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01/06/2022 | FRANCE | N°19PA04244

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 01 juin 2022, 19PA04244


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2007 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1312914/1-1 du 5 janvier 2016, le Tribunal administratif de Paris, après avoir prononcé la réduction, en droits et en pénalités, des impositions résultant de la taxation de la somme de 3 856 234 euros, correspo

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2007 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1312914/1-1 du 5 janvier 2016, le Tribunal administratif de Paris, après avoir prononcé la réduction, en droits et en pénalités, des impositions résultant de la taxation de la somme de 3 856 234 euros, correspondant à la fraction de la plus-value réalisée par M. B... le 29 mai 2007 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Par un arrêt n° 16PA00874 du 12 avril 2018, la Cour administrative d'appel de Paris, sur appel de M. et Mme B... :

1°) les a partiellement déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2007, restant en litige, ainsi que des pénalités correspondantes, à raison de la taxation dans la catégorie des traitements et salaires du gain réalisé correspondant aux parts de la société CDA apportées directement par M. B... à la société civile Adea Project et de la taxation selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières, sur le fondement des dispositions de l'article 150-0 A du code général des impôts, du gain correspondant aux parts de la société CDA apportées par la société civile Adea à la société civile Adea Project ;

2°) a réformé le jugement du Tribunal administratif de Paris du 5 janvier 2016 en ce qu'il a de contraire à cet arrêt ;

3°) a rejeté le surplus des conclusions de M. et Mme B....

Par une décision n° 421452 du 20 décembre 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 12 avril 2018 et renvoyé l'affaire à ladite Cour.

Procédure devant la Cour après renvoi :

Par des mémoires en défense enregistrés le 13 octobre 2021 et le 2 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut à ce que la Cour confirme son arrêt du 12 avril 2018.

M. et Mme B... ont été mis en demeure, en application du deuxième alinéa de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, de produire un mémoire récapitulatif reprenant les conclusions et les moyens qu'ils entendaient, à l'issue de l'instruction, soumettre à la Cour.

Un mémoire récapitulatif et un mémoire complémentaire ont été présentés le 12 décembre 2021 et le 2 mars 2022 par M. et Mme B..., représentés par Me Clarisse Sand et Me Jean-Paul Hordies. M. et Mme B... demandent l'annulation du jugement n° 1312914/1-1 du 5 janvier 2016 du Tribunal administratif de Paris, la décharge de l'ensemble des droits et pénalités restant à leur charge, la saisine du juge judiciaire et de la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles et la mise à la charge de l'Etat de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils soutiennent que :

- les conséquences financières des redressements figurant dans la proposition de rectification du 23 décembre 2010 et dans le courrier du 11 janvier 2011, ainsi que dans les courriers qui suivent, sont erronées ;

- ils n'ont pas bénéficié d'un débat contradictoire préalable à la saisine de la commission des infractions fiscales, en méconnaissance du principe général du respect des droits de la défense retranscrit, depuis 2016, à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, de l'article 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 ; il y a lieu à cet égard de solliciter la communication de la délégation de signature dont a bénéficié l'autorité ayant procédé à la saisine et de transmettre le cas échéant une question préjudicielle au juge judiciaire relative aux modalités et aux effets de la décision individuelle prise par l'autorité administrative fiscale de saisir la commission des infractions fiscales ;

- la pénalité de 40 % n'est pas motivée en l'absence d'éléments concrets liés à la situation personnelle s'agissant de la mise en œuvre de cette pénalité ;

- l'avis de mise en recouvrement comporte un montant de revenus de capitaux mobiliers résultant du rehaussement légèrement inférieur à celui mentionné dans les derniers documents indiquant les conséquences financières ;

- les décisions de dégrèvement du 31 mars 2016 et du 3 juillet 2018 ne sont pas compréhensibles en l'absence des modalités de calcul ;

- les avis d'imposition primitifs et l'extrait de rôle ne peuvent plus servir de base à l'exigibilité des sommes litigieuses en raison des substitutions de base légale prononcées par le juge ;

- la substitution de base légale est impossible puisqu'elle porte sur des impôts distincts, dont le fait générateur et le taux sont différents, et dans la mesure où ces impôts sont recouvrés de manière différente ;

- s'agissant de la part du gain retiré de l'apport à la société civile Adea project des titres CDA détenus directement par M. B..., le critère pertinent n'était pas celui du risque pris par l'investisseur salarié ou dirigeant, mais la question de savoir si le management package a été octroyé au contribuable en sa qualité de salarié ou de dirigeant ;

- la substitution de base légale prononcée s'agissant de l'apport par l'intermédiaire d'une société imposable selon le régime des sociétés de personnes est intervenue en phase contentieuse, après la saisine de la commission des infractions fiscales et du comité d'abus de droit, et porte atteinte à l'égalité des armes et tronque le débat contradictoire antérieur en violation de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

- il n'a été procédé à aucun désinvestissement ; M. B... a réalisé un investissement économique avec l'acquisition à titre personnel titres WI et d'OPCVM ; il a procédé à d'autres démarches d'investissement ;

- la société Adea project n'a rien d'artificiel ;

- elle a donné une garantie de passif à la société CDA ;

- les pénalités pour abus de droit ont un caractère rétroactif ;

- l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ne pouvait trouver à s'appliquer en mai 2007 à la situation de l'espèce ;

- la notion de fraude à la loi développée par la jurisprudence était encore en germe en 2007 ;

- les opérations d'" apport-cession " n'étaient nullement prohibées par l'article 150-0 B du code général des impôts ou par la jurisprudence au moment des faits ;

- l'application des pénalités de l'article 1729 du code général des impôts procède donc d'une interprétation de l'article 150-0 B du code général des impôts postérieure aux faits qui les motivent ;

- compte tenu des substitutions de base légale prononcées, la procédure tant d'imposition que contentieuse méconnait les principes d'égalité des armes et du contradictoire garantis par les articles 47 et 52 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'avis du comité de l'abus de droit est irrégulier ;

- les modalités de répression des utilisations abusives de la législation prise pour l'application de la directive européenne relative aux fusions constituent une violation du principe de la légalité et de la proportionnalité des peines contraire à l'article 49 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- il y a lieu de transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : " Le droit de l'Union européenne, et plus particulièrement les articles 8 et 11 de la directive 90/434/CEE relative au régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions, doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale et une pratique administrative nationale selon lesquelles le bénéfice du report d'imposition de la plus-value, prévu par cette même réglementation nationale, puisse être considéré comme constitutif d'un abus de droit lorsque l'autorité administrative compétente procède à ce constat sur base de présomptions générales confortées par une pratique administrative qui n'est jamais remise en cause et qui a fait peser définitivement sur le contribuable la charge de la preuve ' " ;

- ils ne pouvaient considérer à l'époque des faits que l'échange de titres effectué pouvait être remis en cause sur le fondement de l'abus de droit ;

- les pénalités pour abus de droit sont contraires à l'article 7 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par ordonnance du 2 février 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 2 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier, ensemble les pièces et mémoires visés par l'arrêt n° 16PA00874 du 12 avril 2018.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard, rapporteur,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,

- et les observations de Me Sand et de Me Hordies, représentant M. et Mme B..., et les observations orales de M. B....

Une note en délibéré, enregistrée le 26 mai 2022, a été présentée pour M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... ont créé, le 10 avril 2007, la société civile Adea, qui relève du régime d'imposition des sociétés de personnes et qui a pour objet la constitution et la gestion d'un portefeuille de valeurs mobilières. Le même jour, M. B... et la société Adea ont constitué la société civile Adea Project qui a le même objet social et qui a opté pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés. Le 3 mai 2007, M. B... a cédé 570 800 titres qu'il détenait de la société Compagnie de l'Audon (CDA) à la société Adea, laquelle les a immédiatement apportés à la société Adea Project. Cette cession a été effectuée à la valeur nominale des titres de la société CDA. M. B... a également fait directement apport à la société Adea Project de 6 840 titres de la société CDA. M. et Mme B... ont reçu en contrepartie des titres de la société Adea Project. Les plus-values d'un montant total de 11 017 812 euros constatées lors de ces opérations d'apport ont été placées automatiquement sous le régime du sursis d'imposition prévu par l'article 150-0 B du code général des impôts. Le 29 mai 2007, la société CDA a procédé au rachat de ses propres titres auprès de la société Adea Project, pour un prix identique à leur valeur d'apport. A l'issue d'un contrôle sur pièces du dossier fiscal de M. et Mme B..., l'administration fiscale a considéré que les apports des titres de la société CDA à la société Adea Project, préalablement au rachat de ses propres titres par la société CDA, avaient eu pour seul objet d'éviter l'imposition immédiate que M. B... aurait dû supporter si, à défaut d'interposition de la société Adea Project, il avait cédé lui-même directement à la société CDA les 577 640 titres de cette société qu'il détenait initialement. L'administration fiscale a, pour ce motif, remis en cause le bénéfice du sursis d'imposition en mettant en œuvre la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. Elle a, par ailleurs, estimé que le gain correspondant au montant des plus-values d'apport constituait, pour partie, un complément de salaire accordé à M. B... à raison de ses fonctions dans le groupe Wendel et l'a taxé à concurrence de 65 % de son montant dans la catégorie des traitements et salaires et, pour le surplus, dans celle des revenus de capitaux mobiliers. M. et Mme B... ont, en conséquence de cette rectification, été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2007, assorties notamment de la majoration de 40 % pour abus de droit prévue au b) de l'article 1729 du code général des impôts. Par un jugement du 5 janvier 2016, le Tribunal administratif de Paris, faisant partiellement droit à la demande de M. et Mme B..., a prononcé la réduction des impositions et pénalités mises à leur charge, au motif que la fraction des plus-values imposée dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers devait être taxée selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande. M. et Mme B... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il leur est défavorable.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations.

3. La proposition de rectification du 23 décembre 2010 adressée à M. et Mme B... mentionne l'année d'imposition, les impositions concernées, ainsi que la nature et le montant des rectifications envisagées. Elle expose les raisons pour lesquelles l'administration a considéré que le placement en sursis d'imposition des plus-values d'un montant total de 11 017 812 euros constatées lors de l'apport des titres de la société CDA à la société civile Adea Project procédait d'un abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, ainsi que les motifs justifiant l'imposition de ce gain à concurrence de 65 % de son montant dans la catégorie des traitements et salaires et pour le surplus dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. M. et Mme B... disposaient ainsi des éléments d'information nécessaires pour contester utilement les impositions mises à leur charge, ce qu'ils ont d'ailleurs fait, et la circonstance que des erreurs figurent dans le calcul des conséquences financières des redressements ne révèle aucune méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 48 du même livre : " A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou d'une vérification de comptabilité, lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou dans la notification mentionnée à l'article L. 76, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications. (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que les impositions mises à la charge de M. et Mme B... procèdent d'un contrôle sur pièces de leur dossier fiscal, et non d'un examen de leur situation fiscale personnelle ou d'une vérification de leur comptabilité. Les requérants ne peuvent dès lors utilement soutenir, au motif tiré de ce que les conséquences financières des redressements figurant dans la proposition de rectification du 23 décembre 2010 et dans le courrier du 11 janvier 2011, ainsi que dans les courriers qui suivent, sont erronées, que les impositions en litige ont été établies en méconnaissance de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, les garanties prévues par ces dispositions n'étant pas applicables en cas de contrôle sur pièces. Au surplus et en tout état de cause, les impositions finalement mises à la charge de M. et Mme B... sont inférieures ou égales aux sommes indiquées dans la proposition de rectification et dans les documents notifiés subséquemment. Les requérants ne peuvent par suite être regardés à cet égard comme ayant été privés d'une garantie susceptible d'exercer une influence sur la décision d'imposition. La circonstance que l'avis de mise en recouvrement comporte un montant de revenus de capitaux mobiliers résultant du rehaussement légèrement inférieur à celui mentionné dans les derniers documents indiquant les conséquences financières n'est pas non plus de nature à priver les contribuables d'une telle garantie.

6. En troisième lieu, la commission des infractions fiscales intervient, dans le cadre prévu par les dispositions de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales, dans la procédure conduisant au dépôt de plaintes devant la juridiction pénale. Dès lors sa saisine ne saurait être regardée comme une étape de la procédure conduisant à l'établissement de l'impôt. Le moyen tiré du caractère irrégulier de la saisine de cette commission est par suite sans influence sur l'issue du présent litige. M. et Mme B... ne sauraient en conséquence utilement soutenir, dans le cadre du présent contentieux relatif à l'assiette de l'impôt, que les modalités de cette saisine méconnaitraient le principe général du respect des droits de la défense retranscrit à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, l'article 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et la directive 2012/13/UE du Parlement Européen et du Conseil du 22 mai 2012. Il n'y a en conséquence pas lieu à cet égard de solliciter la communication de la délégation de signature dont a bénéficié l'autorité ayant procédé à la saisine, ni de transmettre au juge judiciaire une question préjudicielle relative aux modalités et aux effets de la décision individuelle prise par l'administration de saisir la commission des infractions fiscales.

7. Enfin, les vices de forme ou de procédure dont serait entaché l'avis du comité de l'abus de droit fiscal en date du 3 mai 2012 n'affectent pas la régularité de la procédure d'imposition et ne peuvent avoir pour effet que de modifier, le cas échéant, la dévolution de la charge de la preuve. Par suite, les circonstances alléguées que cet avis n'est pas suffisamment motivé et que le motif retenu par le comité n'a pas fait l'objet d'un débat oral et contradictoire en méconnaissance des dispositions de l'article 1653 E du code général des impôts sont sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'existence d'un abus de droit :

8. D'une part, aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification ". Il résulte de ces dispositions que l'administration est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif, ou, que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.

9. D'autre part, aux termes de l'article 150-0 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Les dispositions de l'article 150-0 A ne sont pas applicables, au titre de l'année de l'échange des titres, aux plus-values réalisées dans le cadre d'une opération d'offre publique, de fusion, de scission, d'absorption d'un fonds commun de placement par une société d'investissement à capital variable, de conversion, de division, ou de regroupement, réalisée conformément à la réglementation en vigueur ou d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés (...) ".

10. En vertu du premier alinéa de l'article 150-0 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige, les plus-values réalisées dans le cadre d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés bénéficient d'un sursis d'imposition au titre de l'année de l'échange des titres. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 30 décembre 1999 de finances pour 2000 de laquelle elles sont issues, que le législateur a, en les adoptant, entendu faciliter les opérations de restructuration d'entreprises, en vue de favoriser la création et le développement de celles-ci, par l'octroi automatique d'un sursis d'imposition pour les plus-values résultant de certaines opérations qui ne dégagent pas de liquidités. Lorsque l'administration entend remettre en cause les conséquences fiscales d'une opération qui s'est traduite par un sursis d'imposition au motif que les actes passés par le contribuable ne lui sont pas opposables, elle est fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. En effet, une telle opération, dont l'intérêt fiscal est de différer l'imposition, entre dans le champ d'application de cet article dès lors qu'elle a nécessairement pour effet de minorer l'assiette de l'année au titre de laquelle l'impôt est normalement dû à raison de la situation et des activités réelles du contribuable.

11. La société Compagnie de l'Audon (CDA) a été constituée par trois dirigeants du groupe Wendel. Son capital a ensuite été ouvert aux principaux cadres dirigeants du groupe. Le 3 avril 2007, la société CDA a acquis la société Solfur auprès de la société Wendel Investissement. Le 3 mai 2007, l'assemblée générale de la société CDA a autorisé ses associés à apporter leurs titres dans des sociétés civiles dont ils détenaient les parts. Elle a décidé en même temps une réduction de capital, non motivée par des pertes, par voie de rachat de ses titres. M. et Mme B... ont créé, le 10 avril 2007, la société civile Adea, société relevant du régime d'imposition des sociétés de personnes, et qui a pour objet la constitution et la gestion d'un portefeuille de valeurs mobilières. Le même jour, M. B... et la société civile Adea ont constitué la société civile Adea Project, ayant le même objet social, et qui a opté pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés. Le 3 mai 2007, M. B... a cédé 570 800 titres qu'il détient de la société CDA à la société civile Adea, laquelle les a immédiatement apportés à la société civile Adea Project. M. B... a également fait apport à cette société de 6 840 titres de la société CDA. Les requérants ont reçu en contrepartie des titres de la société civile Adea Project. Les plus-values d'un montant total de 11 017 812 euros constatées lors de cette opération d'apport ont été placées sous le régime du sursis d'imposition prévu par les dispositions de l'article 150-0 B du code général des impôts. Le 29 mai 2007, la société CDA a procédé au rachat de ses propres titres auprès de la société civile Adea Project, qui a reçu en paiement de cette cession des parts d'une SICAV monétaire. L'administration a, selon la procédure de répression des abus de droit, remis en cause le bénéfice par M. B... du sursis d'imposition, après avoir relevé que les opérations d'apport des titres de la société CDA à la société civile Adea Project constituaient un montage abusif ayant pour seul objet de permettre à l'intéressé, par une application littérale des dispositions de l'article 150-0 B, contraire à l'intention du législateur, de disposer d'un gain en en différant l'imposition grâce à l'interposition d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés, qu'il contrôlait et dirigeait.

12. Le comité de l'abus de droit fiscal, par son avis du 3 mai 2012, a considéré que l'administration était fondée à mettre en œuvre la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, après avoir relevé que l'opération d'apport-cession des titres de la société CDA participait d'un montage ayant permis à M. B..., grâce à l'interposition de la société civile Adea Project, soumise à l'impôt sur les sociétés, de différer l'imposition du gain qu'il avait réalisé lors de cette opération en plaçant celle-ci artificiellement dans le champ de l'article 150-0 B du code général des impôts. Ainsi, le comité a, contrairement à ce qui est allégué, confirmé le bien-fondé du recours par l'administration à la procédure de répression des abus de droit.

13. Si les vices de forme ou de procédure entachant l'avis émis par le comité de l'abus de droit fiscal n'affectent pas la régularité de la procédure d'imposition et ne sont pas de nature à entraîner la décharge de l'imposition contestée, ces irrégularités ont pour effet de modifier la dévolution de la charge de la preuve. Le comité de l'abus de droit fiscal a confirmé le bien-fondé de la mise en œuvre par l'administration de la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales en retenant, comme l'avait relevé l'administration dans la proposition de rectification du 23 décembre 2010 adressée aux époux B..., que l'opération d'apport-cession des titres de la société CDA participait d'un montage ayant permis à M. B..., grâce à l'interposition de la société civile Adea Project, soumise à l'impôt sur les sociétés, de différer l'imposition du gain qu'il avait réalisé lors de cette opération en plaçant celle-ci artificiellement dans le champ d'application de l'article 150-0 B du code général des impôts. Il résulte de l'instruction que M. et Mme B... ont été invités à présenter leurs observations devant le comité sur le caractère abusif de cette interposition. Si le comité a également fait état d'un montage ayant consisté à dissimuler la dissolution et la liquidation de la société CDA, dans le seul but d'en répartir l'actif, il résulte clairement des mentions de l'avis en litige, que ces circonstances, qui se rapportent en réalité à la situation d'un autre contribuable, ne constituent pas le motif retenu par le comité pour délivrer un avis favorable à la mise en œuvre de la procédure de répression des abus de droit. Ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'ils n'auraient pas été mis en mesure de discuter des motifs fondant cet avis et que l'administration aurait ainsi méconnu le principe du contradictoire ni le principe de l'égalité des armes. Les moyens tirés de la méconnaissance pour ces motifs de l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme ou des articles 47 et 52 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peuvent par suite qu'être écartés. Il résulte de l'instruction que l'administration s'est conformée à cet avis. En vertu des dispositions citées au point 8., la charge de la preuve incombe en principe à M. et Mme B....

14. Il résulte de l'instruction que la succession des opérations rappelées au point 11., notamment l'intervention presque simultanée de l'apport, direct ou indirect, des titres CDA par M. B... à la société Adea project, qu'il avait créée et qu'il contrôlait, directement ou indirectement avec son épouse, dont la gestion patrimoniale de titres était le seul objet et qui avait opté pour l'imposition à l'impôt sur les sociétés, et du rachat par la société CDA de ses propres titres, a permis aux requérants d'entrer artificiellement dans les prévisions de l'article 150-0 B du code général des impôts en évitant l'imposition à laquelle ils auraient été soumis si la société CDA leur avait directement racheté leurs titres, et que l'interposition de la société civile Adea Project et l'apport des titres de la société CDA à cette société doivent être regardés comme ayant poursuivi un but exclusivement fiscal et comme nécessairement contraires à l'objectif poursuivi par le législateur. Dans ces conditions, alors même que les requérants n'auraient reçu aucune liquidité et qu'aucun désinvestissement n'aurait eu lieu, qu'ils auraient réalisé un investissement économique avec l'acquisition à titre personnel de titres Wendel Investissement et d'OPCVM, qu'il aurait été procédé à d'autres démarches d'investissement et que la société Adea Project, laquelle a donné une garantie de passif à la société CDA, et dont les actifs étaient surveillés par la société JP Morgan par l'intermédiaire d'une " golden share ", n'aurait rien d'artificiel, l'administration fiscale était fondée à constater l'existence d'un abus de droit.

15. Enfin, il résulte de l'article 1er la directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'Etat membres différents qu'elle ne crée d'obligations à l'égard des Etats membres qu'au regard d'opérations qui concernent des sociétés d'au moins deux Etats membres. Il est constant que la plus-value en cause a été réalisée à l'occasion d'un échange de titres de deux sociétés françaises. Ainsi, elle n'entrait pas dans le champ d'application de la directive du 23 juillet 1990. Par suite le moyen tiré de ce que les modalités de remise en cause du droit au sursis d'imposition, en tant qu'elles méconnaitraient le principe de légalité et de proportionnalité garantis par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, seraient contraire aux objectifs poursuivis par le législateur européen dans le cadre de cette directive ne peut qu'être écarté. Au surplus et en tout état de cause, il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'administration a régulièrement pu estimer, sur la base des dispositions législatives en vigueur à l'époque des faits et à l'issue d'une procédure de rehaussement contradictoire régulièrement conduite, que M. B... s'était mis dans une situation constitutive d'un abus de droit. Il suit de là qu'aucune atteinte aux principes de légalité ou de proportionnalité ne peut être identifiée. Il n'y a par suite pas lieu de transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle portant sur la question de savoir si le droit de l'Union européenne, et plus particulièrement les articles 8 et 11 de la directive 90/434/CEE relative au régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions s'opposent aux modalités qui ont permis la remise en cause, sur le fondement de l'abus de droit, du sursis d'imposition dont M. B... entendait bénéficier.

En ce qui concerne la catégorie d'imposition du gain réalisé par M. B... :

16. Ainsi qu'il a été dit, le gain en litige correspond à des plus-values réalisées lors de l'apport à la société civile Adea Project, d'une part, de 6 840 titres de la société CDA par M. B... et, d'autre part, de 570 800 titres de la société CDA par la société civile Adea, régie par les dispositions de l'article 8 du code général des impôts.

S'agissant de la plus-value réalisée lors de l'apport par la société civile Adea à la société civile Adea Project de 570 800 titres de la société CDA :

17. Aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. (...) Il en est de même, sous les mêmes conditions : 1° Des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l'une des formes de sociétés visées à l'article 206 1 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 ; (...) ". Aux termes de l'article 238 bis k de ce code : " (...) II. Dans tous les autres cas, la part de bénéfice ainsi que les profits résultant de la cession des droits sociaux sont déterminés et imposés en tenant compte de la nature de l'activité et du montant des recettes de la société ou du groupement ". Aux termes de l'article 150-0 A du même code : " Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement ou par personne interposée, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu lorsque le montant de ces cessions excède, par foyer fiscal, 20 000 euros pour l'imposition des revenus de l'année 2007.(...) ".

18. Ainsi qu'il a été dit au point 1., la société civile Adea, dont M. B... détenait plus de 99 % du capital et qui a fait apport, le 3 mai 2007, à la société civile Adea Project des 570 800 titres de la société CDA que M. B... lui avait cédés le même jour, n'a pas opté pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés. Elle n'était, par nature, pas salariée du groupe Wendel ni d'aucun autre employeur. Par suite, le service, qui n'a pas entendu écarter l'interposition de la société civile Adea comme ne lui étant pas opposable, ne pouvait pas requalifier en complément de salaire, même pour partie, la plus-value constatée lors de l'apport à la société civile Adea Project des titres de la société CDA par la société civile Adea, et ce, alors même que M. B..., qui contrôlait et dirigeait celle-ci, exerçait lui-même une activité salariée au sein de la société WI. Par suite, c'est à tort que l'administration n'a pas totalement imposé selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières prévu à l'article 150-0 A du code général des impôts la partie du gain en litige correspondant à la plus-value réalisée lors de l'apport par la société civile Adea à la société civile Adea Project de 570 800 titres de la société CDA.

19. Toutefois, l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier une imposition par un nouveau fondement juridique, à la condition qu'une telle substitution de base légale ne prive le contribuable d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi. La circonstance que cette substitution de base légale intervienne en pleine phase contentieuse, après la saisine de la commission des infractions fiscales et du comité d'abus de droit ne porte pas, contrairement à ce qui est soutenu, atteinte à l'égalité des armes ni ne remet en cause le principe du contradictoire du débat devant le juge en méconnaissance de l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme, ni ces principes en tant qu'ils seraient garantis par les articles 47 et 52 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dès lors que le contribuable a, jusqu'à la clôture de l'instruction, la possibilité d'invoquer des moyens nouveaux et qu'il a eu la possibilité de discuter contradictoirement du bien-fondé de cette substitution.

20. Dès son mémoire en défense enregistré le 26 octobre 2017, lors de la première procédure suivie devant la Cour, communiqué aux requérants, le ministre a expressément demandé, dans le cas où la Cour remettrait en cause " le principe même de l'imposition d'une partie du gain dans la catégorie des traitements et salaires ", que " la totalité du gain, soit 11 017 812 euros " soit imposée selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières prévu à l'article 150-0 A du code général des impôts, " y compris pour sa fraction initialement rappelée en traitements et salaires ". Il a par ailleurs réitéré cette demande dans un mémoire enregistré le 31 janvier 2018, en réponse à la communication par la Cour d'un moyen d'ordre public, pour la fraction du gain en litige correspondant à la plus-value réalisée lors de l'apport par la société civile Adea à la société civile Adea Project de 570 800 titres de la société CDA, ce dernier mémoire ayant été communiqué aux requérants dans le cadre de la présente instance. Il y a lieu d'accueillir cette demande de substitution, dès lors d'une part, qu'elle porte sur le même impôt, à savoir l'impôt sur le revenu, et la même année d'imposition, alors même que le fait générateur et le taux d'imposition seraient différents, et que les modalités de recouvrement de l'impôt ne seraient pas les mêmes, et d'autre part, qu'elle ne prive les contribuables d'aucune des garanties de procédure attachées au nouveau fondement légal.

S'agissant de la plus-value réalisée lors de l'apport par M. B... à la société civile Adea Project de 6 840 titres de la société CDA :

21. Aux termes de l'article 79 du code général des impôts : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu. ". Aux termes de l'article 82 de ce code : " Pour la détermination des bases d'imposition, il est tenu compte du montant net des traitements, indemnités et émoluments, salaires, pensions et rentes viagères, ainsi que de tous les avantages en argent ou en nature accordés aux intéressés en sus des traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères proprement dits. (...) ". Aux termes du 1 du I de l'article 150-0 A du même code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux (...) de valeurs mobilières (...) sont soumis à l'impôt sur le revenu lorsque le montant de ces cessions excède, par foyer fiscal, 20 000 euros pour l'imposition des revenus de l'année 2007 (...) ".

22. Pour justifier l'imposition du gain en litige dans la catégorie des traitements et salaires, l'administration fait valoir que ce gain trouvait son origine dans les fonctions exercées par M. B... au sein de la société WI et qu'il a été versé dans le cadre d'une opération d'intéressement aux résultats de cette société des cadres dirigeants du groupe pour leur contribution à l'activité de ce dernier. Elle a ainsi relevé que l'opération en cause avait permis à ces cadres dirigeants d'accéder au capital de la société WI, dans des conditions très favorables, grâce à la création le 22 octobre 2004 de la société CDA, conçue comme un véhicule d'investissement, et de réaliser ainsi, dans un délai relativement court, un gain d'un montant exceptionnel au regard de l'investissement effectué, ne pouvant être assimilé à un gain en capital de la même nature que celui d'un particulier dans le cadre de la gestion classique d'un portefeuille de titres.

23. Il résulte d'une part de l'instruction que l'investissement de M. B..., qui a réalisé un gain de 11 017 812 euros, correspond en premier lieu, à concurrence d'une somme de 30 000 euros, à l'acquisition de titres de la société CDA à leur valeur nominale, sans aucune prime d'émission, alors que cette société avait pourtant été substantiellement valorisée par l'acquisition de l'option d'achat des titres WP à la société Solfur et à concurrence de 90 000 euros, à des apports effectués sur le compte courant d'associé ouvert à son nom dans les livres de la société CDA pour financer sa quote-part de l'acquisition de l'option d'achat cédée par la société Solfur, apports remboursés par la société CDA en juillet 2006, soit plusieurs mois avant le débouclage de l'opération en mai 2007. Sur cette partie de l'investissement, le risque encouru était limité, l'option d'achat, payable en plusieurs tranches jusqu'au 31 décembre 2007 et acquise ainsi grâce à des conditions de paiement avantageuses, pouvant être exercée au moment le plus favorable eu égard au cours du titre de la société WI sur une longue période de six années entre le 25 octobre 2004 et le 25 octobre 2010. L'investissement de M. B... correspondait également à l'apport, en contrepartie de l'attribution de nouveaux titres de la société CDA, de ses droits dans la société Compagnie de l'Aurette. Cet investissement, réalisé concomitamment par l'ensemble des managers intéressés le 26 février 2007 en vue du débouclage imminent de l'opération à une date à laquelle le cours du titre WI était suffisamment élevé, a permis de financer l'acquisition par la société CDA, le 3 avril suivant, auprès de la société WI, des titres de la société Solfur, puis de réaliser la transmission universelle du patrimoine de cette dernière société, correspondant principalement, outre à une trésorerie de 12 millions d'euros, au contrôle, via la détention de titres de la société Wendel Participations, de 4,66 % du capital de la société WI, représentant 324 millions d'euros, lesquels ont été acquis le 29 mai 2007 par la société CDA grâce au rachat par la société Wendel Participations de ses propres titres dans le cadre d'une réduction de son capital non motivée par des pertes. L'opération en litige a ainsi permis aux cadres dirigeants du groupe Wendel d'acquérir indirectement des titres de la société WI au moment où le cours leur était le plus favorable en contrepartie d'un investissement non aléatoire. D'autre part il résulte de l'instruction, et notamment du rapport annuel 2004 de WI, d'un communiqué de cette société du 3 décembre 2004, du compte-rendu de la réunion du comité de gouvernance du conseil de surveillance de cette même société du 17 avril 2007 et du compte-rendu de la réunion du conseil d'administration de la société SLPS du 24 avril 2007, que l'entreprise avait pour volonté d'intéresser ses cadres dirigeants aux résultats de la société WI, que le bénéfice du dispositif était subordonné à l'exercice d'une activité au sein de cette dernière, que l'entrée au capital de CDA était conditionnée à la signature d'une promesse unilatérale de vente des actions à leur prix de souscription en cas de licenciement et que la fraction du capital détenue par chacun des actionnaires était fonction de son niveau de responsabilités au sein du groupe. Le lien entre l'avantage consenti et l'exercice des fonctions salariées doit en conséquence être regardé comme établi. C'est par suite à bon droit que le service a imposé dans la catégorie des traitements et salaires la partie du gain en litige correspondant à la plus-value réalisée lors de l'apport par M. B... à la société civile Adea Project de 6 840 titres de la société CDA, à supposer d'ailleurs que M. et Mme B..., qui indiquent expressément dans leur mémoire récapitulatif que leur argumentaire porte exclusivement sur l'apport des titres CDA par la société Adea à la sté Adea Project, aient entendu contester ce point.

En ce qui concerne le montant des dégrèvements accordés en cours d'instance :

24. Les requérants qui ne développent aucun moyen permettant à la Cour de considérer que les sommes restant à leur charge sont excessives, ne sauraient en conséquence utilement se prévaloir de ce que les décisions de dégrèvement qui leur ont été notifiées ne sont pas détaillées, un tel moyen étant en outre sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition. En outre, dans son mémoire en date du 2 février 2022, le ministre a fourni des indications suffisantes sur les montants à l'origine de ces décisions de dégrèvement. Le moyen tiré de ce que ces décisions ne sont pas explicitées en l'absence des modalités de calcul ne peut par suite qu'être écarté.

En ce qui concerne les conséquences des substitutions de base légale :

25. Contrairement à ce qui est soutenu, les décisions prises par le juge de l'impôt, en tant qu'elles modifient la décision initiale par laquelle l'imposition contestée a été établie, se substituent à cette décision sans qu'il soit nécessaire d'établir de nouveaux avis de mise en recouvrement. Le moyen tiré de ce que les avis d'imposition primitifs et l'extrait de rôle correspondant ne peuvent plus servir de base à l'exigibilité des sommes litigieuses en raison des substitutions de base légale prononcées par le juge ne peut par suite qu'être écarté. Au surplus et en tout état de cause, M. et Mme B... ne sauraient utilement se prévaloir dans le cadre du présent contentieux relatif à l'assiette, de moyens relatifs à l'exigibilité de l'impôt.

Sur les pénalités :

26. En premier lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) b. 80 % en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; elle est ramenée à 40 % lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire ; (...) ". Aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations ". Il résulte de ces dernières dispositions que l'administration a l'obligation, au moins trente jours avant la mise en recouvrement des pénalités visées par le second alinéa de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, d'adresser au contribuable un document comportant la motivation des pénalités qu'elle envisage de lui appliquer et indiquant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour présenter ses observations. L'administration est tenue de renouveler cette formalité si, pour quelque motif que ce soit, elle modifie, avant leur mise en recouvrement, la base légale, la qualification ou les motifs des pénalités qu'elle se propose d'appliquer au contribuable.

27. Il résulte de l'instruction que la pénalité de 80 % a été motivée dans la proposition de rectification du 23 décembre 2010 par les éléments constitutifs de l'abus de droit. Elle a été ramenée à 40 % conformément à l'avis, communiqué au contribuable le 3 mai 2012, du comité de l'abus de droit, lequel a estimé que M. B... n'avait pas eu l'initiative de l'abus de droit. Contrairement à ce qui est soutenu, les pénalités prévues par les dispositions précitées ont pu être établies au taux de 40 % sans qu'aucune motivation supplémentaire ne soit adressée au contribuable. La circonstance invoquée que la charge de la preuve incombait au contribuable en cas d'avis favorable du comité de l'abus de droit est à cet égard dépourvue de portée.

28. Il résulte de ce qui a été dit plus haut que M. B... a interposé la société civile Adea Project, qu'il a également assujettie à l'impôt sur les sociétés, dans le seul but de pouvoir bénéficier du sursis d'imposition défini à l'article 150-0 B du code général des impôts, auquel il n'aurait pu prétendre s'il avait cédé directement à la société CDA les titres de cette société qu'il détenait. C'est, dès lors, à bon droit que l'administration a considéré que M. B... s'était volontairement livré à une opération constitutive d'un abus de droit, qu'elle a procédé à l'imposition immédiate des plus-values d'apport constatées par l'intéressé, jusqu'alors placées artificiellement sous le régime du sursis d'imposition, et qu'elle a majoré les droits notifiés aux contribuables, y compris ceux procédant de la taxation dans la catégorie des traitements et salaires du gain correspondant à l'apport réalisé personnellement par M. B..., de la pénalité de 40 % prévue par les dispositions précitées du b) de l'article 1729 du code général des impôts. La circonstance que la jurisprudence, qui s'applique nécessairement à des situations de fait et de droit antérieures, ait évolué au cours des années 2006 et 2007 en ce qui concerne la définition de l'abus de droit au sens des dispositions alors en vigueur de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales et que les opérations d'" apport-cession " n'étaient nullement prohibées par l'article 150-0 B du code général des impôts ou par la jurisprudence au moment des faits, ne permet pas de regarder les requérants comme ayant fait l'objet d'une application rétroactive de la loi pénale. Il suit de là que, et alors même que divers intervenants ont pu estimer à l'époque des faits que le sursis d'imposition à l'occasion d'un échange de titres ne pouvait être remis en cause sur le fondement de l'abus de droit, les pénalités en litige, qui ne sauraient en tout état de cause être regardées comme disproportionnées, ne méconnaissent pas les dispositions de l'article 7 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux termes desquelles : " Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international ".

29. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... sont seulement fondés à obtenir la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2007, restant en litige, correspondant à la différence, le cas échéant, entre l'imposition maintenue à leur charge et celle résultant de la taxation selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières de la totalité du gain retiré de l'apport de titres de la société civile Adea à la société Adéa Project et de l'imposition dans la catégorie des traitements et salaires du gain retiré de l'apport de titres réalisé directement par M. B... à cette dernière société. Pour le surplus, ils ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

30. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

31. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme au profit de M. et Mme B... à raison des frais qu'ils ont exposés dans la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : M. et Mme B... sont déchargés, le cas échéant, de la différence entre les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2007 et restant en litige, ainsi que des pénalités correspondantes, et celles résultant de la taxation dans la catégorie des traitements et salaires du gain réalisé correspondant aux parts de la société CDA apportées directement par M. B... à la société civile Adea Project et de la taxation selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières, sur le fondement des dispositions de l'article 150-0 A du code général des impôts, du gain correspondant aux parts de la société CDA apportées par la société civile Adea à la société civile Adea Project.

Article 2 : Le jugement n° 1312914/1-1 du Tribunal administratif de Paris en date du 5 janvier 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de M. et Mme B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction nationale de vérification des situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juin 2022.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

J. CHAMPESME

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA04244


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA04244
Date de la décision : 01/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SELARL DTA

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-01;19pa04244 ?
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