Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 10 juin 2020 par lequel le préfet police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2010101/6 du 9 février 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Le Gall au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 mars 2021, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 février 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande de M. A... présentée devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
- la seule circonstance que la signature du Dr D... est illisible n'est pas de nature à faire regarder l'intéressé comme ayant été privé d'une garantie, dès lors que l'avis porte la mention " après en avoir délibéré, le collège de médecins de l'OFII émet l'avis suivant ", mention faisant foi jusqu'à preuve du contraire ;
- l'avis comporte l'identification claire et précise des trois médecins ayant siégé au sein du collège ;
- le caractère illisible de la signature de l'un des médecins n'a eu aucune incidence sur le sens de la décision prise ;
Sur les autres moyens de première instance :
- le signataire de la décision était compétent ;
- il ne s'est pas senti lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;
- l'arrêté n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'est pas démontré que le défaut de prise en charge aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et qu'il existe en Algérie des structures médicales et scolaires en mesure de prendre en charge l'enfant ;
- la circonstance que les deux autres enfants du couple soient scolarisés en France est sans influence sur le droit au séjour des parents ;
- l'intéressé, entré en France récemment, ne justifie ni d'une intégration particulière en France, ni d'obstacle à ce que la cellule familiale se reconstruise en Algérie ;
- la décision ne méconnait pas les stipulations de l'art. 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il s'en rapporte à ses écritures de première instance s'agissant des autres moyens de la requête.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2022, M. B... A..., représenté par Me Le Gall, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit versée à son conseil au titre de l'art. 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- contrairement à ce que soutient le préfet, la signature du Dr D... n'est pas illisible, mais inexistante, de sorte que la décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ;
- l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente ;
Sur le refus de titre :
- il viole les stipulations de l'art. 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il méconnait les dispositions de l'art. L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, s'agissant de l'opportunité de l'admettre au séjour à titre exceptionnel ;
Sur l'obligation de quitter le territoire :
- elle est illégale à raison de l'illégalité du refus de titre sur lequel elle se fonde ;
- elle méconnait les stipulations de l'art. 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant;
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Portes,
- et les observations de Me Le Gall pour M. A...,
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... ressortissant algérien né le 24 juin 1974, est entré en France le 17 mars 2018 sous couvert d'un visa court séjour. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'accompagnant d'enfant malade, sur le fondement des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 10 juin 2020, le préfet de police a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Le préfet de police relève appel du jugement du 9 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Le Gall au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
3. Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...)". Aux termes de l'article R. 313-23 alors applicable de ce code : " (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. (...) ". L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
4. L'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en date du 28 février 2020 produit en première instance par le préfet de police, rendu avec la participation des docteurs Sebille, Baril et D..., est toutefois dépourvu de la signature du docteur C... D.... Contrairement à ce que soutient le préfet, la signature manquante ne saurait être déduite des trois points figurant sur le document après son agrandissement, alors même que les signatures des autres médecins demeurent parfaitement lisibles. Dans ces circonstances, nonobstant la possible identification des médecins composant le collège et la mention " après en avoir délibéré, le collège émet l'avis suivant ", ledit avis ne peut être regardé, en l'absence de signature du docteur D..., comme établissant sa participation effective à la délibération. Par suite, l'avis du collège de médecins ne pouvant être regardé comme rendu avec la participation de trois médecins, ce vice de procédure doit être regardé comme ayant privé M. A... d'une garantie.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 10 juin 2020.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991:
6. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Le Gall, avocat de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Le Gall de la somme de 1 0000 euros.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Le Gall la somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Le Gall renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Me Le Gall et à M. B... A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente de chambre,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme Portes, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2022.
La rapporteure,
C. PORTES
La présidente,
M. HEERS
La greffière,
V. BREME
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA01219 2