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24/02/2022 | FRANCE | N°21PA04066

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 24 février 2022, 21PA04066


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Crisenoy, M. B... A..., M. C... A... et autres ont demandé au tribunal administratif de Melun, à titre principal, d'annuler l'arrêté en date du 13 décembre 2018 de la préfète de Seine-et-Marne portant déclaration d'utilité publique, à titre subsidiaire d'annuler cet arrêté en tant qu'il autorise les travaux et les acquisitions foncières nécessaires à la réalisation du projet de déviation et de recalibrage de la route départementale

n° 57.

Par un jugement n° 1901421 d

u 12 mai 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Procédure devant la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Crisenoy, M. B... A..., M. C... A... et autres ont demandé au tribunal administratif de Melun, à titre principal, d'annuler l'arrêté en date du 13 décembre 2018 de la préfète de Seine-et-Marne portant déclaration d'utilité publique, à titre subsidiaire d'annuler cet arrêté en tant qu'il autorise les travaux et les acquisitions foncières nécessaires à la réalisation du projet de déviation et de recalibrage de la route départementale

n° 57.

Par un jugement n° 1901421 du 12 mai 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête n° 21PA04066 enregistrée le 18 juillet 2021, M. C... A..., représenté par Me Charlotte Aspe, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1901421 du 12 mai 2021 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 13 décembre 2018 déclarant d'utilité publique le projet de déviation et de recalibrage de la route départementale n° 57 et l'aménagement d'un carrefour giratoire entre cette route et la route nationale n° 36, sur le territoire des communes de Crisenoy et de Fouju ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le dossier soumis à l'enquête publique était incomplet car le périmètre de l'étude d'impact ne prenait pas en compte la ZAC ; les aménagements routiers visés par la déclaration d'utilité publique étant indissociables de la ZAC des Bordes, il était nécessaire de présenter à l'enquête publique relative au projet d'aménagements routiers une étude d'impact prenant en compte l'ensemble des aménagements projetés pour la réalisation de la ZAC ;

- contrairement aux recommandations de l'autorité environnementale, le dossier

présenté à l'enquête publique pour la demande d'autorisation des aménagements

routiers ne prenait pas en compte tous les aménagements projetés pour la réalisation de la ZAC, ainsi que la globalité de leurs impacts ; ce dossier était insuffisant pour la complète information du public, dès lors qu'il n'incluait pas la réalité des conséquences environnementales de la zone d'aménagement concerté dans son périmètre d'étude ;

- ainsi que l'a relevé l'autorité environnementale, l'étude d'impact était entachée de plusieurs insuffisances ; les dispositions du III de l'article L. 122-1 du code de l'environnement ont été méconnues dès lors que l'impact environnemental des plates-formes logistiques a été exclu de l'étude ;

- l'insuffisance de l'étude d'impact a eu des conséquences sur l'information du public et l'avis de la commission d'enquête publique ;

- l'étude d'impact est insuffisante s'agissant de l'analyse des conséquences du projet sur la santé publique et la qualité de l'air ; la recommandation de l'autorité environnementale sur ce point n'a pas été suivie ; l'arrêté du 13 décembre 2018 est entaché sur ce point d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le bilan coûts/avantages de l'opération projetée ayant fait l'objet de la DUP est largement négatif d'un point de vue humain ; aucune étude de tracé alternatif des infrastructures routières passant à quelques dizaines de mètres des habitations n'a été envisagée ; les réserves de la commission d'enquête publique ne pouvaient être regardées comme levées ;

- l'étude d'impact annonce, pour la faune et la flore, des prospections complémentaires qui n'ont jamais été réalisées ;

- aucune mesure de protection n'est prévue pour les oiseaux présents dans le périmètre du projet ;

- l'article D. 112-1-18 du code rural et de la pêche maritime a été méconnu ; les pièces versées au dossier concernant le projet de compensation agricole sont imprécises et ne sont pas suffisantes pour pouvoir apprécier la réalité de ce projet ;

- l'aménageur n'est pas de bonne foi et la population s'oppose au projet.

Par un mémoire en intervention enregistré le 24 novembre 2021, le département de Seine-et-Marne, représenté par Me Peynet, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge du requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 janvier 2022, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

II. Par une requête n°21PA04067 enregistrée le 18 juillet 2021, M. B... A..., représenté par Me Christophe A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1901421 du 12 mai 2021 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 13 décembre 2018 déclarant d'utilité publique le projet de déviation et de recalibrage de la route départementale 57 et l'aménagement d'un carrefour giratoire entre cette route et la route nationale 36, sur le territoire des communes de Crisenoy et de Fouju ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il invoque les mêmes moyens que ceux de la requête n° 21PA04066.

Par un mémoire en intervention enregistré le 24 novembre 2021, le département de Seine-et-Marne, représenté par Me Peynet, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge du requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 janvier 2022, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Doré,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique,

- et les observations de Me Peynet pour le département de Seine-et-Marne.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat mixte de la charte intercommunale de Crisenoy-Fouju-Moisenay, auquel a succédé la communauté de communes Brie des rivières et châteaux, a approuvé la création d'une zone d'aménagement concerté dite " des Bordes " de 110 hectares sur le territoire des communes de Crisenoy et de Fouju par une délibération du 5 juillet 2007, puis a approuvé le dossier de réalisation et le programme des équipements publics de cette zone par deux délibérations du

19 décembre 2013. La commune de Crisenoy s'est par la suite opposée à la création de cette zone et un premier secteur opérationnel de 40 hectares a été défini sur le seul territoire de la commune de Fouju. La société Percier Réalisation Développement (PRD), titulaire de la concession d'aménagement, a saisi le préfet d'une demande d'autorisation d'exploitation au titre des installations classées pour la protection de l'environnement, afin d'y réaliser une plate-forme logistique. La formation d'autorité environnementale du conseil général de l'environnement et du développement durable s'est prononcée sur cette demande d'autorisation le 14 juin 2017, l'enquête publique s'est déroulée du 16 août au 16 septembre 2017 et la commission d'enquête a rendu un avis favorable le 16 octobre 2017. Afin d'améliorer le fonctionnement du croisement entre la RD 57 et la RN 36 et d'éviter une augmentation de trafic au niveau du hameau des Bordes, situé au nord-ouest de l'opération, des aménagements routiers ont été prévus, à savoir une déviation de la RD 57 par le sud du hameau, la création d'un carrefour giratoire à cinq branches entre la RN 36, la RD 57 actuelle et la déviation de la RD 57, le recalibrage d'une partie de la RD 57 et la création d'un carrefour giratoire à 3 branches sur la RD 57 pour l'accès à la zone. Ce projet a été soumis par le préfet de Seine-et-Marne à la formation d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable, qui a rendu un avis le 8 novembre 2017. Une enquête publique unique, regroupant l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique, l'enquête parcellaire et l'enquête publique au titre de la loi sur l'eau, s'est déroulée du 8 janvier au 8 février 2018 et la commission d'enquête a, notamment, émis un avis favorable à la déclaration d'utilité publique, assorti de deux réserves et de trois recommandations. Par une délibération en date du 25 juin 2018, le département de Seine-et-Marne a adopté une déclaration de projet. Enfin, par un arrêté du 13 décembre 2018, la préfète de Seine-et-Marne a déclaré d'utilité publique les aménagements routiers en cause. La commune de Crisenoy et des habitats de la commune, dont M. B... A... et M. C... A..., ont saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande d'annulation de cet arrêté. M. B... A... et M. C... A... relèvent appel du jugement du 12 mai 2021 par lequel le tribunal a rejeté leur demande.

Sur la jonction :

2. Les requêtes d'appel présentées par M. B... A... et M. C... A... étant formés contre un même jugement, présentant à juger des mêmes questions et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'étude d'impact :

3. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 122-1 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable en l'espèce : " (...) III. L'évaluation environnementale est un processus constitué de l'élaboration, par le maître d'ouvrage, d'un rapport d'évaluation des incidences sur l'environnement, dénommé ci-après "étude d'impact", de la réalisation des consultations prévues à la présente section, ainsi que de l'examen, par l'autorité compétente pour autoriser le projet, de l'ensemble des informations présentées dans l'étude d'impact et reçues dans le cadre des consultations effectuées et du maître d'ouvrage. (...) Lorsqu'un projet est constitué de plusieurs travaux, installations, ouvrages ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, il doit être appréhendé dans son ensemble, y compris en cas de fractionnement dans le temps et dans l'espace et en cas de multiplicité de maîtres d'ouvrage, afin que ses incidences sur l'environnement soient évaluées dans leur globalité (...) ".

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport de la commission d'enquête publique du 10 mars 2018, que le dossier d'enquête publique mis à la disposition du public comportait notamment l'étude d'impact réalisée en 2013, au stade de l'approbation du dossier de réalisation de la zone d'aménagement concertée des Bordes. A la différence de la notice explicative, concentrée sur les aménagements routiers, cette étude d'impact concernait l'ensemble du projet d'aménagement. Dans ces conditions, manque en fait le moyen tiré de ce que l'étude d'impact mise à la disposition du public dans le cadre de l'enquête publique unique qui s'est déroulée du 8 janvier au 8 février 2018 ne concernait que les aménagements routiers alors qu'elle aurait dû appréhender les effets de l'ensemble du projet d'aménagement en cause. D'autre part, compte tenu de la différence d'objet entre les finalités poursuivies et de la possibilité de mettre en œuvre les travaux indépendamment les uns des autres, la création de la zone d'aménagement des Bordes, qui vise à aménager des terrains en vue de l'implantation d'activités économiques, ne constitue pas, avec l'installation d'une entreprise particulière sur cette zone, un projet unique au sens des dispositions précitées du III de l'article L. 122-1 du code de l'environnement et l'étude d'impact en litige n'avait, par suite, pas à porter également sur l'installation classée pour la protection de l'environnement projetée. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut ainsi qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes du III de l'article L. 122-1-1 de ce code, dans sa version applicable : " Les incidences sur l'environnement d'un projet dont la réalisation est subordonnée à la délivrance de plusieurs autorisations sont appréciées lors de la délivrance de la première autorisation. Lorsque les incidences du projet sur l'environnement n'ont pu être complètement identifiées ni appréciées avant l'octroi de cette autorisation, le maître d'ouvrage actualise l'étude d'impact en procédant à une évaluation de ces incidences, dans le périmètre de l'opération pour laquelle l'autorisation a été sollicitée et en appréciant leurs conséquences à l'échelle globale du projet. En cas de doute quant à l'appréciation du caractère notable de celles-ci et à la nécessité d'actualiser l'étude d'impact, il peut consulter pour avis l'autorité environnementale. Sans préjudice des autres procédures applicables, les autorités mentionnées au V de l'article L. 122-1 donnent un nouvel avis sur l'étude d'impact ainsi actualisée (...) ".

6. Les requérants, qui se prévalent de l'avis de l'autorité environnementale du 8 novembre 2017, doivent être regardés comme soutenant que l'étude d'impact aurait dû être actualisée en application des dispositions précitées afin de tenir compte des évolutions apportées à la zone d'aménagement concerté depuis 2013 et notamment du projet de création d'une plate-forme logistique, lequel a fait l'objet, au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, d'une enquête publique et d'une étude d'impact distinctes.

7. Il ressort des pièces du dossier que, dans un avis du 21 mars 2017 en réponse à une consultation présentée par le département de Seine-et-Marne, l'autorité environnementale, saisie du projet d'aménagements routiers, a estimé qu'il n'était pas nécessaire d'actualiser l'étude d'impact réalisée en 2013 au stade de l'approbation du dossier de réalisation de la zone d'aménagement concertée des Bordes, dès lors qu'elle mentionnait déjà des aménagements routiers et que le tracé et les caractéristiques du projet soumis à l'enquête publique unique étaient moins importants que le projet initial.

8. Il ressort en outre des pièces du dossier, notamment du rapport de la commission d'enquête publique du 10 mars 2018 qui liste les pièces composant le dossier d'enquête publique, que le dossier mis à la disposition du public comportait, outre l'étude d'impact réalisée en 2013, une étude de circulation datée de mars 2017 et un diagnostic faune et flore de juin 2017 ainsi que le mémoire établi par le département de Seine-et-Marne en réponse aux observations de l'autorité environnementale dans son avis du 8 novembre 2017, lequel comportait en annexe 5-2 la version finale du diagnostic faune et flore établie en décembre 2017. Ce mémoire exposait notamment, en réponse aux critiques formulées par l'autorité environnementale, l'évolution du projet d'aménagement en précisant le phasage de commercialisation de la zone d'aménagement concertée, en distinguant un premier projet sur le territoire de la commune de Fouju dénommé Fouju 1, correspondant à une commercialisation prochaine et un projet Fouju 2, " en attente d'une demande identifiée de commercialisation ". Il était également relevé que l'aménageur ne présentait pas de projet d'urbanisation sur la partie de la zone située sur le territoire de la commune de Crisenoy, dans l'attente d'une éventuelle révision de son plan local d'urbanisme. Il était encore mentionné que les travaux concernant les réseaux projetés dans le cadre du dossier de réalisation des équipements de la zone n'étaient pas modifiés. Figuraient en outre en annexe de ce mémoire, un plan des emprises foncières correspondant aux deux phases de commercialisation, ainsi qu'un complément au résumé non technique de l'étude d'impact de la zone d'aménagement concerté des Bordes, qui rappelait notamment que la réalisation d'aménagements routiers sur la route départementale 57 et la réalisation de bâtiments logistiques étaient déjà prévues dans l'étude d'impact de 2013.

9. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que les incidences du projet global sur l'environnement n'avaient pas pu être complètement identifiées ou appréciées lors de l'approbation du programme de réalisation de la zone d'aménagement concerté des Bordes. En outre, compte tenu des compléments apportés à la suite de l'avis de l'autorité environnementale du 8 novembre 2017, le public a été informé des évolutions du projet depuis 2013. Enfin, les requérants n'apportent aucune précision sur les éléments qui n'auraient pas été soumis au public. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions précitées du III de l'article L. 122-1-1 du code de l'environnement relatives à l'actualisation de l'étude d'impact aurait été méconnues. Ils ne sont pas plus fondés à soutenir que le dossier soumis à l'enquête publique aurait été incomplet ou aurait omis de présenter au public l'ensemble des éléments nécessaires à sa complète information.

10. En troisième lieu, si les requérants font valoir que l'avis de la formation d'autorité environnementale du conseil général de l'environnement et du développement durable du

8 novembre 2017 fait apparaître " l'extrême faiblesse de l'étude d'impact ", il ressort des pièces du dossier que le département de Seine-et-Marne a présenté un mémoire argumenté en réponse à cet avis, qui a été joint aux documents soumis à l'enquête publique. En se bornant, pour l'essentiel, à citer l'avis du 8 novembre 2017, sans préciser les points sur lesquels le mémoire en réponse du département serait insuffisant, les requérants n'assortissent pas leur moyen de précisions suffisantes pour permettre à la Cour d'en apprécier le bien-fondé.

11. En quatrième lieu, si les requérants font valoir, citant de nouveau l'avis du 8 novembre 2017, que l'étude d'impact est insuffisante s'agissant de l'appréciation des conséquences du projet sur la qualité de l'air, le département a, dans son mémoire en réponse à cet avis, produit des informations complémentaires concernant les concentrations en oxydes d'azote et en particules fines en suspension dans l'air, joignant notamment en annexe le rapport de la société Egis environnement du 8 décembre 2017 établi à la suite d'une campagne de mesures de la qualité de l'air. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ces éléments d'information seraient erronés ou insuffisants.

12. En cinquième lieu, si les requérants font valoir, concernant l'impact du projet sur la faune et la flore, que des prospections complémentaires devaient être réalisées par la société Biotope en juillet et en août 2017, il ressort des pièces du dossier qu'elles l'ont été et que la version finale du diagnostic faune et flore a été établie en décembre 2017 et versée au dossier d'enquête publique en annexe au mémoire du département en réponse à l'avis de l'autorité environnementale. Les requérants n'apportent aucun élément précis pour contredire les conclusions de ce diagnostic qui relèvent que " les enjeux faune et flore (...) sont globalement faibles. (...) Au regard de l'évaluation des impacts résiduels après mesures d'évitement et de réduction exposées précédemment, le projet n'est pas de nature à nuire, à l'échelle locale, au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces de faune (...) ".

En ce qui concerne la levée des réserves émises par la commission d'enquête publique :

13. Il ressort de la déclaration de projet adoptée le 25 juin 2018 par le département de Seine-et-Marne et du courrier de la société PRD qui y est annexé, que la société PRD a confirmé par écrit son engagement d'aménager le contournement du hameau des Bordes en 3 sections, à savoir une première section partant du futur giratoire RN 36 / RD 57 ne présentant pas de merlon mais un cordon boisé composé d'arbres et d'arbustes en sous-bois, une deuxième section, le long de la voie nouvelle, côté hameau des Bordes, devant les habitations tournées vers l'ouest, devant comporter un merlon planté et arboré de trois strates de végétation dense et une troisième section, dans le prolongement de la précédente, comportant également un merlon mais moins densément planté. La société PRD, répondant précisément à la seconde réserve formulée par la commission d'enquête, s'est également engagée à étudier et affiner l'aménagement proposé en examinant la possibilité d'adapter le merlon prévu et de choisir un revêtement routier présentant les meilleures performances. Ainsi, le préfet de Seine-et-Marne a pu, sans entacher sa décision d'erreur de fait ou d'appréciation, relever que les deux réserves émises par la commission d'enquête publique avaient été levées.

En ce qui concerne l'appréciation de l'utilité publique :

14. Il appartient au juge, lorsqu'il se prononce sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs au regard de l'intérêt qu'elle présente.

15. Tout d'abord, le projet d'aménagements routiers déclaré d'utilité publique a pour finalité de réduire de trafic routier à venir sur la route départementale 57 en traversée du hameau des Bordes afin de limiter les nuisances et de garantir la sécurité des riverains, de fluidifier et sécuriser le carrefour entre les routes nationale 36 et départementale 57 et d'assurer la desserte de la zone d'aménagement concerté des " Bordes ". Il répond donc à une finalité d'intérêt général.

16. Ensuite, alors qu'il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier l'opportunité du choix de tracé retenu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les mêmes aménagements auraient pu être réalisés sans recourir à l'expropriation.

17. Enfin, si les requérants soutiennent que les aménagements routiers en cause seront situés à moins de 100 mètres de maisons d'habitation du hameau des Bordes, ce qui ne peut qu'avoir un impact sur la santé des habitants, l'importance de ce risque ne ressort pas des pièces du dossier compte tenu, notamment du tracé de la route qui contourne le hameau et du projet de mise en œuvre d'un merlon arboré entre la route et les maisons d'habitation les plus proches et alors que l'étude d'impact relève, dans la partie relative aux effets du projet sur la qualité de l'air et sur la santé, que l'augmentation des polluants atmosphériques devrait être limitée et que, compte tenu de l'orientation du vent, les polluants se diffuseront principalement dans la direction opposée aux habitations riveraines. De même, s'agissant des effets du projet sur la flore et la faune, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'étude d'impact et du diagnostic faune et flore établi en décembre 2017 par la société Biotope, que ces effets sont, pour l'essentiel, négligeables et que les mesures d'atténuation prévues lorsqu'ils doivent être faibles ou moyens, notamment au travers de la plantation de haies arbustives le long de la déviation routière et de la préservation du rôle de corridor écologique du ru d'Andy, sont suffisantes. Les requérants n'apportent, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, aucun élément de nature à remettre en cause cette appréciation. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que les atteintes portées à l'environnement sont excessives par rapport à l'intérêt que l'opération présente. Par ailleurs, l'opposition d'une partie de la population au projet n'est pas de nature à lui retirer son caractère d'utilité publique. Ainsi, le moyen tiré du défaut d'utilité publique du projet doit être écarté.

En ce qui concerne les mesures de compensation agricole :

18. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 112-1-3 du code rural et de la pêche maritime : " Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation, sont susceptibles d'avoir des conséquences négatives importantes sur l'économie agricole font l'objet d'une étude préalable comprenant au minimum une description du projet, une analyse de l'état initial de l'économie agricole du territoire concerné, l'étude des effets du projet sur celle-ci, les mesures envisagées pour éviter et réduire les effets négatifs notables du projet ainsi que des mesures de compensation collective visant à consolider l'économie agricole du territoire ". Aux termes de l'article D. 112-1-18 du code rural et de la pêche maritime : " I. - Font l'objet de l'étude préalable prévue au premier alinéa de l'article L. 112-1-3 les projets de travaux, ouvrages ou aménagements publics et privés soumis, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation, à une étude d'impact de façon systématique dans les conditions prévues à l'article R. 122-2 du code de l'environnement et répondant aux conditions suivantes : - leur emprise est située en tout ou partie soit sur une zone agricole, forestière ou naturelle (...) / la surface prélevée de manière définitive sur les zones mentionnées à l'alinéa précédent est supérieure ou égale à un seuil fixé par défaut à cinq hectares (...) II. - Lorsqu'un projet est constitué de plusieurs travaux, installations, ouvrages ou autres interventions au sens du dernier alinéa du III de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, la surface mentionnée à l'alinéa précédent correspond à celle prélevée pour la réalisation de l'ensemble du projet ". Il résulte des dispositions de l'article 2 du décret n° 2016-1190 du 31 août 2016 susvisé dont est issu l'article D. 112-1-18 précité, nécessaire à l'application de la loi, que sont soumis à l'exigence de l'enquête préalable prévue par l'article

L. 112-1-3 du code rural, les projets de travaux, ouvrages ou aménagements publics et privés pour lesquels l'étude d'impact prévue à l'article L. 122-1 du code de l'environnement a été transmise à l'autorité administrative de l'État compétente en matière d'environnement, définie à l'article R. 122-6 du code de l'environnement, à compter du premier jour du troisième mois suivant celui de la publication de ce décret au Journal officiel de la République française, soit à compter du 1er décembre 2016.

19. Il ressort des pièces du dossier que le projet d'aménagements routiers en cause emporte le prélèvement de moins de cinq hectares de terres agricoles et n'est, par suite, pas soumis aux dispositions précitées du code rural et de la pêche maritime. Si les requérants font valoir qu'il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des surfaces prélevées pour la réalisation de la zone d'aménagement concerté, l'étude d'impact de ce projet est antérieure à la date d'entrée en vigueur desdites dispositions. Par suite, les requérants ne peuvent pas utilement soutenir que le dossier soumis à l'enquête publique serait incomplet faute de comporter l'étude préalable prévue par les dispositions précitées de l'article L. 112-1-3 du code rural et de la pêche maritime ni, en tout état de cause, que les mesures de compensation agricole prévues sont insuffisantes.

En ce qui concerne le moyen tiré de la mauvaise foi de la société PRD :

20. Si les requérants allèguent que la société PRD est de mauvaise foi et aurait fait évoluer le projet depuis qu'il a été soumis à la préfecture de Seine-et-Marne dans le cadre de la demande de déclaration d'utilité publique, une telle circonstance, postérieure à la décision contestée, serait sans incidence sur sa légalité.

Sur les frais liés à l'instance :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse aux requérants la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

22. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... A... et de M. C... A... une somme de 750 euros chacun à verser au département de Seine-et-Marne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. B... A... et de M. C... A... sont rejetées.

Article 2 : M. B... A... et M. C... A... verseront chacun une somme de 750 euros au département de Seine-et-Marne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à M. C... A..., au département de Seine-et-Marne et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne, à la communauté de communes Brie-des-Rivières et Châteaux, à la commune de Fouju, à la commune de Crisenoy et à la société Percier Réalisation Développement.

Délibéré après l'audience du 3 février 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Doré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 février 2022.

Le rapporteur,

F. DORÉLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

C. POVSE

La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 21PA04066, 21PA04067


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04066
Date de la décision : 24/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. François DORE
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : COURAGE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-02-24;21pa04066 ?
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