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01/06/2022 | FRANCE | N°21PA00547

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 01 juin 2022, 21PA00547


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ceetrus France a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) versées au titre des exercices 2014 et 2015 et la restitution de ces mêmes cotisations pour un montant de 2 635 529 euros ainsi que le versement des intérêts moratoires y afférents.

Par un jugement n° 1912244/1 du 3 décembre 2020, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

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r une requête enregistrée le 2 février 2021, la société Ceetrus France, représentée par Me Fra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ceetrus France a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) versées au titre des exercices 2014 et 2015 et la restitution de ces mêmes cotisations pour un montant de 2 635 529 euros ainsi que le versement des intérêts moratoires y afférents.

Par un jugement n° 1912244/1 du 3 décembre 2020, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 février 2021, la société Ceetrus France, représentée par Me François Lugand, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 3 décembre 2020 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses et la restitution des sommes correspondantes majorées des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le dispositif prévu au II de l'article 1586 sexies du code général des impôts trouve à s'appliquer à toutes les personnes exerçant une activité de location d'immeubles nus ;

- l'administration ne peut pas créer une distinction non prévue par la loi ;

- l'interprétation formelle de la loi par la doctrine BOI-CVAE-BASE-20 20140630 et BOI-IF-CFE-10-20-30-20140630 §1 est opposable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

- en outre, les conditions dans lesquelles elle exerce son activité de location ne sont pas de nature à caractériser une activité professionnelle ;

- en effet, l'existence de loyers variables proportionnels au chiffre d'affaires des preneurs, les clauses d'usage exclusif du local, d'exercice de l'activité sous une enseigne contractuellement déterminée, de préemption du local en cas de cession du fonds de commerce par le preneur, l'obligation d'accepter les paiements effectués au moyen d'une carte commune à la galerie marchande, l'obligation pour le preneur de contribuer à un fonds commun et l'obligation de participer financièrement à des contributions complémentaires en cas d'évènement exceptionnel s'inscrivent dans une perspective de valorisation de son patrimoine immobilier et d'accroissement de recettes des preneurs et ne suffisent pas à caractériser une activité professionnelle au sens de l'article 1447 du code général des impôts.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 mai 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Ceetrus France ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 14 juin 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Ceetrus France a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur les exercices 2014 et 2015. Par une proposition de rectification du 6 décembre 2016, le service vérificateur a notamment procédé à des rehaussements de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) au titre des exercices concernés, au motif que la société ne pouvait bénéficier du dispositif transitoire du II de l'article 1586 sexies du code général des impôts qui autorise les entreprises qui réalisent des activités de location ou de sous-location d'immeubles nus, réputées exercées à titre professionnel au sens de l'article 1447 du code général des impôts, à prendre en compte progressivement les charges et recettes constituant l'assiette de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, et à appliquer un abattement dégressif sur sa valeur ajoutée imposable. La société Ceetrus France relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande en décharge de cotisations de CVAE ainsi établies pour un montant de 2 635 529 euros au titre des exercices 2014 et 2015.

2. Aux termes du I de l'article 1447 du code général des impôts dans sa version applicable à compter de l'année 2010 : " La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales, les sociétés non dotées de la personnalité morale ou les fiduciaires pour leur activité exercée en vertu d'un contrat de fiducie qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée./Pour l'établissement de la cotisation foncière des entreprises, les activités de location ou de sous-location d'immeubles, autres que les activités de location ou sous-location d'immeubles nus à usage d'habitation, sont réputées exercées à titre professionnel ; toutefois, la cotisation foncière des entreprises n'est pas due lorsque l'activité de location ou de sous-location d'immeubles nus est exercée par des personnes qui, au cours de la période de référence définie à l'article 1467 A, en retirent des recettes brutes hors taxes, au sens de l'article 29, inférieures à 100 000 euros ou un chiffre d'affaires, au sens du 1 du I de l'article 1586 sexies, inférieur à 100 000 euros. ". Aux termes de l'article 1586 ter dudit code : " I. - Les personnes (...) morales qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 (...) et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 euros sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ". Aux termes du II de l'article 1586 sexies du même code : " Par exception au I, les produits et les charges mentionnés au même I et se rapportant à une activité de location ou de sous-location d'immeubles nus réputée exercée à titre professionnel au sens de l'article 1447 ne sont pris en compte, pour le calcul de la valeur ajoutée, qu'à raison de 10 % de leur montant en 2010, 20 % en 2011, 30 % en 2012, 40 % en 2013, 50 % en 2014, 60 % en 2015, 70 % en 2016, 80 % en 2017 et 90 % en 2018. ".

3. D'une part, les dispositions du II de l'article 1586 sexies du code général des impôts ont pour objet de prévoir une soumission progressive à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises pour les produits et les charges se rapportant à une activité de location ou de sous-location d'immeubles nus exercée par les loueurs, autres que les activités de location ou sous-location d'immeubles nus à usage d'habitation, lorsqu'une telle activité de location ou de sous-location n'entre pas déjà dans le champ de cet impôt sur le seul fondement du premier alinéa du I de l'article 1447 du même code. Les instructions administratives publiées au bulletin officiel des impôts sous la référence BOI-CVAE-BASE-20 et BOI-IF-CFE-10-20-30 §1 ne font en tout état de cause pas des dispositions précitées de la loi fiscale une interprétation différente de ce qui précède et ne peuvent par suite être valablement invoqués sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

4. D'autre part, la location d'un immeuble nu par son propriétaire ne présente pas le caractère d'une activité professionnelle au sens des dispositions du premier alinéa du I de l'article 1447 du code général des impôts sauf dans l'hypothèse où, à travers cette location, le bailleur ne se borne pas à gérer son propre patrimoine mais poursuit, selon des modalités différentes, une exploitation commerciale antérieure ou participe à l'exploitation du locataire.

5. Il est constant que les contrats en cours d'exécution entre la société Ceetrus France et ses locataires comprenaient notamment une clause d'indexation du loyer sur le chiffre d'affaires du preneur, une clause d'usage exclusif du local, soumettant le locataire à l'exercice d'une activité commerciale précisément définie, l'obligation d'exercer cette activité sous une enseigne contractuellement déterminée, l'obligation d'accepter les paiements effectués au moyen d'une carte commune à l'ensemble des commerçants et prestataires de services de la galerie marchande, une clause de préemption au bénéfice du bailleur en cas de cession du fonds de commerce et du bail qui y est lié, l'obligation pour le preneur de contribuer à un " fonds commun " destiné aux actions d'animation, communication et publicité du centre commercial, pour un montant déterminé en fonction de la surface louée et l'obligation de participer financièrement à des " contributions complémentaires ", " en cas d'événements exceptionnels " tels la rénovation de la galerie marchande ou l'ouverture d'un centre commercial concurrent. Ces stipulations, alors mêmes qu'elles sont d'usage dans de nombreux baux commerciaux et qu'elles s'inscrivent dans une perspective de valorisation du patrimoine immobilier et d'accroissement de recettes des preneurs, et que le loyer représente un pourcentage faible du chiffre d'affaires des locataires et de celui du bailleur et n'est susceptible de donner lieu à un versement que pour la quote-part excédant le montant du loyer fixe du bail, font peser sur les preneurs des obligations liées à leur exploitation commerciale. L'activité de location de la société Ceetrus France présente, dès lors, un caractère professionnel, au sens des dispositions précitées du code général des impôts. Elle n'est donc pas éligible aux mesures d'allègement instituées au II de l'article 1586 sexies qui ne concernent, ainsi que cela a été précédemment exposé, que les seuls redevables de la CVAE qui n'étaient pas auparavant assujettis à la taxe professionnelle.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Ceetrus France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Ceetrus France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ceetrus France et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction des vérifications nationales et internationales.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juin 2022.

Le rapporteur,

F. A...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

J. CHAMPESME

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21PA00547


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00547
Date de la décision : 01/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : CABINET ARSENE TAXAND

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-01;21pa00547 ?
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