Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que de la contribution spéciale sur les hauts revenus qui lui ont été assignées au titre de l'année 2012.
Par un jugement n° 1922399/1-1 du 16 décembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 15 février et 15 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Nicolas Schakowskoy puis par la SARL Cabinet Briard, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 décembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses.
Il soutient que :
- la doctrine administrative prévoit que, pour être régulier et interrompre la prescription, l'avis de réception doit être signé par le contribuable lui-même, ou à défaut, par son " fondé de pouvoir " (BOI-CF-PGR-10-10, n° 170) ;
- la proposition de rectification du 10 décembre 2015 n'a pas été régulièrement distribuée, que ce soit au contribuable ou à son mandataire ;
- le représentant fiscal désigné à l'occasion de son transfert de domicile hors de France n'a pas été destinataire du pli ;
- aucune élection de domicile n'a été faite chez le conseil fiscal l'ayant assisté au cours de la procédure de vérification ;
- la SARF, qui était son représentant fiscal accrédité, et qui était responsable du paiement de l'impôt relatif à la plus-value immobilière pour la vente de sa villa de Corse, n'a reçu aucune notification ;
- il résulte de la doctrine administrative référencée BOI-RFPI-PVINR-30-20 que la proposition de rectification doit être adressée au représentant fiscal accrédité ;
- la réponse aux observations du contribuable du 13 juin 2016 n'a été réceptionnée par lui ni par un tiers dûment mandaté ;
- il n'est pas établi qu'il a été régulièrement avisé de la présentation du pli correspondant ;
- il n'y a pas eu de débat contradictoire au cours de l'examen de situation fiscale personnelle portant sur sa domiciliation ;
- la domiciliation doit s'apprécier au titre de la période postérieure au 18 juin 2012, et plus précisément à la date de la cession de la villa en Corse, voire au 31 décembre 2012, en ce qui concerne la plus-value immobilière redressée, et sur l'ensemble de l'année 2012 ;
- le tribunal administratif n'a pas répondu à ce moyen ;
- à compter du 18 juin 2012, il vivait à Londres avec sa compagne et les deux enfants de celle-ci ;
- la disposition d'un appartement à Paris pour servir de pied à terre et d'une résidence secondaire en Corse n'implique pas l'existence d'un foyer en France ;
- il n'avait pas en France son foyer ni son lieu de séjour principal ;
- il n'y avait ni d'activité professionnelle principale, ni le centre de ses intérêts économiques ;
- il n'avait pas en France de foyer d'habitation permanent au sens de la convention franco-britannique ;
- il n'avait pas en France le centre de ses intérêts vitaux ;
- la condition de libre disposition du bien a été supprimée à compter de 2014 : le principe de nécessité de l'impôt fait obstacle à ce que cette condition lui soit opposée ;
- en l'absence de définition légale de la notion de libre disposition, cette condition est inapplicable ;
- en l'absence de clause de sauvegarde, cette condition est inconstitutionnelle ;
- il pouvait céder librement sa villa ;
- la jurisprudence et la doctrine administrative BOI 8 M-1-05, 4 août 2005 reprise au BOI-RFPI-PVINR-10-20, n°370 considèrent qu'il y a libre disposition en l'absence de titre d'occupation ;
- l'administration n'établit pas la réalité de la location ;
- en l'absence de location, il y a libre disposition ;
- la réponse B..., n° 14801, p. 292, JO Sénat du 8 février 2007 est invocable à cet égard ;
- une location saisonnière ne fait pas obstacle à la libre disposition ;
- la location était en tout état de cause partielle ;
- le doute sur la notion de libre disposition doit profiter au contribuable ;
- en l'absence de location, il n'a perçu aucun revenu foncier.
Par des mémoires en défense enregistrés les 18 mai et 13 septembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 1er septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au
29 septembre 2021.
Par un mémoire enregistré le 28 septembre 2021, M. A... a demandé à la Cour de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du 2° du II de l'article 150 U du code général des impôts, dans sa version issue de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ainsi que des lois n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 et nos 2011-1977 et 2011-1978 du 28 décembre 2011.
Par une ordonnance du 24 novembre 2021, le président de la 2ème chambre a estimé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A....
Un mémoire a été présenté le 4 février 2022 pour M. A..., après la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,
- et les observations de Me Masquart, représentant M. A....
Deux notes en délibéré, enregistrées les 19 et 20 mai 2022, ont été présentées pour
M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2011 à 2013. Le vérificateur a remis en cause, au titre de l'année 2012, sa domiciliation fiscale au Royaume-Uni entre le 18 juin et le 28 septembre 2012, la non déclaration de revenus fonciers pour une villa louée à Porto-Vecchio et l'exonération de la plus-value immobilière pour la revente de la même villa, et a taxé des revenus d'origine indéterminée non déclarés. M. A... relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, des contributions sociales ainsi que des pénalités et intérêts de retard correspondants mis à sa charge en conséquence au titre de l'année 2012.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments soulevés par le requérant à l'appui de ses moyens, ont statué sur le moyen tiré des conditions d'imposition de la plus-value réalisée lors de la cession de sa résidence en Corse et ont constaté que M. A... était résident fiscal en France à la date de la cession, le 28 septembre 2012. La circonstance qu'ils n'aient pas répondu à l'argument tiré de ce que la résidence fiscale devait s'apprécier sur une période courant jusqu'au 31 décembre 2012 n'est dans ces conditions pas de nature à affecter la régularité du jugement.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. En premier lieu, le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de la situation fiscale personnelle d'un contribuable au regard de l'impôt sur le revenu en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales interdit au vérificateur d'adresser la notification de redressement qui, selon l'article L. 48, marque l'achèvement de cet examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu'il envisage de retenir. Toutefois aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que le débat contradictoire revête une forme orale. Il résulte de l'instruction que le requérant a bénéficié d'un premier entretien avec le vérificateur, assisté de son conseil, le 25 septembre 2014, puis d'un second entretien le 29 juin 2015, et enfin d'un entretien de synthèse le 8 décembre 2015. La question du transfert de la résidence de M. A... au Royaume-Uni a en outre été évoquée dans le courrier du 2 octobre 2014 adressé par le conseil du requérant. Il ne résulte par suite pas de l'instruction que le statut de " non-résident " de M. A... n'ait pas été discuté à l'occasion du débat contradictoire.
4. Il résulte en deuxième lieu de l'instruction que la proposition de rectification du 10 décembre 2015 a été réceptionnée le 22 décembre 2015 au domicile londonien de M. A... et que l'avis de réception a été signé avec la mention : " A... " par une personne se présentant comme Mme A.... La circonstance que la signature figurant sur l'accusé de réception ne soit pas celle de la compagne du requérant, avec laquelle il n'est d'ailleurs pas marié, n'est pas de nature à établir que le signataire n'était pas habilité pour recevoir le pli. Au surplus et en tout état de cause, il est constant que M. A... a répondu à cette proposition de rectification et ne peut en conséquence être regardé comme ayant été privé d'une garantie susceptible d'exercer une influence sur la décision d'imposition. Les diverses doctrines dont se prévaut le requérant sont relatives à la procédure d'imposition et ne sont par suite pas invocables sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Le contribuable ayant, ainsi qu'il a été dit, effectivement reçu la proposition de rectification, la circonstance qu'il ait désigné auprès de l'administration fiscale française un représentant fiscal accrédité qui n'a pas été destinataire de ce document est dépourvue de portée. Le moyen tiré de la notification irrégulière de la proposition de rectification du 10 décembre 2015 ne peut par suite qu'être écarté.
5. Il résulte en troisième lieu de l'instruction que le pli contenant la réponse aux observations du contribuable du 13 juin 2016 a été présenté le 17 juin au domicile du requérant et a été retourné non réclamé à l'envoyeur le 6 juillet suivant. Si les pièces du dossier ne permettent pas de s'assurer que le contribuable a effectivement été averti de la mise à disposition du pli par le dépôt d'un avis d'instance, le pli en cause a été à nouveau présenté au domicile du requérant et réceptionné le 22 juillet par une employée travaillant à l'entretien des lieux. La seule circonstance que le responsable de l'entreprise d'entretien atteste pour les besoins de l'instance que ladite employée n'était pas chargée de réceptionner les objets postaux ne saurait suffire à établir que le contribuable ne l'avait pas habilitée pour ce faire. Au surplus, et en tout état de cause, il résulte de l'instruction que l'avocat du requérant, lequel est présumé agir au nom et pour le compte de ce dernier, a répondu à la réponse aux observations du contribuable. Il suit de là que l'irrégularité invoquée demeure, en tout état de cause, sans conséquence sur le bien-fondé de l'imposition dès lors que, n'ayant privé le contribuable d'aucune garantie, elle n'a pas pu avoir d'influence sur la décision d'imposition. Le moyen tiré de la notification irrégulière de la réponse aux observations du contribuable du 13 juin 2016 ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne le caractère taxable de la plus-value :
6. Aux termes de l'article 150 U du code général des impôts : " I.- Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices agricoles et aux bénéfices non commerciaux, les plus-values réalisées par les personnes physiques (...) lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH. (...) II.- Les dispositions du I ne s'appliquent pas aux immeubles, aux parties d'immeubles ou aux droits relatifs à ces biens : (...)2° Qui constituent l'habitation en France des personnes physiques, non résidentes en France, ressortissantes d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, dans la limite d'une résidence par contribuable, à la double condition que le cédant ait été fiscalement domicilié en France de manière continue pendant au moins deux ans à un moment quelconque antérieurement à la cession et qu'il ait la libre disposition du bien au moins depuis le 1er janvier de l'année précédant celle de cette cession ;(...) ".
7. En premier lieu, si le requérant invoque l'inconstitutionnalité des dispositions rappelées au point précédent, un tel moyen ne peut être présenté que dans le cadre d'une demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité présentée par mémoire distinct. Cette demande ayant été rejetée par une ordonnance du 24 novembre 2021, les moyens tirés de la critique de la loi fiscale au regard des principes de nécessité, de prévisibilité et de légalité de l'impôt, ou de l'absence de clause de sauvegarde, ne peuvent par conséquent qu'être écartés. La circonstance tirée de ce que le législateur est intervenu par la suite pour modifier les dispositions applicables est à cet égard dépourvue de portée.
8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que M. A... a mandaté en janvier 2012 l'agence Sotheby's, et a donné en vertu de ce mandat le bien en cause en location à un tiers du 27 juillet au 11 août 2012 contre un loyer de 45 000 euros hors commission. La somme de 45 000 euros a été constatée dans la comptabilité de la société Sotheby's. Le mandat produit au dossier étant signé par M. A... et mentionnant la période de location ainsi que le montant du loyer, le requérant ne saurait valablement soutenir que la réalité de la location serait seulement établie par la comptabilité d'un tiers qui ne lui serait pas opposable. Alors même que le contrat de location n'a pas été produit, la réalité de cette location est par suite établie et ne saurait être affectée par le fait que M. A... n'aurait pas réclamé à l'agence Sotheby's le versement des loyers qu'elle avait encaissés pour son compte. Si le requérant a produit, après la clôture de l'instruction, un document rédigé par un expert-comptable chargé d'établir les comptes de la filiale corse de la société Sotheby's, attestant que le compte de M. A... dans les livres de cette société a été crédité à tort, qu'il a été soldé et que M. A... n'a rien reçu, aucun élément ne permet de constater qu'il n'aurait pas été en mesure d'obtenir cette attestation et par suite d'en faire état avant la clôture de l'instruction. Au surplus et en tout état de cause, ce document, qui constitue une simple attestation non accompagnée de pièces justificatives, ne contient aucune précision sur les motifs des écritures comptables invoquées et n'est pas de nature à remettre en cause la réalité de l'opération de location établie par les précédentes pièces produites au dossier. M. A... ne remplissait par suite pas, et sans qu'il puisse utilement se prévaloir d'un doute sur le sens des dispositions applicables, la condition tenant au bénéfice de la libre disposition de son bien depuis le 1er janvier au moins de l'année précédente, la circonstance que la location n'ait été que temporaire et que l'intégralité de la villa n'ait pas été mise à la disposition du locataire étant à cet égard inopérante, les règles invoquées relatives à la notion de libre disposition au sens de la taxe d'habitation, soit au 1er janvier de l'année, étant inapplicables à l'espèce. La doctrine administrative référencée BOl 8 M-1-05 du 4 août 2005 (Fiche n° 14, n° 22) aux termes de laquelle : " En l'absence de titre d'occupation et de versement de loyer ou d'indemnité d'occupation, l'occupation gratuite d'une résidence par une personne autre que son propriétaire ou son conjoint n'a pas pour effet de priver le propriétaire du droit de disposer librement de cette résidence " ainsi que la réponse ministérielle à M. B..., n° 14801, p. 292, J0 Sénat du 8 février 2007, aux termes de laquelle la condition de libre disposition vise
" à limiter les abus en évitant qu'un contribuable non-résident ne se livre, en franchise d'impôt, à une activité immobilière spéculative en France ou qu'il ne bénéficie d'un régime plus favorable que celui qui serait appliqué à un résident de France " ne font pas de la loi fiscale une interprétation différente de ce qui précède et ne sont par suite pas invocables sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
9. Il suit de là qu'alors même que M. A... pourrait être regardé, ainsi qu'il le soutient, comme non-résident à la date de cession de sa résidence située en Corse, il ne peut bénéficier des dispositions précitées en ce qu'elles permettent l'exonération de la plus-value résultant de cette cession.
En ce qui concerne les revenus fonciers tirés de la location de la villa :
10. Aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ".
11. Ainsi qu'il a déjà été dit précédemment, M. A... a mis en location sa villa à Porto-Vecchio du 27 juillet au 11 août 2012, en contrepartie de loyers qui ont été versés par le locataire et qui étaient disponibles dans la comptabilité de l'agence Sotheby's, ainsi que cela résulte du droit de communication exercé par l'administration fiscale auprès de cette agence. Par suite, et alors même qu'il n'aurait pas souhaité percevoir ces sommes, elles doivent être regardées comme ayant été mises à sa disposition et, par suite, imposables.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête d'appel ne peut, en conséquence, qu'être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction nationale de vérification des situations fiscales.
Délibéré après l'audience du 18 mai 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juin 2022.
Le rapporteur,
F. C...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
J. CHAMPESME
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA00772