° P 12 117 6130/4 ouverte devant le Tribunal de grande instance de Paris, qui a révélé qu'un tiers a remis en espèces à M. A... les sommes de 50 000 euros en novembre 2011, 100 000 euros en mars 2012 et 50 000 euros le 24 septembre 2012, la cote D866 révélant le lieu et l'heure de cette dernière remise. Elle s'est également fondée sur un procès-verbal d'audition de M. A... portant la cote D1313, qui confirme les montants de ces remises d'espèces. A partir de ces éléments, l'administration a établi une balance des espèces dont la discordance, en l'absence de réponse assortie de justificatifs par M. A... aux demandes du vérificateur, a été imposée en tant que revenus d'origine indéterminée. Si la proposition de rectification cite également les cotes D 890/8 et D 890/9, dont la nullité a été prononcée par la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Paris par un arrêt du 12 décembre 2017, ces cotes sont seulement citées mais ne fondent pas les rectifications, les montants mentionnés dans les mêmes cotes étant exclus de la balance des espèces, et n'ont même pas été utilisées pour conforter ces rectifications. Dans ces conditions, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle dont ils ont fait l'objet serait irrégulier au motif qu'auraient été utilisés des éléments de preuve illicites.
En ce qui concerne le moyen tiré d'une vérification de comptabilité irrégulière de la société Terre Neuve :
12. M. et Mme A... soutiennent que les impositions en litige établies sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts résultent d'une vérification de comptabilité de la société Terre Neuve au cours de laquelle cette société a été privée de débat oral et contradictoire sur les documents comptables que l'administration a consultés auprès de l'autorité judiciaire, sans inviter son gérant à l'accompagner, l'examen des pièces comptables ne s'étant pas déroulé sur place. Toutefois, en raison du principe d'indépendance des procédures de rectification menées à l'encontre d'une société à responsabilité limitée et de ses associés, les irrégularités de la procédure de rectification suivie à l'encontre de la société, à les supposer établies, sont sans incidence sur l'imposition personnelle de l'associé au titre des revenus distribués entre ses mains au prorata de leurs droits en application du c) de l'article 111 du code général des impôts.
13. Par ailleurs, il résulte au demeurant de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 29 octobre 2014, que le principe des rectifications en litige n'a pas été mis en évidence par une comparaison de documents comptables ou de pièces justificatives, dont l'administration aurait remis en cause l'exactitude, avec les déclarations fiscales de la société Terre Neuve, mais par l'exercice du droit de communication. Ainsi, il résulte de la proposition de rectification et de ses annexes, reprenant le contenu de procès-verbaux de déposition d'une salariée de la société suisse GPF, établie à Genève, portant la cote D1194, dont les termes ont été confirmés par M. A..., associé et gérant de la société Terre Neuve, dans un procès-verbal de déposition portant la cote D1313, que la société Reds, établie aux Etats-Unis, a été créée dans le but de détourner des fonds de la société Terre Neuve en lui facturant des services fictifs par le biais de fausses factures prétendument émises par la société Reds au nom de la société Terre Neuve, mais en réalité fabriquées dans les locaux de la société GPF à partir de documents manuscrits adressés à cette société par M. A... par des télécopies qui mentionnaient le mois de la facture, les titres des films, les montants des prestations fictives pour chaque film et le montant à payer par la société Terre Neuve à la société Reds, sans porter sur aucun service réel, seul le dirigeant étant informé des fausses factures au sein de la société Terre Neuve. En outre, après intervention du dirigeant, un faux site commercial a été créé sous la dénomination Reds Research en 2011 et les factures émises à compter de 2008 en français ont été refaites en anglais pour correspondre à la localisation américaine du prétendu émetteur. S'agissant des paiements, à compter de 2003, la société panaméenne Largely Investment a été créée au profit de M. A..., ayant-droit économique de la société, dans le but de percevoir in fine les sommes détournées par la mise en place du système de fausses factures adressées à la société Terre Neuve sur un compte ouvert aux Etats-Unis puis, à compter de 2007, aux Bahamas. En outre, en vue d'éviter les frais de change occasionnés par le fait que la banque française qui tenait les comptes de la société Terre Neuve effectuait les prélèvements en euros et créditait la société Reds en dollars, les montants détournés ont à partir de 2009 été payés au profit de la société britannique Yewdale, gérée par la société GPF, en euros, sur le fondement d'une lettre prétendument adressée à cette société par la société Reds. Ainsi, le système mis en place au travers des sociétés GPF, Reds et Yewdale a permis de transférer les sommes détournées à l'aide de fausses factures portant l'en-tête de la société Reds sur le compte de la société Yewdale, qui transférait directement ou indirectement ces fonds sur le compte de la société Largely Investment au profit de son ayant-droit économique, lequel pouvait disposer librement des fonds.
14. Il résulte également en tout état de cause de l'instruction, notamment des écritures en défense du ministre qui ne sont pas contestées, que six interventions du vérificateur dans les locaux désignés par la société Terre Neuve ont été réalisées durant les mois d'octobre et novembre 2013, alors que l'administration a consulté la procédure pénale le 6 novembre 2013 et les scellés le 20 novembre 2013. Il ressort du contenu de courriels produits par le ministre que, contrairement à ce qui est soutenu, des pièces de la comptabilité ont été produites et que la vérification de comptabilité consistant en un rapprochement des pièces comptables avec les déclarations souscrites a débuté avant la consultation de la procédure judiciaire dans le cadre de l'exercice du droit de communication, le vérificateur ayant, s'agissant des factures prétendument émises par la société Reds, demandé à plusieurs reprises à la société Terre Neuve de produire des pièces complémentaires afin de justifier de la déduction des charges qu'il avait constatées dans les pièces comptables produites. Par ailleurs, le ministre fait valoir, sans que soient apportés d'éléments en sens contraire, que le caractère fictif des factures, confirmée à la suite de la consultation de la procédure judiciaire le 6 novembre 2013, a fait l'objet d'un débat oral et contradictoire au cours d'une intervention du 26 novembre 2013 et d'une réunion de synthèse du 10 décembre 2013. Enfin, compte tenu notamment de ce qui précède, il ne résulte pas de l'instruction que la vérification de comptabilité ne se serait pas déroulée sur place, mais dans le cabinet du juge d'instruction en charge de la procédure pénale ou dans les locaux de l'administration, à partir des scellés consultés par le vérificateur ou de copies que celui-ci aurait alors faites.
15. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales à l'égard de la société Terre Neuve, à le supposer opérant, doit être écarté en toutes ses branches.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la prescription du droit de reprise :
16. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu (...) le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) ".
17. Pour les motifs mentionnés au point 9, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que la proposition de rectification du 29 octobre 2014 n'aurait pas interrompu le cours de la prescription du droit de reprise compte tenu de l'insuffisance de motivation des rectifications relatives aux revenus de capitaux mobiliers imposés sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts.
En ce qui concerne les revenus de capitaux mobiliers :
18. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ".
19. D'une part, il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification et de ses annexes et compte tenu des éléments de fait mentionnés aux points 9 et 13, que l'administration établit l'existence et le montant des revenus qualifiés d'occultes, en application des dispositions du c) de l'article 111 du code général des impôts, en provenance de la société Terre Neuve et au profit de M. A....
20. D'autre part, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il résulte des procès-verbaux précités dont la teneur est reprise en annexe de la proposition de rectification que M. A... ne s'est pas borné à reconnaître qu'il était le bénéficiaire économique de la société panaméenne Largely Investment, mais également qu'il était à l'origine du schéma de fausses factures mis en place à son profit, en vue de percevoir des revenus en provenance de la société Terre Neuve, occultés par l'intermédiation de factures émises à l'en-tête de la société Reds. L'administration apporte ainsi la preuve de l'appréhension par l'intéressé des sommes en litige.
21. A cet égard, dès lors que l'administration apporte la preuve qui lui incombe de l'appréhension des revenus distribués, elle n'était pas tenue de justifier de la qualité de maître de l'affaire de M. A..., d'identifier précisément la perception de chacune des sommes en litige sur des comptes bancaires ouverts au nom de l'intéressé ou d'établir une balance de trésorerie. Par ailleurs, dans la mesure où l'administration n'a pas soutenu que les sociétés Reds, Largely Invest et Yewdale étaient fictives, les requérants ne peuvent utilement soutenir que l'administration aurait été tenue de mettre en œuvre la procédure de répression des abus de droit en vue d'écarter la personnalité juridique de ces sociétés.
En ce qui concerne les revenus fonciers :
22. Aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " (...) les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société (...) Il en est de même, sous les mêmes conditions : 1° Des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l'une des formes de sociétés visées au 1 de l'article 206 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 (...) ". Aux termes de l'article 238 bis K du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. Lorsque des droits dans une société ou un groupement mentionnés aux articles 8, 8 quinquies, 239 quater, 239 quater B, 239 quater C ou 239 quater D sont inscrits à l'actif d'une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole imposable à l'impôt sur le revenu de plein droit selon un régime de bénéfice réel, la part de bénéfice correspondant à ces droits est déterminée selon les règles applicables au bénéfice réalisé par la personne ou l'entreprise qui détient ces droits. Si les droits en cause sont détenus par une société exerçant une activité agricole (...) ou un groupement d'exploitation en commun (...) qui relèvent de l'impôt sur le revenu selon le régime du forfait (...) ou, sur option, selon le régime du bénéfice réel simplifié d'imposition, les modalités d'imposition des parts de résultat correspondantes suivent les règles applicables en matière d'impôt sur les sociétés. Il en va de même lorsque cette société ou ce groupement a pour activité la gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier. Toutefois, si le contribuable apporte la preuve qu'une fraction des droits dans cette dernière société ou ce dernier groupement est elle-même détenue directement ou indirectement par des personnes physiques ou entreprises, qui entrent dans le champ d'application du II, cette règle ne s'applique pas à la part de bénéfice correspondante (...) II. Dans tous les autres cas, la part de bénéfice ainsi que les profits résultant de la cession des droits sociaux sont déterminés et imposés en tenant compte de la nature de l'activité et du montant des recettes de la société ou du groupement ".
23. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. et Mme A... n'ont pas déclaré de revenus fonciers au titre des années 2011 et 2012 à raison de la quote-part de M. A... dans le résultat de la société civile immobilière (SCI) Varese. Cette société de personnes, dont il est constant qu'elle n'a pas opté pour l'impôt sur les sociétés et dont les résultats sont imposables à l'impôt sur le revenu entre les mains de ses associés à raison de leur quote-part correspondant à leurs droits dans la société, dans la catégorie de revenus correspondant à l'activité de la société, a fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel ses revenus fonciers ont été rehaussés à concurrence des revenus déclarés par la SCI Bergame, dont elle était associée, cette dernière société ayant déclaré deux résultats fiscaux, l'un à répartir entre ses associés personnes physiques suivant le régime des revenus fonciers, l'autre à attribuer à la SCI Varese suivant le régime des bénéfices industriels et commerciaux. L'administration a estimé que les résultats de la SCI Bergame devaient intégralement être calculés suivant le régime des revenus fonciers et a ainsi porté le résultat de la SCI Varese de l'année 2011 à 97 000 euros et de l'année 2012 à 81 500 euros. Elle a imposé M. A... en sa qualité d'associé à hauteur de ces sommes.
24. M. et Mme A... soutiennent qu'en application de l'article 8 et du deuxième alinéa du
I de l'article 238 bis K du code général des impôts, la SCI Bergame devait calculer la part de bénéfice revenant à la SCI Varese, qui devait être assujettie à l'impôt sur les sociétés pour cette part, suivant le régime des bénéfices industriels et commerciaux, dès lors que l'activité de la SCI Varese constituait une activité de location de biens immobiliers par sociétés interposées et ainsi de gestion de son propre patrimoine mobilier et immobilier. Toutefois, si la SCI Varese, qui n'a pas opté pour l'impôt sur les sociétés, était une société ayant une telle activité, interposée en étant membre d'une autre SCI relevant des revenus fonciers, cette circonstance ne suffit pas à permettre de déterminer sa quote-part de résultats comme en matière de bénéfices industriels et commerciaux, dès lors qu'elle ne remplit pas toutes les conditions prévues au I de cet article. C'est dès lors à bon droit que les revenus en litige ont été imposés selon les règles et dans la catégorie des revenus fonciers en application des dispositions du II de l'article 238 bis K du code général des impôts.
25. En deuxième lieu, M. et Mme A... ont porté dans leurs déclarations de revenus des déficits fonciers antérieurs non encore imputés pour des montants de 159 378 euros en 2011 et de 147 243 euros en 2012, qui proviendraient des résultats de la SCI Varese de l'année 2009. En l'absence de justification de ce déficit, l'administration en a remis en cause la déduction et a ainsi imposé les bénéfices fonciers personnels par ailleurs déclarés pour des montants de 12 135 euros en 2011 et de 8 313 euros en 2012. Si M. et Mme A... soutiennent que l'administration a méconnu les dispositions de l'article 8 et du 2ème alinéa du I de l'article 238 bis K du code général des impôts, outre ce qui a été dit précédemment, ils n'apportent aucun élément de nature à établir le bien-fondé du déficit foncier antérieur dont ils se prévalent. C'est dès lors à bon droit que l'administration a remis en cause l'imputation de ce déficit.
26. En troisième lieu, M. et Mme A... ont déduit de leurs bénéfices fonciers déclarés en 2011 et 2012 des provisions pour charges à concurrence de 2 951 euros en 2011 et de 2 628 euros en 2012. L'administration a remis en cause ces déductions, au motif qu'aucun élément, tel que contrat de location, détail des revenus perçus et des provisions ou justificatifs de l'absence de régularisation des charges, n'avait été produit pour en établir le bien-fondé. Si M. et Mme A... soutiennent que l'administration a méconnu les dispositions de l'article 8 et du 2ème alinéa du I de l'article 238 bis K du code général des impôts, ce moyen est inopérant s'agissant de bénéfices fonciers personnels et, au demeurant, aucun justificatif n'est apporté permettant d'apprécier le bien-fondé des sommes déduites. C'est dès lors à bon droit que l'administration a remis en cause les sommes déduites.
En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée :
27. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements (...) Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés (...) Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionner à l'intéressé le délai de réponse dont il dispose en fonction des textes en vigueur ". L'article L. 16 A du même livre dispose que : " Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. Lorsque le contribuable a répondu de manière insuffisante aux demandes d'éclaircissements et de justification, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite ". Aux termes de l'article L. 69 de ce livre : " (...) Sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ".
28. D'une part, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 11, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que les impositions dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée seraient mal fondées, au motif qu'elles procèderaient de l'utilisation de preuves illicites.
29. D'autre part, si M. et Mme A... soutiennent qu'ils subissent une double imposition dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et des revenus d'origine indéterminée, ils n'apportent aucun élément à l'appui de leurs allégations, alors que, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, les impositions dans chacune de ces catégories ne procèdent pas de la même cause.
30. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles, que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions de leur demande. Leurs conclusions aux fins d'annulation de ce jugement et de décharge, en droits et majorations, des impositions supplémentaires auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012 restant en litige doivent dès lors être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
31. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme A... demandent au titre des frais qu'ils ont exposés.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction nationale de vérification des situations fiscales.
Délibéré après l'audience du 2 février 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Platillero, président,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2022.
Le président assesseur, rapporteur
En application de l'article R. 222-26 du code
de justice administrative
F. PLATILLEROL'assesseur le plus ancien,
F. MAGNARD
Le greffier,
I. BEDRLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA03884